QUOI DE NEUVE ? (23)

mars 10th, 2024 § 0

Votez Émilien Long !!!

Il a reçu le prix Nobel d’économie, propose la semaine de 15 heures, revendique le droit à la paresse pour tous et se présente à l’élection présidentielle de … 2022 ! Ce n’est pas un canular mais le contenu authentique d’un savoureux roman d’Hadrien Klent – Paresse pour Tous – paru au Éditions Le Tripode. Sous le pseudonyme de cet auteur qui tient à garder son identité secrète se cache un écrivain fin connaisseur des rouages de la politique, de l’économie et des enjeux cruciaux de notre moderne monde. Si vous en avez assez des ritournelles moroses de l’actualité, lisez ce livre salutaire. Et grand merci à l’amie Laurence qui m’a fait découvrir cette pépite indispensable. J’entame demain la lecture de la suite qui s’appelle La vie est à nous…

J’écris ces lignes ce vendredi 8 mars, encore tout ému de la Marseillaise transformée et interprétée par Catherine Ringer lors de la cérémonie du scellement du Droit à l’IVG… où « une loi pure dans la constitution » a remplacé le sang impur abreuvant nos sillons. Bravo et respect Madame Rita Mitsouko ! Ce fil d’émotion m’a relié à d’autres cérémonies, celle de l’hommage à Robert Badinter lors de ses obsèques et à L’Affiche Rouge d’Aragon chantée par Arthur Teboul du groupe Feu! Chatterton lors de l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian et de leurs 23 camarades résistants fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien. Il aura fallu 80 ans…

La formule « Me Too » qui remue profondément notre société – et c’est tant mieux – a remplacé celle plus controversée de « Balance ton porc », qui il est vrai n’était pas très gentille pour nos amis les suidés.

Toiles et toiles furent le programme de l’atelier en cette fin d’hiver. Les toiles de couleurs qui essaiment en multiples directions et me reconnectent à un optimisme créatif et coloré qui enfouit le doute dans la liberté du faire et la lumière du jaune. Venez en partager quelques effluves la semaine prochaine, comme chaque année je participe au Printemps des Poètes et à l’exposition qui se tient à la Galerie du Génie la semaine prochaine du 12 au 18 mars. J’y serai le mercredi 13 de 14 à 17h et le vendredi 15 de 17 à 20h. Ou à votre guise si vous me prévenez.

Pour sortir de l’odeur de la térébenthine et des bulles méditatives et silencieuses sous la verrière, quelques toiles d’écrans au premier rang desquelles Le Successeur de Xavier Legrand dont j’avais déjà beaucoup aimé Jusqu’à la Garde en 2017. Vivement recommandé jusqu’à la dernière image  !

Aujourd’hui plus de 6000 personnes vivent dans le monde grâce à un homme, Nicolas Winton dont l’histoire est retracée dans le film de James Hawes intitulé Une Vie. Ce sont les descendants des 669 enfants juifs que ce banquier londonien, de passage à Prague en 1938 a sauvé en organisant leur évacuation par convois ferroviaires. Une histoire trop peu connue que ce film a le mérite de mettre en nos mémoires.

Green Border d’Agnieszka Holland est une plongée incisive dans l’enfer migratoire de la frontière entre Pologne et Bélarus. Insoutenable et nécessaire. Plus douce et plus intime mais néanmoins intense est la tension à l’œuvre dans 20000 espèces d’abeilles, sensible film basque de la réalisatrice Estibaliz Urresola Solaguren qui tisse les doutes, les questions et l’identité d’une petite fille de 8 ans. Et pour clore ce fil de films de mars, Boléro (en français ou Bolero en espagnol) d’Anne Fontaine avec Raphaël Personnaz qui incarne avec brio la vie et l’œuvre de Maurice Ravel. Film qui m’a embarqué et donné envie de relire le roman Ravel de Jean Échenoz.

Le 5 février dernier, Jean Malaurie est parti rejoindre les étoiles de la constellation de la Grande Ourse Polaire. Réécoutez-le parler de son concept de Pensée Première, qui à l’image des Arts que l’on dit Premiers, contient toute la sagesse des peuples originels que l’homme occidental a non seulement oubliée mais s’est fait fort de persécuter pour en éradiquer la présence et la mémoire. Pour se souvenir que, de même qu’un enfant dessine avant de parler, les constellations et les dessins des grottes ornées sont les premiers dessins de l’enfance de l’humanité, et que les lire, c’est relier l’espace au temps et l’invisible à la présence.

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-jeudi-07-mars-2024-7670837

En ce lendemain de 8 mars, tous les théâtres du monde devraient mettre à l’affiche Lysistrata, pièce d’Aristophane écrite en 411 avant notre ère. Lysistrata, littéralement « celle qui licencie l’armée » , est une belle athénienne qui incite, pendant la guerre entre Athènes et Sparte toutes les femmes de Grèce à faire la grève du sexe pour ramener les hommes à la raison et à cesser les combats.

Aujourd’hui Lysistrata pourrait s’appeler Ioulia Navalnaïa. Émilien Long lui apporterait tout son soutien. À partager avec les femmes d’Iran, celles d’Afghanistan, les enfants de Gaza… et toute l’espérance du printemps.

QUOI DE NEUVE ? (22)

février 11th, 2024 § 0

Mardi 23 janvier 15H24.

« Vous avez déposé un dossier de candidature (…) à l’Académie de France à Rome – Villa Médicis pour l’année 2024-2025. Malgré la qualité de votre dossier, nous avons le regret de vous informer qu’il n’a pas été possible de le retenir. »

Le mail vient de tomber, mettant fin à trois mois de rêves alternés d’illusions d’un séjour romain.

Au mitan des années 80, tout jeune peintre débarqué du Québec, j’habitais une chambre de bonne au sixième étage du 111 rue de Rome dans le quartier des Batignolles (voir image n°5). Comme il est dit que tous les chemins mènent à la ville éternelle, j’y vis un encouragement naïf à postuler à la célèbre académie. Ce que je fis une fois mais ne pus réitérer ayant alors dépassé la limite d’âge. Quand l’automne dernier, je reçus l’appel à candidature ne comportant plus cette fois une telle limite, une envie un peu folle me fit remettre sur le métier à créer un projet rassemblant deux de mes thèmes de prédilection favoris : à savoir LE PREMIER ŒUF, hommage aux nombre d’humains passés sur Terre depuis son origine et L’AIRE HUMAINE, le territoire symbolique pouvant être alloué aujourd’hui à chaque individu de notre planète. Pour mémoire cette surface était de 2,7 hectares en l’an 2000 et aujourd’hui où nous venons de dépasser les 8 milliards, elle est d’à peine 2 hectares. Avec en parallèles, études et recherches sur la diversité des mythes et cosmogonies des civilisations humaines….

