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13 mai 2015
Un beau moment d’humanité avec de vrais humains dedans.
C’est la raison pour laquelle ces Nouv’ailes voyageuses paraissent avec quelques jours de décalage horaire. C’était le week-end dernier, sur la côte de Jade, la fête à Mimi. Il serait impropre de dire que c’est une vieille amie, tellement ce vocable ne lui sied pas au teint. Disons plutôt une amie de longue date, même si l’amitié n’a pas grand-chose à voir avec les dates. Ils étaient venus de Vendée, de Grenoble, des Cévennes, de Montpellier, de Nantes, de Paris, de Londres et d’ailleurs pour danser, rire, blaguer, chanter et même pour certains se baigner… 😉 Un doux mélange explosif d’émotions qui n’a pas fait la une des journaux, et comme dit la chanson « c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi çà veut dire beaucoup » ces parfums d’amimitié qui se moque du temps qui passe…
Nicolas Hénin, qui fut otage en Syrie raconte dans son livre Jihad Academy que ses gardiens étaient grands fans de Game of Throne… Du bienfait des modèles véhiculés par ces déferlantes de séries dont il est convenu et convenable de dire le plus grand bien….
La pluie ne m’a pas permis d’honorer mon cadeau box avec un survol du Mont Saint Michel en ULM. Mais j’ai pu me balader sur les magnifiques plages et côtes du Cotentin, alternant les émotions entre la douce maison de Prévert, l’imposante et funèbre usine de la Hague, le tumultueux raz Blanchard défilant sous le Nez de Jobourg pendant que l’EPR de Flamanville fait exploser son budget et hypothèque l’avenir des générations qui viennent…
Que faire sans être ni Cassandre ni tomber dans le « on vous l’avait bien dit » ? Choisissez votre catastrophe préférée (un accident nucléaire majeur dans la vallée du Rhône, une crue centennale à Paris, un tremblement de terre sur la Côte d’Azur, la pollution généralisée des nappes phréatiques ou la réouverture des permis de recherches de gaz de schiste…) En Bonus, relisez la Route de Cormac McCarthy pour me consoler de mon trop plein d’idéalisme artiste à voir le monde aller comme il va mal …
N’oubliez pas que vous êtes en train d’activer quelques-uns de vos cent milliards de neurones, que nous sommes cent milliards d’humains à être passés sur Terre, qu’il y a au moins cent milliards de galaxies dans l’Univers. Et relire quelques-uns des sonnets du fabuleux livre de Raymond Queneau intitulé « Cent mille milliards de poèmes ». Fait de languettes de 14 lignes d’alexandrins qui peuvent se combiner entre elles, c’est aussi une belle image de l’infini puisqu’il est certain que vous ne viendrez jamais à bout de ces lignes.
Parfois les citations entendues sur les ondes se font écho entre elles. Ainsi « De toutes les vicissitudes de la vie, on peut faire ce que l‘on veut » (Novalis cité par Wouajdi Mouad, auteur des pièces de théâtre Incendies et Sœurs) rebondissait sur « Il faut toujours transformer les coups du destin en instruments de la Providence « qui était une des devises de Jean Louis Barrault.
Écouté avec délectation Fabrice Arfi, journaliste à Médiapart parler de son livre « Le Sens des Affaires » à propos de celles de Monsieur Nicolas S. confirmant une intuition que j’ai depuis longtemps. À savoir que son retour n’est qu’une manip destinée à faire un maximum de bruit pour noyer dans les décibels médiatiques les échos de ses démêlés judiciaires… Et ça marche bien… http://www.franceinter.fr/reecouter-diffusions/953576
Dans les fils du mois, l’argentin Jauja, le japonais La Maison au Toit Rouge, le Wenders Every thing will be fine et Le Rappel des Oiseaux, étonnant et troublant documentaire sur le rituel tibétain des funérailles célestes des corps offerts aux becs des vautours lorsque l’esprit du défunt s’est déjà envolé….…
Je participe à un club de lecture dans la médiathèque de mon quartier. Échange convivial de conseils, partage d’impressions de lecture… Au menu de ce mois, l’Afrique du Sud. Outre Deon Meyer dont j’ai déjà vanté les mérites dans ces colonnes, lu un très beau roman de Nadine Gordimer, prix Nobel 1991, « Un amant de fortune », contant la relation entre une blanche et un immigré qu’elle suit quand il est expulsé d’Afrique du Sud et retourne dans son village d’origine. Un roman de 2001, toujours d’universelle actualité. Et je dévore dans le train qui me ramène à l’atelier « Les Imaginations du Sable », belle saga du grand écrivain André Brink récemment décédé.
Je retrouve bien secs les fonds préparés avant les pérégrinations printanières. Le temps a fait son œuvre et la préparation de mon exposition parisienne d’octobre prochain va se poursuivre « à la Vitesse de la Peinture » …. En passant par « Les Anagrammes de Saturne », fin juin dans le cadre de la biennale Sculpt’en Sologne.
En ce mois qui plaît, je vous souhaite une belle huMainité.
do 13515
9 avril 2015 § § permalink
« À la Vitesse de la Peinture »
Ce sera le titre de mon exposition en octobre prochain, du 8 au 18, à la Galerie du Génie, là où j’ai exposé à l’automne dernier. C’est bonheur que d’œuvrer aujourd’hui dans cette perspective et l’atelier se remplit de toute cette promesse. Le bois se fait sabler, la toile se colle aux papiers de soie à travers le grillage à maille carrée et la main vibre entre préhistoire et mécanique quantique. Si « la mesure de l’amour c’est aimer sans mesure », alors je peux ici affirmer que j’aime de tout mon cœur « ce beau métier qui est le nôtre » comme me l’a écrit récemment une amie et collègue artiste.
