QUOI DE NEUVE ? (27)

10 septembre 2024 § 0 commentaire

La Métamorphose des Miroirs.

« J’en veux un comme ça dans mon jardin » m’avait dit Sylvie en blaguant quand je lui avais envoyé quelques photos de L’Arbre à Miroirs réalisé en Champagne en mai 2022. Alors comme je n’avais pas de projet de sculpture pour cet été, je lui ai proposé de venir transformer cette œuvre miroitante et de l’installer dans son jardin. Qu’elle avait entretemps réorganisé avec une aire centrale faite comme sur mesure pour accueillir La Tour des Miroirs que vous pouvez voir sur l’image 1 de cette chronique ou dans le jardin de Sylvie si vous passez par le petit village de Molas, à la frontière du Gers et de la Haute-Garonne.

La métamorphose des miroirs, ce fut aussi celle de l’actualité sportive et politique de cet été 2024. Souvenez-vous, je vous avais laissé lors de ma précédente chronique – c’était le 9 juin – au soir des élections européennes et de l’imprévisible dissolution qui ont bien plombé l’entrée dans l’été. Triste image d’un pays qui sentait le rance et l’intolérance. Et puis, métamorphose ! Au soir du 26 juillet et des jours suivants, il fut délicieusement bon de voir une France belle, créative, jeune, colorée, métissée, dansante, offrir au monde les anneaux colorées de ferveur, de joie, de partages, d’exploits et d’émotions. J’ai tout pris en bloc, fait fi des critiques et autres polémiques, râleries et autres bashings de tout poil dont nous sommes tant friands, juste pour me laisser saler aux goûts immodérés pour ces épices sportives, ces multiples facettes de ces éclats olympiques et paralympiques qui ont parfumé et illuminé les écrans de mon été. Comme si Juillet réparait Juin et mettait Août en orbite festive.

J’ai commencé cette journée du 8 septembre en regardant passer devant mon immeuble les para-marathoniens. Je la termine en regardant la cérémonie de clôture dans ce stade tout proche et je vibre avec plaisir au discours de Tony Estanguet, qui a si justement salué les parathlètes comme des révolutionnaires de l’inclusion. Puisse l’empreinte de cette fraternité d’au-delà du sport marquer durablement les esprits du monde qui l’appellent.

Ayant besoin et envie de changer d’air, j’avais décidé de prolonger la métamorphose gersoise par quelques pérégrinations aux constellations amicales qui m’ont emmené en Béarn, ramené dans le Gers, puis en Cévennes, Drôme, Ardèche et Savoie avant de boucler ce tour de vacances par une semaine de randonnées aux alentours du pays de Digne. Non sans avoir tout de même répondu à quelques appels à projets pour faire patienter l’automne et entretenir l’imaginaire de la création. Merci de tout cœur pour ces moments d’accueil, de rencontres, de paroles ou de silence, de confitures de myrtilles ou de tartes au citron.

C’est en lisant Libertango de Frédérique Deghelt, long et dense roman biographique d’un chef d’orchestre handicapé que j’ai appris l’origine du mot Handicap. Il vient de l’anglais Hand in cap, jeu d’échange du XVIème siècle. Dans le cadre d’un troc de biens, il fallait rétablir une égalité de valeur entre le donné et le reçu. Celui qui recevait un objet de plus grande valeur devait mettre dans un chapeau une somme d’argent pour rétablir l’équité. C’est au XIXème qu’il prit le sens de moyen pour désavantager un adversaire (comme dans une course à handicap) et c’est au début du XXème qu’il vint à désigner ce qui empêche une personne d’exploiter toutes ses capacités et d’agir en toute liberté.

Je vous ai déjà confié mon goût pour l’écriture de Muriel Barbery, je l’ai prolongé et confirmé en lisant La vie des Elfes. Dans les autres lectures qui ont accompagné mes vagabondages, Cézanne, des toits rouges sur la mer bleue de Marie Hélène Lafon, Les Oliviers du Négus, quatre belles nouvelles de Laurent Gaudé, et le récit de François-Henri Désérable L’Usure d’un Monde (sous titrée Une traversée de l’Iran) que l’auteur fit à l’automne 2022 en plein mouvement Femme Vie Liberté et qui est aussi un hommage à L’Usage du Monde du grand Nicolas Bouvier.

Trois autres perles de lecture puisées aux rives de l’été : Reine de cœur d’Akira Mizubayashi, émouvante histoire d’amours entre passé et présent, France et Japon, entre roman et musique… En attendant la vague de Gianrico Carofiglio où un ancien carabinier infiltré dans les réseaux de narco-trafiquants tente de se reconstruire sur le divan tandis qu’Emma ancienne actrice cherche à se remettre d’un mariage désastreux pendant que Giacomo, enfant solitaire parle la nuit avec Scott son chien imaginaire, tout cela dans une Rome familière et étrangère. J’ai adoré !

J’avais apporté à mes amis ardéchois des Jardins du Tao et de l’École du Qi l’éminent Anima de Wajdi Mouawad. En joyeux échange, ils m’ont offert La Patience des Traces de Jeanne Benameur. J’avais essayé de lire il y a longtemps un de ses premiers romans, Les Demeurées et n’y étais pas parvenu. Cette fois fut tout autre et je me suis délecté de cette écriture d’émotions en accompagnant Simon Lhumain, psychanalyste en cessation d’activité qui décante cette métamorphose en allant découvrir des tissus Bingata et tout ce qui les accompagne dans une délicieuse maison d’hôtes aux îles Yaenama à l’extrême sud du Japon. Voyage intérieur garanti !

Rentré depuis seulement quelques jours sous la verrière de l’atelier, j’ai néanmoins sacrifié aux rituels de reconnexion avec la grande ville en m’enfermant dans deux salles obscures mais réjouissantes: Le Roman de Jim des frères Larrieu et La Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy. En juin, j’avais aimé I’m a noise, beau doc sur Joan Baez, Les gens d’à côté d’André Téchiné, Juliette au printemps de Blandine Lenoir, Maria de Jessica Palud sur la vie de Maria Schneider et le tournage destructeur du Dernier Tango à Paris, et bien sûr, aimé sans compter le Conte de Monte Christo.

Si vous passez par la rarement ouverte Orangerie du Château de Versailles avant le 29 septembre, allez voir l’exposition de la superbe tapisserie de 107m de long imaginée par Éva Jospin et réalisée avec de femmes de Mumbai en Inde. Cela s’appelle « Une chambre de soie ». C’est pour se réveiller de bonheur.

C’est ce que je vous souhaite pour les nuits à venir et les chants de l’équinoxe d’automne.

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