Pourquoi le taire ? Une année romaine aurait été un beau cadeau et un fort coup de booster pour moi qui suis depuis quelques jours ex fan des sixties… 

Pour me remettre de cette déception, je suis allé chercher quelques livres à la médiathèque de mon quartier. Je tombe sur Yoga d’Emmanuel Carrère, sorti en 2020. Au début de ce roman, l’auteur part faire une retraite dans un centre d’apprentissage de méditation Vipassana, là même où je suis allé faire une retraite de dix jours il y a trente ans. Lire ce début m’a replongé dans cet univers méditatif et m’a bien aidé à atténuer les échos déceptifs de cette candidature.

J’apaise les questions qui moulinent dans mes pinceaux et dans les lourds remugles de l’actualité en faisant chanter les tubes de couleurs et les papiers de soie qui cherchent toujours la joie de soi. Créer de l’attention sans prétention, de la tension sans intention. Pas d’enjeu dans ce jeu. Travailler la douceur qui dure, taire la frustration de la reconnaissance, ouïr le silence recueilli de chaque jour qui se créée, garder en pause l’envie d’exposer…

Je continue aussi à répondre à quelques appels à projets… Celui de L’Art dans le pré, près de Troyes, plutôt bien rémunéré, offrait une dizaine de sites d’installation. J’y ai proposé, sans succès, deux projets. Les organisateurs en ont reçu … 387! J’ai comme l’intuition que vu la conjoncture économico-culturelle, le manque de ventes dans les lieux autres que les grandes galeries et autres institutions, l’état de la commande publique en France, de plus en plus d’artistes se tournent vers le domaine du land art et des installations in situ, des sentiers artistiques et autres parcours culturels pour privilégier le contact direct avec le public et les associations qui se battent pour faire vivre l’art dans un terreau humain et accessible… Amis artistes qui me lisez, qu’en pensez vous ?

Ça m’énerve, les voix qui glosent sur « il est où le monde d’après ? ». Comme s’il pouvait advenir d’un claquement de loi, comme s’il était trop facile de se cacher derrière le petit moi de cette question pour ne pas le laisser advenir, ni lui accorder une once de regard et un brin d’espoir.

Lundi 29 janvier, 18H09, ligne 9 du métro, station Charonne. Un couple d’origine tamoule est assis sur les strapontins. Elle prend discrètement la main de son compagnon et la glisse sous son manteau « Tu le sens? il bouge » … Nos regards se croisent dans un sourire complice. Je murmure: « c’est beau »…. Je dédie avec ferveur la beauté de ce sourire à toutes celles et ceux qui vont subir la loi inique contre l’immigration votée en décembre dernier avec les voix de l’extrême droite. Dire qu’on pensait avoir fait barrage !!!

31 janvier, émission La Terre au Carré sur France Inter: « La forêt n’est en rien vierge, c’est avant tout un jardin » a dit Philippe Descola cité dans une interview des ethnologues Stefen Rostain et Antoine Dorison. À l’aide du LIDAR, sorte de sonar aérien capable de voir sous la canopée, ils ont découvert des traces ancestrales de cités-jardins au cœur de la forêt amazonienne communément appelée aussi forêt vierge. Qui a bien pu inventé une telle expression ? Quelques brutes colonisatrices pour mieux la violer ?

Outre Yoga, j’ai lu ce mois-ci Service Action : Sauvez Zelensky, court roman de politique fiction sur les dessous de l’agression russe en Ukraine, écrit par Viktor K, auteur visiblement bien au fait des arcanes du monde de l’espionnage.

Et pour plus de douceur et de belle langue, le roman de Nina Bouraoui Tous les hommes désirent naturellement savoir

qui est aussi la première phrase de la Métaphysique d’Aristote. Un beau roman sur le désir, l’homosexualité, l’Algérie, la mémoire. Mémoire aussi, mais plus espagnole dans le premier roman de la chanteuse Olivia Ruiz au joli titre La commode aux tiroirs de couleurs.

Dans les films à voir à mon goût de ce début d’année, il y a Un Silence, Captives, L’Homme d’Argile et hier soir La Bête de Bertrand Bonello. J’avais un peu de réticence pour voir Bonnard, Pierre et Marthe aux allures de biopic, mais comme tout ce qui touche à Bonnard m’est cher, j’y suis allé et n’ai pas boudé mon plaisir à ce qui n’est pas un grand film mais une honnête évocation de la vie de mon peintre préféré qui disait vouloir « se présenter devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec des ailes de papillons ».

Je ne suis plus un jeune peintre mais vous souhaite encore et toujours un regard de papillon sur les ailes du monde. Il en a besoin.

QUOI DE NEUVE ? (21)

janvier 9th, 2024 § 0

Des soldats ont ouvert le feu sur des civils. Mais quand vont-ils le refermer ?

Est-il nécessaire d’en écrire davantage pour ne pas alourdir le couvercle plombant de l’actualité ?

Mieux vaut regarder les timides flocons qui virevoltent au fil de ces lignes derrière la verrière de l’atelier qui continue à son rythme tranquillement hivernal à peindre ses ardoises, à chercher le centre du regard (image 1), à poursuivre la quête de fenêtres à ouvrir (image 2), à dessiner Les Pages de Marguerite (image 3) pour un projet d’installation de miroirs aux abords de la maison d’enfance de Dame Yourcenar dans la région d’Hazebrouck. Projet qui ne verra pas le jour (ni la nuit) en cette année à venir. Il y eut 120 réponses à cet appel et 10 heureux. Bonne chance à eux.

Je me souviens qu’enfant, à l’époque où le téléphone était un produit de luxe, je rêvais du jour où il serait possible non seulement d’entendre la voix de son interlocuteur lointain mais en plus de le voir. Ce rêve est devenu réalité et bien souvent cauchemar dans un espace public où les interférences crachottantes des portables deviennent l’insupportable bande sonore des transports en commun. Qu’y faire ?