Grande réjouissance au Musée d’Orsay à Paris avec la sublime exposition de Bonnard dont la peinture prend avec le temps une magnifique ampleur et l’élève à l’égal des plus grands (Et en parlant d’élève, si je n’avais qu’un maître en peinture, ce serait lui, l’homme et le peintre qui suivit toute sa vie la voix intime de son chemin). Cette visite me ramena au temps du retour du Québec et de mon arrivée à Paris lorsque je découvris cet artiste lors de sa première grande rétrospective à Beaubourg en 1984. J’appris alors que bon nombre de ses toiles avaient été bloquées pour une sombre histoire d’héritage, ce qui expliquait qu’il n’y ait pas eu de grandes expositions depuis sa mort en 1947. À l’occasion de cette lumineuse « Peindre L’Arcadie », j’ai aussi appris que Bonnard était, excusez du peu, le peintre préféré de Bacon et que Picasso n’avait jamais pu s’en faire un ami ou un ennemi. Et je me réjouis à l’avancer de lire prochainement « Bonnard, carnets secrets » d’Olivier Renault qui vient de paraître. À voir en replay sur Arte, Bonnard les couleurs de l’intime : http://www.replay.fr/players/b19f556a20f84347284c682310d211cc
On vient de découvrir chez le fils d’une amie qu’après la chute de ses dents de lait, celles qui poussent sont … sans émail ! Il semblera bien difficile de mesurer les causes de cette malformation…. Mais je pense que l’on a pas fini de découvrir les ravages souterrains des perturbateurs endocriniens, à l’image de ces petites-filles et arrières petites filles des femmes qui prirent dans les années soixante du Distillbène et qui en subissent encore aujourd’hui les conséquences…
Eu récemment le plaisir de renouer avec quelques spectacles de théâtre dont notamment Ligne de Failles d’après le livre de Nancy Huston. Outre la qualité de ce spectacle, ce qui m’a frappé, c’est la sensation de vérité et de présence au réel des acteurs qui émanait de ce moment théâtral et me faisait mesurer la place qu’a prise dans nos vies le « réel enregistré », qu’il soit musique, image, mot, mouvement ou information…. Là cette soirée méritait bien le titre de « spectacle vivant » et invitait à méditer sur la nature et la profondeur des émotions qui naissent de « l’enregistrement du monde ».
Savez-vous ce qu’est la Netarchie ? Grâce à la capacité sans fin qu’a le capitalisme d’inventer des mots nouveaux pour dire encore et encore la sempiternelle propension à cannibaliser l’humanité et infantiliser l’avenir du monde… La Netarchie, c’est la galaxie des « world compagnies » qui règnent sur le Net… Google, Apple, Amazon, Facebook… Tiens ! elles sont toutes from USA…
Lu d’une seule traite Charlotte Salomon, roman de David Foenkinos. Dans ce texte aux allures de poème scandé de phrases courtes, il évoque à travers la trajectoire de cette peintre le sinistre Aloïs Brunner qui œuvra comme chef de la Gestapo à Nice, à qui elle dût sa déportation et qui termina tranquillement ses jours d’assassins nazis… en Syrie. On ne me fera pas croire qu’il n’a pas laissé quelques terrifiantes recettes dans cette contrée qui vit les origines de nos civilisations, aujourd’hui dévastée….
Lorsqu’un véhicule rate un virage, peut-on dire que le fossé a été faussé ?
« Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées » disait Winston Churchill. Il faudra certainement faire un sondage pour savoir combien de Français croient à cette sentence et combien pensent que les sondages ne sont là que pour conforter une vision dominante et formatée de la réalité. On y ajoutera une autre enquête (en quête ?) d’opinion pour savoir combien de nos concitoyens pratiquent l’art du mensonge quand ils répondent à ces questionnaires.
Qui se souvient encore aujourd’hui du nom dont a été baptisé le cyclone qui a ravagé le Vanuatu il y a moins de quatre semaines ? Pam pam pam pam….
Où sont les racines d’un arbre généalogique ? C’est la pensée qui me vint en commençant, il y a deux jours le roman de Pierre Lemaître – Goncourt 2013 – intitulé Au revoir là-haut et qui débute à la fin de la guerre 14-18. Et me poursuivit à travers la figure de mon grand père, Alphonse qui y fut gazé et reçut un éclat d’obus dont j’ai gardé le souvenir intact, les rares fois où je vis la cicatrice qui zébrait la peau diaphane de son dos de paysan aux mains et visage burinés par le soleil des travaux des champs. Quelques centimètres de plus à droite ou à gauche sur la trajectoire de cet éclat de guerre et je ne serai pas dans ce train… en train d’écrire ces quelques lignes.
Pourquoi dit-on un tonnerre d’applaudissement alors que, si l’on écoute bien, ça ressemble plutôt à la pluie ? C’est ce que je me disais à la fin de « Gaspard de la Nuit » de Ravel entendu dans la nouvelle nef parisienne de la musique qu’est la Philharmonie (quel beau mot que celui-ci qui « aime l’harmonie ») et que j’écoute en CD dans la version pour piano d’Anna Vinnitskaya en écrivant ces Nouv’ailes.
« Se rappeler avec plaisir le plaisir d’avoir eu du plaisir ». Lu cette belle phrase à l’annonce de la mort de la journaliste et écrivain (je n’arrive pas à écrire « écrivaine », ça rime trop avec vaine) Michèle Manceaux, belle et lumineuse femme dont je me souviens avoir lu à l’orée des années 80 son livre Grand Reportage. Cela parlait d’intime, de dépression, d’une route vers Avallon qu’elle entendait « avalons » et de repère qu’elle prononçait « re-père ».
Dans les fils du mois de moi, il y a Hacker –thriller qui débute par un piratage d’une centrale nucléaire à Honk-Kong et son pendant documentaire Citizenfour sur Edward Snowden. Un bijou islandais : Paris of the North. Et dans la séquence rattrapage, Sils Maria avec « La » Binoche. À voir aussi L’Antiquaire avec le face à face Bouquet/Hirsch. Le journal d’une femme de chambre de Benoît Jacquot. Et Voyage en Chine avec « La » Moreau (pas Jeanne, mais Yolande).
