Outré.
C’est le mot par lequel j’avais commencé cette chronique hier soir mardi 8 novembre, pour dire le trop plein d’indignation qui jonche les carrefours de l’actualité et qui cloue dans ma gorge l’irréductible optimisme qui souffle dans le vent de mes bronches. Indigné aurait dit Stéphane Hessel. Je voulais juste faire un lien entre cette sensation et les outres argentées qui ont animé mon exposition angevine du mois dernier. Et le réel m’a rattrappé au matin du 9 avec les ondes sismiques et radiophoniques des bad news d’outre-atlantique qui secouent la planète de ce grand bond en arrière.
Parfois je voudrais me terrer dans le bruit du silence. Me taire dans la musique des mots. Crier l’espoir mutique auquel nous sommes condamnés. Et peindre la résistance de l’être.
Il n’y aura plus de Bal en Mi-Ré.
Ni de Ballan-Miré. Me nommant Do, j’avais ri de ce mauvais jeu de mot musical quand j’avais, il y cinq ans, trouvé ces cours d’arts plastiques dans une MJC près de Tours. Las, conséquence des nouveaux rythmes scolaires, les cours se sont réduits à la seule après-midi du mercredi, la fréquentation a diminué au fil des ans, et deux cours vont être fusionnés. Ce qui, au vu des tarifs SNCF annihile la rentabilité de ces déplacements hebdomadaires et me laisse un peu plus fragile sur les bords escarpés des funambuleries artistiques.
Alors, pour redonner vigueur à ce mois de novembre aux mémoires de bougies si cruelles, je prends la démesure des fêtes, l’ivresse des joies et le flacon des couleurs et les soufflent dans ces outres métalliques et brillantes que l’on nomme bag in box. Vous savez, ces coussins argentées enfermées dans des boites en carton avec le petit robinet en plastique qui de deux doigts remplissent votre gobelet de bonne humeur dionysiaque, « avec modération » bien sûr !
Ce fut un des principaux matériaux de mon intervention à la Bibliothèque Universitaire d’Angers dans le cadre de la Fête de la Science. J’y ajoutais quelques plumes, quelques coquilles, quelques brins d’arc-en-ciel pour tisser l’ADN artistique de l’écrin trop bref d’un week end.
Vous êtes en train de lire un des 144 milliards d’emails qui ont été envoyés ce jour…
J’avais beaucoup aimé son film Les CowBoys sorti l’an dernier et j’adore entendre les chroniques radiophoniques de Thomas Bidegain sur Inter. Il détricote les affres du story telling, et fait nous souvenir que l’Histoire dite «grande» est toujours écrite par les vainqueurs et les histoires, des fictions issues d’un point de vue. C’est étrange ce mot oxymorique de «point de vue». C’est à la fois un lieu de l’espace d’où l’on voit ce que l’on contemple mais peut aussi s’entendre comme l’endroit où il n’y a point… de vue !
Et si le Chat de Schrôdinger était une chatte ?
Quand j’entends comment la prison est le plus efficace vecteur de propagation de la radicalisation terroriste, je me souviens que j’avais trouvé effrayante la perspective dessinée par le film d’Audiard Un Prophète sorti en 2008. Sinistrement prémonitoire!
Les chœurs antiques étaient-ils aussi quantiques?
J’ai écouté en podcast sur France Culture les confidences d’Anne Pingeot sur sa relation avec François Mittterand. Je n’ai pas lu le livre ni les commentaires qu’il a suscités mais j’ai été sensible à la voix nue de cette désormais vieille dame.
https://www.franceculture.fr/emissions/voix-nue/anne-pingeot-la-discrete-revelee-15-jeune-fille-en-voie-demancipation#xtor=EPR-2-[LaLettre18102016]
Quand je vois le point lumineux d’un avion qui clignote et traverse la voûte nocturne, je pense à la centaine de personnes qui rêvent, lisent ou dorment dans la carlingue. Et là, à cet instant, seul dans mon atelier médité, je pense à tous les fous marins solitaires en train de faire le point dans le grand huit océanique du Vendée Globe.
Équation du mois: si AJ sort de primaire droit dans ses bottes, NS va-t-il se rallier pour effacer ses casseroles au risque de ne plus exister dans l’arène ou refera-t-il le coup de JC à VGE en l’an 81?
Dans les livres que proposait ce mois-ci le Café Bla Bla de la médiathèque de mon quartier, il y avait “Il était une ville” très bon livre de Thomas B. Reverdy qui se passe à Détroit en septembre 2008. Lu en allant voir l’exposition The Colour Line au Musée du Quai Branly sur le rôle de l’art dans la quête d’égalité et d’affirmation de l’identité noire dans l’Amérique de la Ségrégation. M’est avis que le combat continue…
Je poursuis mes promenades dans les livres autour de la peinture croisés à la librairie de l’Hermitage, cet été à Lausanne. Comme “La Couleur Bleue” de Jörg Kastner dans la Hollande de Rembrandt. Une erreur de casting m’a emmené sur les pas d’un chirurgien lorrain au carrefour des 17ème et 18ème siècle avec “Le Soleil sous la Soie » d’Eric Marchal. Je me suis régalé des potions et remèdes utilisés à cette époque, enre saignées, onguents et hirudothérapie, qui est comme chacun sait le traitement par …les sangsues ! De là, je suis parti jusqu’au 12ème siècle pour suivre les aventures du passeur de lumière “Nivard de Chassepierre, maître verrier” et bâtisseur de vitraux dans un roman de Bernard Tirtiaux. En faisant un détour par “Assise” sous la plume de François Cheng aux éditions Albin Michel.
J’avais aimé le livre de Maylis de Kérangal « Réparer Les Vivants ». Et j’en dirai de même pour le film éponyme de Katell Quillévéré qui vient de sortir. J’ai aimé beaucoup, La Fille Inconnue des frères Dardenne, à la folie, l’indépendance farouchement humaine de Captain Fantastic et un peu, les aventures de Mademoiselle dans la Corée des années 30.
Face à la porte de ma salle de bains, j’ai punaisé sur le mur de l’atelier un poster du Jardin des Délices, vu il y a quelques année au Prado de Madrid. J’aime de temps en temps me perdre et me retrouver dans les détails mystérieux de ce tableau. Alors ce fut régal de les voir défiler sur grand écran dans l’écrin du Mystère Jérôme Bosch, documentaire de José Luis Lopez-Linares consacré à ce chef d’œuvre de la peinture qui nous regarde et nous intrigue depuis plus de 500 ans.
L’automne a mis son écharpe orangée aux jaunes feuilles des érables mouillés. Souvenez-vous qu’en outre, la vie peut être belle. Double dose de « carpe diem » pour tout le monde.
do 91116
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