« Sous le pont Mirabeau coule la Seine » écrivit Apollinaire. Par quels méandres de l’histoire sont passés ses courants qui devraient nous faire chanter « Sous le pont Mirabeau coule… l’Yonne » puisqu’à leur confluent, à Montereau, c’est cette dernière qui a un débit supérieur à celui de la Seine, qui, si l’on suit cette norme de géographe devrait être considérée comme un affluent de l’Aube… Ainsi je vous écrirais depuis le département d’Yonne-Saint-Denis, tandis que Le Havre serait sous-préfecture de … L’Yonne Maritime !

J’avais bien aimé il y a une douzaine d’année La Théorie des Nuages de Stéphane Audeguy ainsi que Fils Unique, biographie imaginaire du frère (disparu?) de Jean Jacques Rousseau. J’ai retrouvé avec plaisir cet auteur avec L’Histoire du lion Personne, les aventures d’un lionceau entre Sénégal et Jardin des Plantes parisien à la fin du XVIIIème siècle.

Haruki Murakami a une passion pour les tee-shirts dont il possède une faramineuse panoplie qu’il nous raconte dans un bref ouvrage intitulé T. Entre catalogue et collection, deux manches partout !

Aviez-vous vu le beau film de José Luis Lopez Linares inspiré par Jean Claude Carrière et intitulé L’ombre de Goya, paru en 2022. J’ai retrouvé trace du célèbre peintre espagnol, ou plutôt celle de son crâne, quête d’une médecin-légiste dans le roman de Sarah Chiche Les alchimies.

J’ai retrouvé Peter May, le plus périgourdin des auteurs écossais avec un roman paru il y a trente ans et récemment réédité. C’est Un chemin sans pardon, dans la jungle cambodgienne au moment de la chute de Khmers rouges.

Retrouvé aussi l’islandais Indridason, non pas sur son versant policier mais plutôt sur l’historique avec Le Roi et l’Horloger, étrange rencontre au XVIIIème siècle, entre un horloger islandais et Christian VII, roi du Danemark considéré comme fou et écarté du pouvoir.

Je viens de commencer avec enthousiasme, Cosme, un livre de Guillaume Meurisse qui tourne autour du poème Voyelles d’Arthur Rimbaud.

Dans les films du mois, j’ai bien aimé Soudain Seuls, inspiré du livre éponyme d’Isabelle Autissier. Past Lives de Cécile Gong, touchante histoire d’amour/amitié entre Corée et New York. Touchante l’est aussi celle contée par le singapourien Anthony Chen dans Un Hiver à Yanji.

Sublime beauté en noir et blanc du Voyage au Pôle Sud de Luc Jacquet. Non loin de là, en Patagonie, l’implacable réquisitoire contre le massacre des indiens que porte Les Colons, intense et puissant film de Felipe Galvez Haberle.

J’avais bien aimé Perdrix d’Erwan Le Duc en 2019. Même régalade drôle et décalée avec La fille de son père.

Et pour finir ces agapes cinéphilliques de passage d’An Neuf, je suis allé déguster quatre heures de Menus Plaisirs, le film que le documentariste nonagénaire mais toujours alerte Frederick Wiseman a tourné dans les restaurants de l’étoilée tribu Troisgros à Roanne. Luxe et délices !

La nuit est tombée, les trop rares flocons ont cessé, j’écoute l’enregistrement des Sonates de Bach par l’immense Rostropovitch dans la basilique de Vézelay en mars 1991.

« Il suffit d’écouter le vent pour savoir si l’on est heureux » a dit le philosophe Adorno cité par Charles Pépin dans son émission Sous le Soleil de Platon du 3 janvier.

Là j’aime celui qui souffle dans les ouïes du violoncelle du grand Slava.

QUOI DE NEUVE ? (20)

décembre 13th, 2023 § 0

Rothko et Mankell, baumes de décembre.

Je voulais terminer ma précédente nouv’aile en vous disant « Chouette, demain je vais voir l’expo Rothko à la Fondation Vuitton ». Et puis j’ai oublié de l’écrire… mais pas d’y aller. Et ce fut un moment de grâce et de lumière, d’intimité et de recueillement. Je l’avais découvert de visu en 1999 lors d’une exposition au MAM de Paris et ce fut déjà un éblouissement, aujourd’hui renouvelé dans cette grande et majestueuse exposition. Avant de sortir du surréalisme et de plonger dans l’abstraction et la couleur pure, Rothko, né Markuss Rotkovics en 1903 en Lettonie, écrivit au tournant des années 40, un long texte intitulé La Réalité de l’Artiste qui ne fut découvert par son fils et sa fille que 18 ans après sa mort en 1970 et publié en France en 2004. Dans un des premiers chapitres, il écrit «la répétition constante du faux est plus convaincante que la démonstration du vrai». Les réseaux de notre époque illustrent bien cette sentence visionnaire…

Je participe cette semaine à l’exposition les MINIS du Génie avec deux récents petits formats (dans l’image n°1 de cette chronique). Pour info, je serai présent à la Galerie le Mercredi 13 décembre de 14 à 17h. N’hésitez pas à y porter votre regard, qui est aussi un soutien. La Galerie du Génie de la Bastille, sise depuis 2014 au 126 rue de Charonne à Paris, est comme bon nombre d’associations culturelles en grandes difficultés. Help !!!

Je continue tranquillement à œuvrer dans l’atelier sans d’autre objectif précis que me nourrir de l’acte de créer et d’ainsi soigner et tenir à distance la dure morosité de l’époque… tout en continuant à répondre à quelques appels à projets. Mais qu’est lourde et douloureuse l’humeur de cette fin d’année ! Je mobilise toute mon énergie pour rester humblement debout et j’écris ces nouv’ailes pour continuer à tisser les liens des mots et l’écho des regards…

Reçu à la radio une minute d’espoir dans la bouche de Cécile Duflot qui intervenant à propos de la COP 28 déclara que s’il y avait tant de lobbystes à ce grand raout écologiste au pays du pétrole, c’est parce qu’ils se sentent menacés. Vision optimiste ? Mais non dénuée de fondement, chacun sentant bien que cette assemblée n’a rien d’une baguette magique mais que c’est endurance et ténacité qui vont œuvrer au changement… Qui sera forcément trop lent, au vu de toutes les accélérations vertigineuses des prévisions climatiques… Le temps n’est plus à chercher à savoir scientifiquement s’il y a lien entre dérèglement et accumulations de catastrophes. L’évidence nous bouche les yeux: la colère de Gaïa est là.