Il y a une ironie quelque peu amère à constater que la mémoire dysorthographique de l’Histoire a retenu le nom de Christophe Colomb pour la découverte de l’Amérique alors qu’en réalité il s’appelait Christophe Colon.
« La beauté, c’est quand il n’y a plus rien à enlever ».
En avril ne te découvre pas d’un fil. Et le printemps sera beau.
do 9415
Pour cause de « Fête à Mimi », les prochaines Nouv’ailes ne paraîtront que le 13 mai.
30 mars 2015 § § permalink
Lundi 9 mars, hors réseau.
Je reviens d’une longue balade aux bords des étiers de l’estuaire de la Loire. La lumière est magnifique et j’écris ces lignes à la musique du feu qui chante, chuinte et ronronne en cheminée.
« Plus il y a de poésie, plus il y a de réalité » a dit dans le poste Jacques Bonnafé qui préside cette année le Printemps des Poètes. Quand on lui demandait ce que voulait dire un de ses poèmes Paul Valéry répondait : « il ne veut rien dire, il veut faire ». Ne jamais oublier que l’étymologie de poésie vient du latin poesis lui-même issu du grec ancien ποίησις, poíêsis qui signifie « action de faire, création ».
L’an passé, le Centre Pompidou a modestement fêté les 25 ans de l’exposition « Les Magiciens de la Terre » dont je continue à utiliser le catalogue pour faire sécher et aplanir mes tirages de gravures. Et, à chaque fois que je le feuillette, je songe à la transformation du regard qui s’est opéré depuis ce quart de siècle. Cette exposition proposée par Jean-Hubert Martin suscita en son temps polémique et scandale : pensez donc, on osait mettre sur le même plan le regard d’artistes venus de tous les coins de la planète, signant ainsi la fin du regard occidentalo-centré. Ce fut aussi à cette époque que le Musée Dapper pris son essor annonçant Le Pavillon des Arts Premiers au Louvre et ensuite le Musée du Quai Branly. À avoir les yeux au plus près de cette transformation, se rend-on vraiment compte de quelle mutation profonde elle porte le sens ?
Benoît Jacquot à propos de son cinéma : « je conjugue tout à l’inchoatif, ce temps grec qui n’existe pas en français et qui indique que l’action en est à son début : s’endormir plutôt que dormir ». Ce qui se passe en Grèce depuis les récentes élections se décline-t-il à ce temps inconnu de notre langue ? Étrangement indulgent avec le nouveau tsarisme russe qui joue à chambouler le dessus et les dessous des cartes du monde, doit-on y voir l’omnipotente influence de la religion orthodoxe, qui ne l’oublions pas est un des premiers propriétaires grecs ! Une pope-révolution ne serait-elle pas bienvenue pour sortir la Grèce des ornières financières où, gabegie des jeux olympiques aidant, elle s’est enfoncée ?
Quand les parties soit-disant fines sont ainsi révélées, La Justice peut-elle être en Carlton ?
La participation aux séances d’un café littéraire dans la médiathèque de mon quartier m’a amené ce mois-ci à lire deux livres bâtis sur le même procédé, à savoir un écrivain met sa plume dans la vie d’un personnage pour en faire un roman avec toute l’ambiguïté dont est porteur ce terme aux frontières floues des fossés entre fiction et réalité. Qui est probablement aussi celui entre croyance et attention.
Ainsi « Nina Simone, Roman » qui trace non sans une certaine poésie sous la plume de Gilles Leroy le destin chaotique de celle qui, de son vrai nom Eunice Kathleen Waymon (Simone, c’était en hommage à la Signoret) fut une des rares à être virée du Pop-Club de José Arthur pour cause d’insupportabilité chronique et de bipolarité éternellement insatisfaite. Mieux vaut à mon sens en revenir à sa voix et sa musique plutôt qu’à cette lecture somme toute assez déprimante.
Plus réussi est « La petite communiste qui ne souriait jamais », roman de la vie de la gymnaste roumaine Nadia Comaneci par la romancière également chanteuse Lola Lafon. Pages d’échanges épistolaires entre l’auteure et la sportive vivant aujourd’hui aux USA dans lesquelles est mis aussi en scène le processus de création du livre. Ce qui en plus de faire connaître les méandres de cette étoile filante roumaine permet de jouer avec la perception et la restitution de la réalité de cette époque d’avant le mur et de ses données politico-sportives.
S’il n’y avait qu’un film à retenir de cette fin d’hiver, ce serait « Vincent n’a pas d’écailles » de et avec Jacques Salvador. L’histoire belle et tendre, drôle et subtile d’un type ordinaire qui devient super puissant dès qu’il est en contact avec l’eau. Avec en prime la plus longue caresse du monde !
À voir aussi, « Les merveilles » fable italienne autant qu’apicultrice, « Réalité » de Quentin Dupieux pour la jubilation des mises en abîme qui retombent sur leurs pattes cinématographiques et « L’enquête » si vous n’avez pas encore compris les arcanes de l’affaire Clearstream. « American Sniper » si vous n’êtes pas encore persuadé de la connerie de la guerre et en particulier de l’intervention américaine en Irak. C’est parfaitement maîtrisé, indécrottablement aveugle sur les raisons de cette guerre et malsain de troublante apologie de ce personnage qui apparaît dans sa véritable identité au générique de fin de ce film qui a engrangé aux USA plus de 337 millions de dollars de recettes, record de 2014 alors qu’il est sorti le 25 décembre ! Flippant !
Et bien sûr les retrouvailles magistrales avec Inaritu et son époustouflant « Birdman » dont j’ai encore dans les oreilles la percussive batterie qui accompagne la fluidité des images qui courent entre théâtre, cinéma, rêve et réalité.
Mardi 10 mars. Il semblerait que la télé-réalité devienne un sport de plus en plus dangereux. Alors qu’on cesse à tout prix de vouloir divertir le bon peuple pour mieux faire diversion de « telle est la réalité » !
Mercredi 11 mars. Maman perd sa réalité dans les couloirs désorientés de sa maison de retraite. Et quatre sinistres bougies continuent d’irradier les terres dévastées de Fukushima.