Entendu aussi à la radio que la mort du dramaturge Eschyle serait due à la chute sur sa tête d’une carapace de tortue (lancée dit la légende par un rapace qui aurait prit son crâne pour un rocher). Étonnante collision, lien subtil entre les pensées grecque et chinoise quand on sait que la naissance de l’écriture de l’Empire du Milieu et corollairement du Yi Jing, se fit à travers des pratiques divinatoires par brûlage de carapaces de tortue…

Dans les nouv’ailes d’octobre 2015, à l’annonce du décès d’Henning Mankell, j’écrivis : «Il faut lire et relire ce grand humaniste, pour ses polars bien sûr, qui sont bien plus que des policiers mais aussi ses romans et ses ouvrages pour la jeunesse que ce gendre de Bergman avait tissés au fil de sa vie partagée entre Suède et Mozambique.» Récemment une amie m’a conseillé de lire son dernier livre intitulé Sable Mouvant : en janvier 2014, Mankell né en 1948, apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon. Il tient alors un journal, pas vraiment de sa maladie, mais plutôt un regard sur ses « Fragments de ma vie » comme est sous-titré ce livre. Il parle de son métier d’homme de théâtre – écrivain et metteur en scène – et nous livre ses réflexions sur le monde et ses histoires. Je le découvre férocement antinucléaire quand il évoque les cent mille années que nous léguons à nos descendants pour l’enfouissement et la surveillance des déchets radioactifs… Nous qui nous émerveillons des chefs d’œuvres de Lascaux ou autres splendeurs de Cosquer, imaginez ce qu’il en serait si au lieu de ces premières traces de peintures, on avait trouvé des futs d’acier corrodés transpirant la mortelle radioactivité… Pour suivre, je lis le livre Mankell (par) Mankell, qu’une journaliste danoise, Kirsten Jacobsen, lui a consacré après de longues et nombreuses séances d’interviews pour peaufiner le portraits multi-facettes de cet écrivain suédois qui a vendu plus de 40 millions de livre dans le monde. Toutes ces réjouissantes lectures m’ont donné envie de remettre mes yeux dans les pas du commissaire Wallander…

Après d’avoir rejoint récemment ceux du commissaire Jean-Baptiste Adamberg dans le roman Sur La Dalle de Fred Vargas paru en mai dernier. J’avais été moyennement emballé par son précédent livre La Recluse, mais cette fois, j’ai embarqué sur cette dalle bretonne rondement menée. Embarqué aussi dans Le Bal des Folles de Victoria Mas, chronique des femmes recluses à La Salpêtrière sous les expérimentations du Docteur Charcot.

Dans les étoiles invoquées pour tenir face à ce monde de dingues, il y a celles qui brillent dans les salles obscures où je l’avoue, moi qui n’ai ni télé ni réseaux sociaux numériques, je me réfugie en surfant sur ma carte d’abonnement de 22€ mensuels qui depuis plus de 20 ans me donne accès à la très grande majorité des cinémas parisiens.

Au menu de ces semaines, le québecois Simple comme Sylvain, Le « guédiguian » Et la Fête Continue, Le gastronomique Dodin Bouffant, l’africain et belge Augure, le tokyoïte Perfect Days de Wim Wenders, l’espagnol Les Filles vont bien, le dispositif remarquable de Little Girl Blue. Et le frugal mais foisonnant Ricardo et la Peinture de Barbet Schroeder, ami depuis plus de 40 ans de Ricardo Cavallo, peintre argentin entre Neuilly et Bretagne, magnifique portrait d’une belle et tenace trajectoire artistique qui rime avec authentique.

Et pour finir cette chronique sur la légèreté d’un sourire, une question importante :

Souriez, l’année est presque terminée, une nouvelle est bientôt âme née.

QUOI DE NEUVE ? (19)

novembre 9th, 2023 § 0

« C’est l’histoire d’un juif qui rencontre un autre arabe… »

J’avais évoqué la plus courte blague du monde dans les Nouv’ailes de septembre 2014. Je l’avais entendue dans la bouche d’André Markowicz, fameux traducteur d’auteurs russes, interrogé à propos du conflit israélo-palestinien… Depuis un mois elle fait le siège de ma mémoire pour juguler le plomb terroriste et les tapis de bombes, le sang des enfants et la vengeance aveugle, l’inadmissible colonisation et la détresse des populations civiles…

J’avais (déjà) évoqué ces sinistres expressions dans une chronique de 2009, pointant l’ironie des hasards des mots qui associe de troublantes et fumeuses mémoires le mot « Gaza » à l’histoire d’Israël. Difficile, moi qui souhaite faire de ce petit billet mensuel une parenthèse de légèreté et de poésie, de ne pas évoquer brièvement la noirceur de cet octobre d’horreur qui tapisse l’endroit et l’envers de l’actualité et de l’à-venir. Et pendant cet étouffant temps-là, Poutine se frotte les mains (sales) en Ukraine et on n’entend moins les cris des femmes iraniennes.

« Et imagine que ca t’arrive sous acide ? » a déclaré une femme israélienne, DJ qui participait le 7 octobre à la rave « Festival pour la Paix » à quelques mètres de la frontière avec Gaza. Cette phrase m’a donné un vertige sans fin, aux bords du gouffre abyssal qui sépare ces deux univers.

Un foui tra uno pèiro din un pous mai fau proun sage pèr l’avura (Un fou jette une pierre dans un puits mais il faut bien des sages pour l’en retirer).

Alors je m’accroche vaille que vaille aux pinceaux du silence (mais peut être devrais-je écrire « faille que faille » ?). Je me tiens debout au bord du chevalet, imaginant des parapluies géants qui sauveraient leurs baleines avec de gigantesques aiguilles d’acupuncture électrisant les méridiens de la planète (image n°1). Cherchant à résoudre dans les plis d’un labyrinthe la quadrature du cercle (image n°2). Et dans le labyrinthe des mots le sourire et la paix de l’Œuf et de la Poule (image n°3).

Per escoundu que fugue lou fus, toujours lou fum pareis (Si bien caché que soit le feu, il faut toujours que fumée sorte).