Jeudi 12 mars. Retour à l’atelier. Je n’irai pas ce printemps créer une Maison de Plumes sur les pentes du Sancy, ni le Dédale de l’Araignée sur les plages de Ré. Mais les fonds de tableaux préparés avec sables, colles et pigments avant cette vacance de mars, qui ressemblait plus à une convalescence post-grippale ont bien séché. Ils attendent la peinture. Les couleurs de la vie sur la réalité d’une Terre à sans cesse inventer. La lumière dans le feu de l’action qui est poésie.
Que l’aile du printemps soit jolie joie!
do 12315
10 février 2015 § § permalink
Entre une seconde éternité et une seconde d’éternité, que choisiriez-vous ?
« Vous aviez le droit de tout dessiner, sauf la tête des leaders syndicaux du Syndicat du Livre ». C’était un trait d’humour de Christiane Taubira lors de la cérémonie des obsèques de Tignous à la Mairie de Montreuil. Total respect pour les mots qu’elle a prononcés ce jeudi matin-là avant que le cercueil graffité de dessins et caricatures parte pour l’horizon gris et humide des enfants du Père-Lachaise. En revenant du cimetière, je n’en revenais toujours pas de la bêtise crasse et inhumaine des assassins de la curiosité, parvenant juste à me réjouir silencieusement d’avoir un gouvernement de gauche pour gérer les déflagrations de l’après et remettre à leur place ceux qui cherchaient à tout prix à être au premier rang sur la photo…
« Tu t’es vu sans Cabu »? Ben non, j’y’arrive pas.
Mais… Et la vie continue.
C’est le temps de la ponte des projets, d’ensemencer l’imaginaire de l’hiver pour les éclosions du printemps et de l’été. Mais l’automne a déjà produit ses effets puisque je viens d’apprendre que mon projet « Les Anagrammes de Saturne » va voir le jour dans quelques mois pour la biennale de sculpture de Sologne. Parce que dans Saturne, il y Autre, Astre, Âtre, Une Nue… et même toutes les Natures… que vous pourrez lire dans les lettres géantes faites de treillis à béton et de film plastique transparent…
Restent en attente Le Marteau et l’Enplume, Le Dédale de l’Araignée, Le Regard des Oiseaux, Hêtre ou Ne Pas Hêtre, Calendrière et Demain, Plumes de Chapeau, Il Suffit de Passer Le Pont, Le Festin de l’Univers… Mais il n’y aura pas pour l’instant La Mémoire des Oiseaux ou Goutte de Terre… Ainsi naît et vit, meure et renaît la grande roue des projets. Carburant de l’essence Ciel.
« J’ai décidé d’être heureux car c’est bon pour la santé » a dit Voltaire.
Dans les lectures du mois, un roman de Patrick Rambaud « Le Maître », aux éditions Grasset. Une belle évocation romanesque de Tchouang Tseu (qu’en pinyin on nomme Zhuangzi), figure majeure de la pensée chinoise connue entre autres pour son rêve du papillon qui rêve qu’il est Zhuangzi qui rêve qu’il est un papillon…. Quel bonheur de se replonger de temps en temps dans les pas décalés de la sagesse chinoise, pensée cyclique qui retombe sur ces pattes quand les civilisations linéaires vont droit dans le mur….
Et aussi Le Tango de la Vieille Garde d’Arturo Perez-Reverte entre Nice, Naples et Buenos-Aires, entre tango et échecs, entre paquebot et hôtel, entre Max Costa et Mecha Inzunza. Une belle traversée !
« Philia, c’est l’amour de ce qui ne manque pas » (André Comte-Sponville)
Dans les toiles du mois Phoenix, Hope, Snow Therapy, The Cut, Une Brève Histoire du Temps.
Phoenix pour les cicatrices du temps et des camps au sortir du 70ème anniversaire de l’innommable Auschwitz. Hope pour la vision infernale de la trajectoire des migrants subsahariens. Snow Therapy pour les fêlures bergmaniennes d’un couple moderne face à l’impromptu d’une avalanche de révélateur. The Cut pour le beau Tahar Rahim et surtout pour se souvenir du génocide arménien, toujours nié par l’ambiguë Turquie dont c’est en 2015 le triste centenaire. Et Une Brève Histoire du Temps en bel hommage à l’abnégation, au courage et à l’opiniâtreté de Stephen Hawking.
« Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté » (René Char, Feuillets d’Hypnos, 1943-1944).
Je vous souhaite avec un peu d’avance une bonne année… de la Chèvre de Bois, puisque le Nouvel An chinois tombe, ou plutôt saute et gambade le 19 février prochain. Alors de grâce, même s’il fait un peu froid, ne restez pas… de glace : la vie est bêle !
do 9215
9 janvier 2015 § § permalink
« Petite âme, âme tendre et flottante, compagne de mon corps, qui fut ton hôte, tu vas descendre dans ces lieux pâles, durs et nus, où tu devras renoncer aux jeux d’autrefois. Un instant encore, regardons ensemble les rives familières, les objets que sans doute nous ne reverrons plus… Tâchons d’entrer dans la mort les yeux ouverts… »
Ce sont les dernières lignes des Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar et accessoirement, parce que la vie continue, c’était la question du super banco, hier, jour de deuil national, au Jeu des Mille Euros sur France Inter.
J’ai eu l’occasion, il y a quelques années de croiser les tendres et amicaux Cabu et Tignous. Penser que la dernière image qu’ils auront vue avec leurs compagnons de ce matin de terreur, était cagoulée de noir avec des mains de kalachnikov me remplit d’un océan de tristesse qui rien ne pourra écoper. Mais il faut bien esquisser un sourire pour hommage à ces chevaliers de l’humour qui ne peut être assassinée : je pense à tous ces petits et grands qui ont lu ou lisent « Où est Charlie ? » une série de livres-jeux édité par Martin Handford où le lecteur doit réussir à retrouver un personnage, Charlie, à l’intérieur d’une image. Et bien aujourd’hui, Charlie est partout…
« Le silence est fait de paroles que l’on n’a pas dites ».