En période de prix littéraires, je n’aime pas lire les ouvrages en courses. Mais comme il était en première place sur les étagères de la médiathèque de mon quartier, je l’ai emprunté et lu avant qu’il reçoive le prix Fémina. C’est Triste Tigre de Neige Sino, récit non fictionnel d’un inceste qui entre autre acuité, interroge la notion même de récit d’un tel événement.

La enguo n’a ges d’os mai n’en fa roumpre (La langue n’a pas d’os, mais elle peut en briser).

Les phrases que vous lisez en brun sont extraites d’un réjouissant livre historico-provençal en forme de conte poétiquement réaliste paru chez Le Tripode et intitulé Le Dit du Mistral. L’auteur s’appelle Olivier Mak-Bouchard.

Dans les films du mois, n’essayez pas de tout comprendre mais laissez-vous emporter par la féérie fantastique des dessins et des couleurs du (dernier?) film de Miyazaki « Le Garçon et le Héron ». Moi, qui ai une affinité particulière pour ce volatile, a été émerveillé comme un petit garçon qui grandit encore entre les ailes d’un film.

Pas très emballé par La Fiancé du Poète ni par Une année difficile, j’ai bien aimé L’Air de la Mer rend Libre, The Killers of the Flowers Moon. Détesté Second Tour d’Albert Dupontel. Adoré le Ravissement. Subjugué par la puissance de L’Enlèvement de Marco Bellochio inspiré de l’Affaire Mortara (l’enlèvement d’un enfant juif par les soldats du Pape et l’Inquisition italienne au milieu du XIXème siècle). Séduit par Le Théorème de Marguerite, brillante élève mathématicienne faisant une thèse sur la conjecture de Goldbach. Et je termine cette liste cinéphile par Good Bye Julia dans un Soudan déchiré entre Nord et Sud, entre musulmans et chrétiens. Cain et Abel, foutez l’camp de cette planète et foutez nous la paix !!!

J’ai commencé cette chronique d’automne par un traducteur de russe, je la clos par un proverbe indien entendu dans la bouche de Michel Jonasz :

« Si tu vois tout en gris, déplace l’éléphant ».

Do 91123

QUOI DE NEUVE ? (16)

octobre 9th, 2023 § 0

Quarantaine.

Nous n’y sommes plus, mais c’est pourtant ce mot qui a imprégné pour moi ces semaines printanières. Non pas en référence pandémiaire, mais en mémoire calendaire d’une quarantaine d’années. En écoutant les balbutiements médiatiques du tournoi de tennis de Roland Garros, je ne me souvenais plus de la joute victorieuse de Yannick Noah sur la terre battue de la petite balle jaune ! Était-elle tombée dans un trou de neurone vieillissant ? Que nenni ! Je ne m’en souvenais plus parce qu’à cette époque, en juin 1983, j’étais au pays dont la devise est « Je me souviens »…

Arrivé à Montréal le 27 octobre 1982 avec comme seules envies Danser et Dessiner, j’étais en ce juin-là au bout de mes réserves financières. J’avais claqué mes dernières piastres pour verser les arrhes d’un retour en Stefan Batory, paquebot polonais qui m’embarquera pour la France le 28 octobre 83. J’allais même jusqu’à songer faire gogo boy pour gagner quelques thunes, quand un matin, parti avec 5 dollars en poche voir des amis pour leur montrer mes premiers dessins encadrés, je rentrais le soir avec 500 dollars et deux peintures en moins. Je m’autorisais ce jour-là à y voir un heureux présage !

Ce fut une période ébouriffante, pleine de rencontres, d’inspirations, de projets… Cet instant québecois fut une bascule, une charnière de vie qui me fit décider d’entrer en peinture.

Alors comme la production de l’atelier va piano piano, je vous joins quelques images de gouache et d’aquarelle de ce temps-là, peintures qui furent exposées quelques mois plus tard, juste avant le retour transtalantique, au coin de Saint Laurent et Prince Arthur dans un bar si bien nommé L’Eau à la Bouche.

Je n’avais jamais réalisé que le verlan de « verrou » est « ouvert ». Ce fut fait pendant un savoureux concert que donna le souffleur de sons Didier Malherbe au Triton des Lilas avec Alexandre Cellier autre virtuose facétieux… Reste à savoir « vers où » va ce verrou ouvert ?

J’écris ces lignes dans un atelier où la chaleur pas encore estivale s’immisce doucement sous la verrière… Il semble bien que le réchauffement du climat va « plus vite, plus fort, plus chaud » que les plus alarmistes prévisions… En Arctique, le premier été sans glace de mer – en clair la disparition de la banquise d’été de l’océan du Nord – pourrait advenir dès 2030. Alors Un degré ? Deux degrés ? Quatre degrés ? Faites vos jeux … d’eaux à moins que ce soit des jeux… d’os ! On ne peut même pas dire « après nous le déluge » puisqu’il n’y aura peut-être plus d’eau … À moins qu’un volcan…

« Qu’est-ce que le désir ? La goutte de néant qui manque à la mer » écrivit Stéphane Mallarmé. Désirer, c’est constater l’absence, dit l’étymologie.

J’aime beaucoup les livres qui mêlent peinture et intrigue. Je me souviens encore avec émotion de la lecture du Tableau du Maître Flamand d’Arturo Perez-Reverte, lu au milieu des années 90. Alors quand j’ai entendu à la radio Adrien Goetz parler de son livre La Dormeuse de Naples où en trois nouvelles il conte la genèse et la disparition de ce pendant de La Grande Odalisque de Ingres, je l’ai aussitôt réservé dans ma médiathèque préférée. Et j’ai aimé. Dans la foulée, j’ai emprunté deux volumes de sa série « Intrigue à… ». Je me suis régalé dans celui consacré à la Normandie et à la tapisserie de Bayeux et bien ennuyé dans la dernière parue, tissée au Fort de Brégançon, où une accumulation d’érudition alourdit une pseudo énigme présidentielle, confuse et sans véritables ressorts.

J’avais il y a trois ans essayé sur les conseils d’une amie de lire Sandrine Collette et n’avais pas réussi à entrer dans la dureté noire de son univers. L’amie a récidivé en m’offrant son récent roman On était des loups. Et là j’ai embarqué à fond et à cheval dans cette intense relation père-fils au cœur d’un monde sauvage. Ce livre m’a remis en mémoire La Route, chef d’œuvre de Cormac McCarthy qu’il faut lire et relire et ne jamais voir le film qui en a été inspiré.