En lisant « Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants » de Mathias Enard qui conte le séjour de Michel-Ange à Constantinople en 1506 pour la construction d’un pont sur le Bosphore, je réfléchissais sur le rapport de l’islam avec l’image puisque cette région professe l’aniconisme, c’est-à-dire l’absence de représentations figuratives des déités et des êtres vivants. Et en conséquence sur sa relation avec notre monde d’aujourd’hui et son déluge d’images qui à la fois éclaire et obscurcit la réalité…
« Il y a plus d’une sagesse, et toutes sont nécessaires au monde. »
J’avais trouvé assez ironique qu’à l’automne dernier, au moment où fleurissaient dans les bulles médiatiques les apologies nauséabondes du soi-disant suicide français et autres déclinaisons masochistes du déclin national, l’actualité avait apporté un cinglant démenti avec l’attribution dans les mêmes jours de deux prix Nobel à des ressortissants de notre pays. Quelques jours après, j’étais invité par ma filleule Nina à une formidable pièce de théâtre sur le rock & roll intitulé « Gonzo Conférence » de Fanny de Chaillé et Christine Bombal que je vous souhaite de croiser dans vos pérégrinations artistiques. Ce spectacle était suivi d’un tremplin rock où elle chantait avec son groupe White Motel. Et je vous assure que voir la pêche, la patate et la frite de cette bande de jeunes d’à peine vingt ans m’a fait un bien fou pour lutter contre le délétère climat de notre époque. Nina va prochainement tourner dans un court-métrage et pour cela a besoin de votre soutien même modeste et de votre clic sur http://fr.ulule.com/faireuntourauxmerveilles/
Autre remède à ne pas éviter sur votre route : la poésie légère, drôle et profonde du Cirque Plume que j’avais vu débuter à Saint-Nazaire au milieu des années 80.
« Nous serions tous transformés si nous avions le courage d’être ce que nous sommes ».
C’était le jour d’avant, le 6 janvier. Les infos annoncent que la science peut désormais prouver que les particules fines font augmenter la mortalité. Comme est trop lent le cheminement de la conscience écologique !
« De même qu’il n’y a pas d’amour sans éblouissement du coeur, il n’y a guère de volupté véritable sans émerveillement de la beauté ».
Au vu de l’actualité, je suis content d’avoir envoyer mes vœux de bonne année, tôt dans ce mois. Un partage de vœux pieux, un exercice vain, forcément vain qui prend cette année allure de pieu dans le cœur. Alors, dans le secret de votre alcôve, retourner cet impossible partage vers vous-même. Faites-vous à vous-même un vœu, dessinez-vous une étoile filante et… gardez les yeux ouverts.
« L’eau bue dans la paume ou à même la source fait couler en nous le sel le plus secret de la terre et la pluie du ciel ».
do 9115
Toutes les citations en italique sont de Marguerite Yourcenar.
9 janvier 2015 § § permalink
Le temps est au frimas, ce n’est pas la saison du surf et pourtant c’est ce que je fais dans le temps retrouvé des journées d’atelier. Je me laisse porter par les vagues heureuses qui prolongent La Peinture sur son 31, goûtant chaque seconde l’apaisement que procure l’absence des chroniques incertitudes financières. Sans omettre celui de ne plus connaître les joies du réveil de 6h24, tout en mettant de nouveaux ouvrages sur la planche à projets, puisque cette saison au chaud dans l’atelier est aussi celle de la couvée des projets qui peut être écloront au printemps ou à l’été prochain. Il y a dans cette moisson automnale le Regard des oiseaux à travers une maison de plumes, des Mégalithes en plastique, des Anagrammes de Saturne, la Naissance d’un Arc-en-ciel, une Planèt’Aire et le Murmure du Quotidien… À suivre, ou pas…
« Le monde des médias a concouru à ce que l’humanité cesse de penser » dit Michel Rocard dans son interview publiée dans le Un de la semaine passée, sur le thème « Les sauveurs politiques c’est fini ». Et pourtant, depuis quelques jours nous bouffons de nouveau du bouffon et pouvons mesurer les dégâts que font les chaînes d’info continue qui ne sont en rien des chaînes d’information mais bien du formatage et rabâchage ad nauseam… « Indignez vous » disait Stéphane Hessel..
« Ce que je cherche, c’est un mouvement immobile, quelque chose qui soit l’équivalent du silence » (Joan Miro)
Comme tout le monde, je suis déçu, (forcément déçu aurait dit Marguerite D.) par le gouvernement actuel. Le virage de la transition écologique n’a pas été pris et c’est bien dommage. Mais je ne suis pas sûr que les colères soient vraiment dirigées vers les bonnes cibles…. Bashung est hélas mort, mais le bashing, notre sport national, est bien vivant… Je me souviens que Gébé dans l’An 01 disait « ….et si on faisait un pas de côté » !
« C’est parce que c’est un cheminement sans fin que je peux revenir à l’instant présent » (Un enseignant de Kyudo).
Dans les lectures du mois, des retrouvailles avec le romancier espagnol Arturo Perez-Reverte qui s’aventure dans le monde du graffiti et du street art avec La Patience du Franc-Tireur. Découvert sur les conseils de l’amie Janie un nouvel auteur, Antoine Choplin qui m’a régalé avec Le Héron de Guernica et aussi Le Radeau, une rencontre autour de la mise à l’abri du Radeau de la Méduse de Géricault pendant la guerre de 39-45. Deux histoires de peintures qui tentent de sauver un regard…. Retrouvailles aussi avec la tension sud-africaine du Kobra de Déon Meyer. Et me voilà maintenant partant à la découverte du si beau titre de L’Homme au désir d’amour lointain de François-Régis Bastide, écrivain devenu ambassadeur qui fut aussi le fondateur de l’émission de radio Le Masque et la Plume.
Dans les émotions culturelles du mois, le beau et sensible film coréen A girl at my door, vu juste avant la régalade de l’expo Nicki de Saint Phalle au Grand Palais. Dégusté aussi l’exposition des photos de Garry Winogrand au Jeu de Paume.