Quand je serai grand (dans) Le Cours de la Vie (j’irai voir) L’ile rouge

(pour faire) L’Amour dans les Forêts (et dans) L’Odeur du Vent …

Tel est mon mantra cinématographie de ce mois de Mai… auquel on peut aussi ajouter 99 moons…

Un jour de coupure de courant générale à l’atelier, je me suis fait un petit marathon d’expositions : Matisse à l’Orangerie (je continue à lui préférer Bonnard), le velouté du Pastel à Orsay voisinant avec le couple Manet/Degas. Puis je refis un saut dans les Song Lines aborigènes au Quai Branly, pour terminer en pure beauté dans les lumières magnifiques de la norvégienne Anna-Eva Bergman au MAM de Paris. Juste avant cette illumination j’ai cédé à la curiosité d’aller en face, au Palais de Tokyo, voir les peintures de Myriam Cahn dont une a été vandalisée le 7 mai dernier. Ce qui est parfaitement scandaleux. Et éminemment publicitaire pour la pauvreté plastique de cette exposition. Heureusement qu’il y eut juste après les somptuosités métalliques de celle qui fut compagne de cœur et de peinture d’Hartung.

Comme chaque été, cette nouv’aile se met en vacance et vous donne rendez-vous au jour Neuf du neuvième mois.

Portez vous un bel été !

do 9623

QUOI DE NEUVE ? (18)

octobre 9th, 2023 § 0

Si le printemps fut plutôt silencieux dans les pinceaux de l’atelier, l’automne qui se prend pour l’été fait entendre de nouveau ses bruissements colorés. Quelques rangements sous la verrière ont fait un (petit) peu de place pour accueillir ardoises, papiers de soie collés, branches peintes en jaune lumière et autres aiguilles d’acupuncture piquant la toile de mon monde de peinture… C’est à suivre… et à laisser venir doucement. Il s’agit toujours de Peindre Le Ciel, même si au cours de l’été ce tableau-programme-d’une-vie a quitté l’atelier et trouver refuge ami pas loin des bords de l’Atlantique. Et d’autres sont en quête d’éventuels acquéreurs sur le site de vente en ligne Artsper, celui-là même qui avait permis l’heureux voyage en Belgique de La Roue du Temps.

https://www.artsper.com/fr/oeuvres-d-art-contemporain?query=do%20delaunay

J’ai eu récemment l’honneur et le plaisir d’être juré dans le festival de documentaires Écrans de Chine. Belle immersion le temps d’un long week-end dans les regards multiples et croisés sur ce pays. Dans les membres du jury, il y avait un journaliste français d’origine chinoise auteur d’un livre paru cette année aux éditions de l’Aube : La société de surveillance made in China. Vertige ! Au palmarès: Ayi, et deux mentions spéciales à H6 et Chine, une histoire intime. https://www.ecransdesmondes.org/ecrans-de-chine/

Vous souvenez-vous de l’éruption du volcan Hunga Tunga survenue le 15 janvier 2022 dans le sud-ouest du Pacifique, la plus puissante jamais enregistrée depuis que l’humain mesure l’activité volcanique de la planète. Non ?

Pour vous rafraîchir la mémoire allez à https://www.arte.tv/fr/videos/111679-000-A/hunga-tonga-la-colere-du-volcan-des-abysses/ Impressionnant !!!

Cessons de parler de climato-sceptiques ! Ce sont tout bonnement des climato-j’m’en-foutistes. J’ai encore en mémoire le bruit de la chute d’un bout de montagne lors de la randonnée tarentaise. Vous pouvez l’entendre dans la quatrième image de cette chronique.

Je vous avais laissé en septembre au seuil de la lecture de La Plus Secrète Mémoire des hommes, roman de Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021. Cette lecture parfois difficile mais néanmoins d’une profonde et dense richesse m’a embarqué dans ses multiples méandres et abîmes. Plus aisée fut celle de De purs hommes, du même auteur qui aborde le motif de l’homosexualité au Sénégal. Dans le foisonnement abyssal de La plus secrète mémoire… j’ai bien aimé ce passage : « Alors tu sais aussi que dans notre tradition sérère, aucun nom n’est donné par hasard ( …) Il n’est pas seulement un symbole, mais un signe pour l’existence. Il dit quelque chose de l’être qui le porte… il le guide, il montre le chemin… »

Ce soir je pourrai m’appeler « D’eau, de l’eau naît ». Une soif de création sans faim et sans fin.

Parce que La Roue du Temps tourne toujours dans un coin de ma tête (et hélas aussi dans mes lombaires ou mes genoux), je suis toujours intéressé par ce que la science dit du Temps, de sa perception et de son écoulement. J’ai prêté l’oreille à une émission avec Carlo Rovelli, éminent physicien et philosophe des sciences qui vient de publier un livre intitulé Trous Blancs. Je me souviens avoir écrit dans les lignes de ces Nouv’ailes, il y a quelques années, une phrase en forme de blague qui disait « les trous noirs, c’est troublant ». La réalité a rattrapé l’humour de la fiction. Mais avant de plonger dans ce trou blanc, je vais ouvrir les pages d’un de ses ouvrages précédents : L’Ordre du Temps. Tout un programme… Au fil de cette émission, j’ai eu écho d’une proposition que ce scientifique italien vivant à Marseille avait fait avec d’autres confrères : « Si l’on réduisait simultanément de 2% chaque année sur 5 ans, les budgets militaires de tous les pays, on aurait de quoi financer les remèdes à la problématique climatique de notre époque ». Mais cette utopique proposition émise juste avant la guerre d’Ukraine a fait long feu. Ou plutôt non, tant cette expression qui signifiait à l’origine « durer longtemps » peu aussi se traduire par « ne pas durer longtemps ». Bel exemple d’énantiosémie, soit deux sens opposés pour une même expression.

Vibré à la lecture de Dans la lumière des peintres d’Adrien Maeght qui conte la belle aventure de cette galerie et de sa fondation à Saint Paul de Vence. Plaisir d’y croiser le quotidien et l’amitié des quelques grands peintres comme Braque ou Miro, avec une tendre préférence pour l’homme et l’artiste majeur qu’est pour moi Pierre Bonnard.

Découvert la belle écriture d’une jeune autrice, Laurine Roux, professeur de lettres dans les Hautes Alpes à travers son premier roman Une immense sensation de calme, belle et intense histoire de mort et d’amour dans ce qui pourrait être une Sibérie lointaine où une guerre n’aura laissé debout que des parias et des Invisibles. Son plus récent, L’autre moitié du monde nous entraine dans les années 20, dans le delta de l’Ebre, entre révolte et servage. Et séduit par cette langue sensible, imagée, réaliste et poétique :  « …Elle est saisie de panique, se met à courir veste serrée contre elle, comme si le tissu pouvait retenir les caresses et la nuit (…) Le sang tombe dans les jambes de Toya. »

Le silence et la colère. C’est le deuxième tome de la tétralogie de Pierre Lemaître consacrée aux Trente Glorieuses. Dans les années 50, l’histoire d’un village inondé pour cause de barrage hydroélectrique s’entremêle avec la chasse aux femmes qui pratiquaient clandestinement des avortements et à celles qui les subissaient. Cette actualité qui n’en est plus une en France, mais hélas l’est encore dans bien des pays du monde, est venue percuter les émotions intenses ressenties à la vision de l’exposition de Nicolas de Staël qui se tient au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris jusqu’au 21 janvier prochain. Jeannine, la première femme de ce peintre d’origine russe, est décédée en 1946 des suites d’un avortement. Et il est probable que l’avortement d’une de ses dernières compagnes, Jeanne, l’ait poussé à sauter du rempart de la vieille cité d’Antibes un matin de mars 1955. Heureusement il nous reste sa peinture à laquelle cette ample exposition rend merveilleusement grâce.

Côté cinéma, beaucoup de films vus ce mois-ci mais il en est un, reçu dans les yeux et le cœur hier soir, qui plane haut dans le ciel de mes écrans. Je n’en dirai rien de plus, pas trouvé de mots à la hauteur, si ce n’est cette formule impérative : allez le voir ! C’est Le Règne Animal de Thomas Cailley.

Si vous redescendez du Règne Animal, vous pouvez y ajoutez Nos Corps de Claire Simon, Toni en Famille de Nathan Ambrosioni et Le Procès Goldman de Cédric Kahn.

J’espère que ces quelques lignes vous auront été Bonnes Nouv’ailes.

do 91023

QUOI DE NEUVE ? (17)

septembre 1st, 2023 § 0

Pour cette rentrée, le Neuf prend un peu d’avance pour cause de randonnée savoyarde. Mais peut-on raisonnablement se plaindre que le Neuf prenne un peu d’avance en ces temps qui semblent en recul et ont rimé cet été avec canicule. Quinze millions d’hectares sont partis en fumée dans le ciel canadien. Mais comme en Australie, on redécouvre les techniques ancestrales des amérindiens et des aborigènes pour combattre le feu … par le feu !

Mais je vais cesser là le tour d’horizon enfumé des brûlantes actualités, pour ne pas trop consumer votre attention. Après un printemps aride en projets artistiques, la pluie bienfaitrice vint en juin sous la forme d’un appel de la MJC de Torcy me proposant dans le cadre des Olympiades Culturelles une intervention avec des jeunes ados d’Île-de-France. Ainsi naquit en six après-midis partagés LE PAGAYER sur les bords de la Marne, pas loin de la base nautique de Vaires-Torcy où auront lieu l’année prochaine les épreuves olympiques d’aviron.

On voir sur beaucoup de bus ou camions l’avertissement « prenez garde aux angles morts ! » Verra-t-on un jour sur de doux véhicules le conseil  « Merci de porter attention aux angles vivants »

Je n’ai pas lu le roman de Philippe Labro intitulé « Tomber sept fois, se relever huit », mais ai songé à le faire lors de l’obtention de mon 3ème dan de Kyudo après sept tentatives et quatorze ans d’attente persévérante. La huitième fut la bonne et m’a ensoleillé la mi-août.

L’été fut randonneur, baigneur, un peu naturiste, beaucoup lecteur… Après avoir aimé La Religion de Tim Willocks qui contait le siège de Malte (à ce propos, savez-vous situer cette île sur une carte ? Comme beaucoup, je l’imaginais entre Grèce et Italie, alors qu’elle est plutôt entre Sicile et Tunisie… Et pourquoi beaucoup de migrants se dirigent vers l’île italienne de Lampedusa et bien peu vers les rivages maltais, pourtant eux aussi européens ? ) j’ai poursuivi cette lecture par Les Douze Enfants de Paris qui raconte la journée du 24 août 1572 plus connue sous l’intitulé Massacre de la Saint Barthélémy… Sang pour sang guerres de religion et guère de religio…

Peut on marier un matelot las avec un lot de matelas ?

Puis je suis parti avec Pete Fromm passer sept mois dans les Rocheuses. C’est Indian Creek, formidable récit d’un camp sauvage, solitaire et hivernal entre Montana et Idaho.

Pour changer de registre, j’ai suivi 555 d’Hélène Gestern sur les traces enquêtrices de la (peut-être) 556ème sonate de Scarlatti… Belle intrigue entre baroque et lutherie qui me donna envie de poursuivre sur les énigmes dans le monde de l’art et m’y fit découvrir un diamant, une perle, un trésor. Je l’avais depuis, longtemps noté dans mes carnets et son temps est venu cet été : c’est L’Affaire Arnolfini de Jean-Philippe Postel aux éditions Actes Sud, véritable et abyssale plongée dans le tableau de Jan Van Eyck, peint en 1434 et exposé depuis 1842 à la National Gallery de Londres. Presque 600 ans de mystères qui ont fait coulé beaucoup d’encres et de salives dans l’huile de ce panneau de bois de 82,2x 60cm. Une merveille !

Il ne faut pas saboter sa beauté.

En continuant de flâner en terre flamande et hélas toujours en guerres de religion, ce fut La couleur bleue de Jörg Kastner autour des derniers jours de Rembrandt.

Puis La Tempête du trop bavard et suranné Juan Manuel de Prada me ramena entre faussaire et restauratrice à Venise devant le tableau éponyme de Giorgione.

Mais la rentrée approchait et je repris le RER en compagnie du premier roman de de Jean Paul DidierLaurent, hélas décédé en 2019 intitulé Le liseur du 6H27. Un conte moderne, drôle sur la vie de la lecture et la mort des livres.

Pour glisser vers septembre je me tissais dans les pages de Mes intimes, de Jérôme Garçin, témoignage touchant sur les décès de sa mère et de son frère autiste, croisés furtivement lors de l’achat de la presse à graver de ces artistes.