Et pour passer le lent cap de l’an d’hiver, relire encore une fois Lettres à un Jeune Poète de Rainer Maria Rilke :« Être artiste, c’est croître comme l’arbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant, aux grands vents du printemps, sans craindre que l’été puisse ne pas venir ».
Fêtes qu’au solstice, les jours rallongent les joies de vos nuits.
do 91214
12 novembre 2014 § § permalink
Je dédie ces quelques lignes de couleurs et de vie à Rémi Fraisse et à Vital Michalon, victimes à Sivens le 26 octobre 2014 et à Creys-Malville le 31 juillet 1977 de ce que l’on appelle les forces de l’ordre qui ne sont en rien gardiens de la paix.
NOUV’AILES_57_1 : LA PEINTURE SUR SON 31 (à lire avec les jointes images)
Au matin du jeudi 2 octobre deux sensations contradictoires : le bonheur enthousiaste de voir mon travail mis en valeur sur les murs blancs de la Galerie du Génie et la fatigue qui doute entre l’après-accrochage et l’avant-vernissage… Et puis une fois le punch servi, il est entré et a fait le tour des cimaises en disant « je prends celle- là, celle-là, …. et aussi celle-là… » réitérant cinq fois cette sentence qui n’en croyait pas mes yeux ni mes oreilles. Puis il y eut aussi d’autres ventes de gravures et de sculpture. Et pour couronner ces bonheurs tangibles et matériels, la belle reconnaissance des 350 personnes qui sont passées voir l’expo, dont celle très chaleureuse des habitants du quartier heureux de voir une galerie s‘épanouir dans cet ancien bar fermé depuis une bonne vingtaine d’années. Chaud au cœur !
NOUV’AILES_57_2 : LE CHAT DE LASCAUX DANS LA GROTTE DE SCHRÖDINGER. Erwin Schrödinger est un physicien quantique, moins connu mais aussi fameux qu’Einstein qui a imaginé l’expérience irréalisable d’un chat enfermé dans une boîte avec un dispositif aléatoire reliant une particule radioactive et une fiole de poison. Tant que l’on a pas ouvert la boîte, le chat est dans un état superposé, à la fois mort et vivant. De cette expérience, on peut en déduire qu’observer modifie ce que l’on observe. Et que cette vérité est valide que l’on soit aujourd’hui dans un labo de mécanique quantique qu’hier dans la grotte de Lascaux !
« La réalité est en fait la superposition de tous les possibles imaginaires » Attrapé sur les ondes cette citation du physicien professeur au Collège de France Alain Connes. Chat colle avec mon tableau !
NOUV’AILES_57_3 : L’ORIGINE DU DOUBLE
Réitéré dans cette exposition l’installation réalisée en septembre pour le passage de ma VAE à Aix en Provence, avec cette fois la toile « les Dix Mille Êtres » roulée telle un parchemin vertical. Dans la symbolique chinoise, les dix mille êtres représentent l’humanité. Faite de 10000 petits visages à l’allure de caractères chinois, on peut aussi voir dans cette toile de 1,60x 10m réalisée en 1998 une image d’Internet et de sa multitude infinie d’écrans que l’on ne peut jamais embrasser d’un seul regard. Au-dessus de cette Tour de Babel de peinture, tourne, à la poussée d’un doigt ou d’un courant d’air, un œuf d’autruche qui se mire dans un miroir biface, tous deux suspendus au fléau d’une balance. Comme le disait en 1991 le cinéaste indien Satyajit Ray dans son dernier film Agantuk (Le Visiteur), la vie s’est développée sur Terre pour la bonne raison que vus de notre planète, Le Soleil et la Lune ont la même taille apparente. De cette vision, j’ai imaginé qu’en lieu et place d’un « instant zéro » de big bang (mais alors qu’y avait-il avant ?) la vie est née du reflet d’un œuf originel dans un miroir mouvant et céleste entre blanc et jaune, jour et nuit (…) et aussi entre toi et moi…
Entendu dans la bouche d’Étienne Klein cette variation quantique sur les trois mots :Néant / Vide / Rien. Ajouter « je » devant cette triplette et vous obtenez la phrase « Je n’ai envie de rien » !
NOUV’AILES_57_4 : LA PEINTURE SUR SON 31 (suite)
Le succès de cette exposition est venu à point nommé juste après avoir décidé d’arrêter mes interventions dans les écoles de Rueil-Malmaison. Je continue celles du mercredi dans la MJC de Ballan-Miré, près de Tours mais profite intensément des retrouvailles avec une plus grande maîtrise de mon emploi du temps. Prendre celui de revisiter les étagères de l’atelier, le réorganiser et rebondir sur cet élan revivifié avec de nouvelles créations à venir….
« Ne pas devenir cynique ». C’est ce que déclare Wim Wenders à propos de Sébastiao Salgado dans son film Le Sel de la Terre. Celui-ci voulait arrêter la photo après ses reportages des années 90 au Rwanda. Puis il a entrepris Génésis, travail qui fut exposé à Paris à l’automne 2013 et qui éclaire somptueusement sa vision de la Beauté de la Terre. Et a planté avec la fondation créée avec sa femme deux millions et demi d’arbres sur sa terre brésilienne…
À voir également Gone Girl, Vie sauvage, Les Combattants, Litling ou la délicatesse, et surtout Mommy et Bande de Filles.
Régal de lecture en retrouvant Haruki Murakami et son Kafka sur le Rivage.
J’écris ces nouv’ailes en écoutant à la radio Jacques Bonnaffé citant quelques titres et aphorismes du poète belge Jean Pierre Verheggen (Poète ben qu’oui, poète ben qu’non / L’essentiel est de ne pas participer, comme disait Pierre de Courbature / Le Commandant Couche-Tôt se lève avec les poulpes / Un Jour je serai Prix Nobelge / Vache qui rit vendredi, dimanche corrida / J’ai trop d’ambition pour en avoir) et là, j’ai les doigts du clavier qui sourient. Mais l’émission de radio est terminée et maintenant j’écoute les doigts de mon ami Bertrand Ripoche qui dansent sur l’âme et les lames de sa collection de sanzas, que l’on appelle aussi piano à pouce. Vous pouvez l’entendre sur https://soundcloud.com/bertrand-ripoche .