Et aujourd’hui, j’entre doucement dans La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021. Et dans son labyrinthe de l’inhumain…

Au milieu de toutes ces pages il y eut quelques toiles : Oppenheimer (où j’appris que la ville de Kyoto qui faisait partie en 1945 des onze cibles atomiquement possibles fut écartée de la liste parce que le président américain Truman y avait effectué son voyage de noces…), Il Boemo, Love Life, Une Nuit, Les Filles d’Olfa, Les Algues Vertes, Les Herbes Sèches, Rendez Vous à Tokyo, Yannick… Et pour clore cette moisson estivale, évidemment la palme cannoise de Justine Triet, Anatomie d’une chute et plus discrètement, Fermez les Yeux, étrange titre du film du trop rare espagnol Victor Erice, joyeux octogénaire dont je garde le souvenir ébloui de son film précédent Le Songe de la Lumière sorti en …1992.

Au moment de clore cette chronique et cette floraison de livres et de films, je reçois sur mon écran la Une de Libé qui titre « Peur sur le Livre » en référence à la main mise de l’ogre réac Bolloré sur l’édition française.

Lire, c’est résister !

Mes théories sont-elles des météorites ?

Je vous souhaite un septembre d’ambre tendre.

Do 1923

QUOI DE NEUVE ? (15)

mai 10th, 2023 § 0

« Ainsi il fallut que vous me piratâtes !» aurais-je pu dire à l’anonyme qui m’envoya un mail signalant un message audio sur mon téléphone fixe, mail sur lequel j’eus le malheur de cliquer et la naïveté troublée de ne pas me rendre compte à temps que c’était un fake… Alors sincèrement je souhaiterais que vous m’excusassiez pour la gêne occasionnée, comme on dit désormais pour un ascenseur en panne ou un train retardé…

Je sors doucement des questionnements et inquiétudes hivernales dans le bateau de l’atelier qui plonge pour se ressourcer dans le temps des tiroirs et des œuvres passées. L’activité prend doucement son temps et reprend forme. Les réponses négatives aux appels à projet ont continué la loi des séries, notamment pour La Forêt Monumentale (voir image 1 de cette chronique) pour lequel je m’étais pour la première fois associé à un ami sculpteur. Il n’y aura pas non plus d’Arbre-en-Ciel dans la vallée de l’Arzon, ni d’installation Entre-Miroirs à la Biennale de Sélestat. Durer, endurer, perdurer… Et juste s’alléger à vous partager les aléas encourageants des «Allez ! Ha !!!».

16 avril : Ahmad Jamal est mort. Tous les pianos du monde et de la nuit sont en tristesse.

J’écris cette lettre après avoir écouté une émission sur la pollution plastique, plus précisément la pollution du plastique qui flingue nos chaînes alimentaires, le lait des nourrissons et le fond des océans… Aujourd’hui 480 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde et les prévisions frôlent le milliard à l’horizon 2050… Depuis le premier janvier 2022, il devrait y avoir 30000 points d’eau dans l’espace public pour remplir nos gourdes et abandonner les bouteilles plastiques… On est loin du compte… Mais ceux des lobbys plafonnent…

Vu le film Les Âmes Sœurs d’André Téchiné. Avec Benjamin Voisin et l’impeccable Noémie Merlant. Pourquoi ne dit-on jamais les Âmes-Frères ? Devrait-on demander à la Terre Mère ? Vu aussi About Kim Sohee, Sur l’Adamant, A Quiet Girl, Burning Days et Hokusai.

Mais au top de ces étoiles de toiles, vu deux fois l’époustouflant Dancing Pina, où des élèves de la chorégraphe de Wuppertal remontent avec de jeunes danseuses et danseurs deux de ses pièces, Iphigénie en Tauride et le Sacre du Printemps à Stuttgart et dans le théâtre de l’École des Sables au Sénégal. Génial !

Et aussi L’Amitié, du nonagénaire Alain Cavalier qui filme l’intérieur des dialogues et le passage du temps au fil de l’amitié avec trois de ses compagnons de route.

Et aussi, baignez les yeux dans Le Bleu du Caftan de la réalisatrice Maryam Touzani avec la sensible Lubna Azabal.

Au bord de la mer, j’ai vu des sables émouvants…

Shibumi : une tentative maladroite pour décrire une qualité ineffable (…) Shibumi implique l’idée du raffinement le plus subtil sous les apparences les plus banales… On ne l’atteint pas, on le découvre… on doit dépasser la connaissance pour atteindre la simplicité… Ces quelques lignes se trouvent à la page 83 de cet épais roman de Trévarian, un des auteurs les plus mystérieux de ces dernières années. Américain, il a probablement vécu dans le pays basque et serait mort en 2005. Publié aux USA en 1979, édité en France en 1981, réédité en 2008, ce roman d’espionnage mais aussi critique acerbe de l’Amérique vous entraîne du Japon des années 30 au pays basque, du jeu de go aux gouffres de la spéléo, entre terrorisme et surveillance de la CIA. Vivement recommandé !!!

Pour changer d’univers, je suis parti à Malte en 1565 où le conflit entre islam et chrétienté bat son plein. C’est dans le livre La Religion, sous la plume de Tim Willocks, découvert récemment dans La Mort selon Turner.

« Il n’y a rien à espérer du désespoir ». Lacan cité par Sollers dans une rediffusion de l’émission d’Éva Bester Remède à la Mélancolie d’avril 2021. https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/remede-a-la-melancolie/philippe-sollers-le-bonheur-est-un-acte-de-courage-9625060

Savez vous quel est le mot le plus employé dans les chansons de Brassens ? C’est «Dieu» ! Étonnant, non ? J’ai entendu cette information dans la voix de Maxime Le Forestier qui a eu sous les yeux le document word et les statistiques de l’intégrale du chanteur.

Une bonne amie me demandait à combien de personnes j’envoie cette chronique mensuelle qui a vu le jour, et la nuit, en octobre 2001. À ce jour, mes groupes d’envoi de ce modeste et minime réseau social affichent 1468 adresses.

Merci à vous qui lisez ces quelques lignes et zyeutez les images qui les accompagnent, les survolez, les parcourez, les zappez, les oubliez, et peut-être parfois les faites suivre. C’est un bien précieux qui m’est cher, c’est un lien précieux qui m’est chair.

Bon…, mais Bon Mai !

Do 9323