Vu les expositions de Sonia Delaunay (« Un delaunay est bon à toute heure »!!!), Hokusai (une foule permanente de 25 personnes devant la houle de La Vague, préférez y la contemplation solitaire des nombreux livres qui sont consacrés à ses peintures et estampes) et celle de Frank Ghery et des nombreuses maquettes de ces réalisations architecturales, dont le fameux Guggenheim de Bilbao. Vu aussi à Beaubourg, celle de Marcel Duchamp « La peinture, même », grand artiste mais peintre peu inspiré dont on dit communément qu’il a tué la peinture.
En sortant de cette exposition, il ne me vint que cette royale réflexion : « La Peinture est morte, Vive la Peinture » !
8 octobre 2014 § § permalink
« Zenev, zenev, zenev ».
Ou si vous prenez la rue dans l’autre sens « Venez, venez, venez »…
Ce sont ces mots qui viennent à mes lèvres à quatre jours de la fin de mon exposition « La Peinture sur son 31 » qui se tient jusqu’au dimanche 12 octobre au 126 rue de Charonne à Paris. Le lieu est superbe, clair, ouvert sur ce carrefour passant du 11ème arrondissement. Quel bonheur de voir les tableaux mis en valeur sur de beaux murs blancs bien éclairés. J’y serai présent tous les jours de 14H30 à 19h30.
Le soir du vernissage, il n’y avait pas de vent, mais six ventes sont venues ensoleiller les cimaises de mon accrochage. Et le sourire de mes yeux… Sans oublier aussi les feedbacks réconfortants sur l’énergie, la lumière et la chaleur qui se dégagent de mon travail. Ce qui en retour, me procure joie profonde au cœur et envie renouvelée de poursuivre cette aventure qui rime avec peinture.
Moins réconfortant furent les commentaires du jury de la VAE (Validation des Acquis par l’Expérience) que j’ai passée le 19 septembre à l’École d’Art d’Aix-en-Provence. Malgré « un véritable engagement artistique, une bonne culture et connaissance de l’histoire de l’Art et un bon sens de la communication », le jury ne m’a accordé qu’un DNAP (Diplôme National d’Arts Plastiques, équivalent à Bac +3) en lieu et place du DNSEP (Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique, Bac +5) pour cause de « manque de radicalité dans mon projet et surcroît d’amicalité envers mes réalisations. Et aussi « trop de superficialité dans mes concepts et trop de papillonnage dans mon expression poétique… ». Ce qui me laissa sans voix, moi qui ai tant aimé l’exergue du catalogue de l’exposition Bonnard qui eut lieu en 1984 au Centre Pompidou qui disait « vouloir que sa peinture tienne et arrive devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec les ailes d’un … papillon ». Passé la déception du moment, je fis de ce demi-échec un 2/3 de succès qui valide d’un diplôme mon parcours autodidacte et me confirme que je n’entre pas vraiment dans les cases de l’institution. Dans les onze heures automobiles qui me ramenèrent avec mes tableaux de la cité d’Aix, je repensais à cette phrase de Cocteau qui disait » Ce que l’on te reproche, cultive-le : c’est toi ». Aux jugements critiques de ce jury cérébral, je préfèrerai toujours le sourire complice d’une pupille et les mots du cœur qui regarde avec les yeux…
« La véritable hygiène de vie, c’est de lire un poème tous les matins » (Gaston Bachelard).
En ces temps lugubres où les bruits de guerre font entendre leurs sinistres bottes, ne pas oublier que la France est le troisième ou quatrième marchand d’armes de la planète… Les statistiques sont pour le moins obscures en ce domaine…
Pendant que je surveillais La Racine Carrée de l’Arc-en-Ciel lors de la Biennale du Génie des Jardins afin de réduire les risques de vandalisme, une petit fille jouait « au cochon perdu » sur la rambarde de l’allée du square.
Entendu à la radio cette information surprenante et à méditer : les patrons californiens des grandes firmes de l’Internet interdiraient tablettes et autres accessoires numériques à leur charmante progéniture qu’ils envoient volontiers dans des écoles style Steiner ou Montessori…
À lire Une Odeur de Gingembre d’Oswald Wynd, livre culte traduit en 2006 chez Folio. Un roman épistolaire qui conte le journal d’une jeune écossaise partie au début du vingtième siècle épouser un diplomate anglais en Chine et se retrouve au Japon…. Et aussi La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert de Joël Dicker, gros succès de l’année 2012.
Dans les films du mois l’envoûtant Still The Water de la japonaise Naomi Kawase. Entre mort d’une maman chamane et premiers émois d’adolescents. Plus près de nous l’impeccable Hippocrate avec le nom moins impeccable Reda Kateb et le très classe Saint Laurent de Bertrand Bonello.
J’ai vendu aujourd’hui une sculpture qui se nomme « Nous Savons Que Nous Avons Trois Savons ». Trois brosses à dents bleue, blanche et rouge plantées dans trois savons de Marseille sur socle de copeaux de savon dressé sur quatre pinceaux pincés de jaune. Les trois savons, ce sont Liberté, Égalité, Fraternité. À voir en vrai jusqu’à dimanche à la Galerie du Génie ou en image dans les prochaines Nouv’ailes. Nous, savons, sauvons.
do 91014
8 octobre 2014 § § permalink
Des corps d’été.
Le corps d’Huguette, la marmotte qui guette le U de l’Ubaye pendant que ses marmottons bayent aux corneilles des sommets. (Ils ne connaîtront jamais le musée Marmottan où il y avait au début de l’été, une belle exposition des impressionnistes en collection privée).
Le corps de cette dame « d’un certain âge », croisée sur les chemins des Cévennes en 1972 lors de ma première randonnée dans cette belle région que j’aime. J’ai souvent repensé à cette femme qui cheminait solitaire quand la randonnée n’était pas encore en vogue. Elle est morte aujourd’hui mais son empreinte demeure vive, elle qui m’a inoculé dans cette brève rencontre, la liberté de marcher. Car marcher met l’esprit hors les lois du marché. Car marchant, on se trouve hors d’atteinte des marchands. Diantre ! Qu’elles étaient bonnes heures ces deux semaines à marcher et camper sur les bords ensoleillées de l’Ubaye, juste après Barcelonnette,à deux pas de l’Italie.
Le corps du virus Ebola qui fera peut-être par sa virulence contre les corps humains, émerger la fraternité comme indispensable remède à tous les maux du monde qui s’en viennent.
Le corps des passagers des avions qui sillonnent le ciel des couloirs aériens de l’Ubaye. Quelques centaines de personnes dorment dans ce minuscule point de lumière qui déroule la nuit dans le ralenti de son clignotant. Les corps des bouquetins rencontrés cet après-midi rêvent-ils à l’Étoile du Berger ?
Le corps des conquistadores de tous poils qui n’en finissent pas de nous faire payer l’addition des délires colonisateurs… La statue de la Liberté était à l’origine conçue pour être implantée au bord du canal de Suez pour symboliser la lumière apportée au monde par l’Occident !
« Le patriotisme, c’est l’amour des siens, le nationalisme c’est la haine des autres » a dit Romain Gary.
Le corps de Patrick, grimpant allègrement en haut de l’échelle de six mètres pour finaliser l’accrochage d’Une Infinie Auréole sous la voûte de la Chapelle Sainte-Croix de Josselin. Et aussi celui de Daniel qui m’a aidé à enrober les treillis métalliques d’icelle avec les rouleaux de film plastique étirable. Un moment divin – le minimun pour un travail en chapelle ! – où tout s’est déroulé en 24heures avec une fluidité digne de l’anneau de Mœbius. Et sur la route du retour un somptueux concert de Youn Sun Nah au festival de jazz de Vienne. Que vous pourrez (ré)entendre dimanche soir prochain de 22 à 23h sur France Inter. À ne pas rater !
Le corps des maîtres japonais qui sont venus animer stages et Coupe du Monde de Kyudo qui m’ont occupé une grande partie du mois de juillet et l’ont fait rimer avec joyeux.
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Le corps de Sélène, jeune élève de danse indienne qui, à 11ans danse déjà avec du soleil sur la plante des pieds sous le regard de Maya, sa professeure.
Le corps de Chevrotine, héroïne du dernier Roman d’Éric Fotorino, ancien directeur du journal Le Monde et par ailleurs excellent romancier. C’est lui aussi qui a lancé au printemps dernier un très bon journal, hebdomadaire, Le UN, fait d’une seule feuille qui se déplie et qui traite d’une unique sujet à travers divers points de vue, chroniques ou nouvelles. Je vous assure que ça repose du flot médiatique qui se déverse en continu dans nos yeux et oreilles. Flot qu’il fut délicieux de fuir le temps de l’été entre Ukraine, Syrie et Gaza mais que le retour à la ville immanquablement reconnecte aux bruits assourdissants du monde. Et donne l’envie de crier « Merci pour ce moment… de silence ! » Les numéros de cet été nous ont emmené dans six villes de la Méditerranée (Istanbul, Athènes, Naples, Barcelone, Tanger et Le Caire). Dans le numéro de la semaine dernière (il paraît le mercredi et coûte 2,80€), un très bon dossier et puits de réflexion sur « La Gauche trahit-elle la Gauche ? » avec notamment une évocation des affrontements Jaurès /Clemenceau il y a un siècle. De quoi prendre UN peu de distance…
Les corps de jeunes évangélistes psalmodiant cantiques et autres incantations dans la nuit de lune montante de la Cathédrale de Maguelonne, entre Sète et Montpellier. Ferveurs de transes ou illuminations nocturnes ? J’ai préféré le bain de nuit dans la soyeuse brise chaude des vagues salées…
Le corps d’André Markowicz, poète et traducteur de Dostoïevski, interrogé à la radio sur le conflit du Proche-Orient, scotchant la journaliste qui l’interviewe en lui racontant cette histoire drôle : « C’est l’histoire d’un juif qui rencontre un autre arabe… ». Que j’ai aimé le silence blanc qui a suivi cette phrase…
Le corps de Pinocchio allongeant son grand nez dessiné sur les pentes du Mercantour par la route du Col de la Bonette, vendue comme « la route la plus haute d’Europe, 2800m ». Cyclistes et camping cars garantis !
Le corps des enfants jouant dans la houle d’une mer de boules plastiques en visitant « Le voyage à Nantes » sur les rives de l’île Beaulieu.
Le corps d’une cigale venue s’échouer dans un évier des Alpilles. Je croyais morte, elle s’avéra encore en vie et s’envola quelques instants après que je l’ai mise sur une souche d’arbre. Mais l’été s’en allait quand même vers son terme.
Vous trouverez trace de ces décors d’été dans les photos jumelées de ces Nouv’ailes. Vous pouvez assaisonner avec le beau voyage de « Winter Sleep », palme d’or à Cannes et aussi « Métamorphoses » de Christophe Honoré, belle œuvre originale qui donne envie de se plonger aux sources d’Ovide.
Pour les décors d’automne, deux rendez vous :
Du 20 au 28 septembre, dans les allées du square Maurice Gardette, dans le 11ème arrondissement de Paris, j’aurai plaisir à vous accueillir sous « La racine carrée de l’arc en ciel ». Puis du 2 au 12 octobre, à la Galerie du Génie, rue de Charonne, dans le même arrondissement, pour « La peinture sur son 31 », première exposition personnelle à Paris depuis 17 ans qui est aussi une mémoire de ma première expo à Montréal, il y a 31 ans.
La nuit est pleine de lune. Et la lune pleine de lumière. On dirait un corps céleste…
do 9914