C’est la question en forme de massue qui m’est tombée dans le corps, à 16h40 en cet après-midi du 23 octobre. Le ganglion, qui avait fait son apparition à la gauche de mon cou au cours de l’été est gros mais la tumeur est petite, m’a dit l’ORL après avoir observé les circonvolutions du scanner. L’adoption bien involontaire de cet (indésirable) animal de (mauvaise) compagnie dans mon amygdale gauche m’a assommé. Je n’ai trouvé comme antidote que la bouée de mon téléphone pour appeler proches et ami-e-s et alléger le désarroi de cette nouvelle. Que j’ai l’impudeur de vous partager dans cette Nouv’aile pour poursuivre l’allègement de cette secousse émotionnelle. Le marathon hospitalier a commencé : Tepscan, IRM et mercredi prochain, intervention chirurgicale pour ablation de cette tumeur bien localisée. Curable, c’est le mot qui est venu dans la bouche du médecin juste après cette annonce. Alors, le regard et la distance sont venus me dire les progrès des thérapies et m’ont laissé confiance et combativité en la vie. Qui est là et continue. À suivre …
Éléphant rime avec Enfant / Mémoire avec Armoire
C’est un poème de porcelaine / Écrit par un porcelet de laine.
J’ai souri du coin de l’œil en admirant la finesse des épingles à cheveux à décor de crabes dans la superbe exposition L’Or des Ming qui se tient actuellement et jusqu’au 13 janvier 2025 au Musée Guimet. De quoi cultiver l’art d’être pince sans rire !
Il lisait un livre dans le métro. En sortant le mien de on sac à dos, son regard a cherché son titre et il m’a montré le sien. C’était Le monde d’hier de Stefan Zweig. Nul mot n’a été échangé, juste la croisée des regards complices qui se frayait passage au milieu de ceux rivés aux écrans.
Si vous voulez continuer à manger du poisson et ce de manière équitable et respectueuse des océans, allez naviguer sur https://poiscaille.fr/
« Aucun mot n’existe pour dire le vrai merci » a dit Kamel Daoud après l’attribution du Prix Goncourt pour son roman Houris. Et pour moi, au cœur de ce gris novembre, aucun mot pour dire entre autres et trop nombreux écœurements, la sidération états-unienne, l’obligation de silence faites aux femmes afghanes, l’arrestation de cette jeune iranienne qui harcelée, s’est déshabillée dans la rue devant son université. Juste la nommer pour l’inscrire dans les mémoires : elle s’appelle Ahoo Daryael.
Puisse l’État Liban ne pas faire rime avec les talibans ! Et l’état d’Iran cesser cet état délirant. Je n’ai trouvé que ces mauvaises allitérations pour dire le dégoût, la colère, la révolte et la rage du monde dans tous ses états.
Ceci est une vraie question : Comment et de quoi rêvent les aveugles de naissance et en quelles couleurs ?
Dans les lectures du mois un court roman de Jeanne Benameur « L’enfant qui ». À lire pour savoir ce qui suit ce « qui ».
Un roman de Kazuo Ishiguro, prix Nobel 2017, Le géant enfoui. Dans une Angleterre du Moyen Âge, entre Bretons et Saxons, l’étrange voyage d’un couple dans les brumes de la mémoire et du temps où flottent encore la présence du Roi Arthur et la menace de la dragonne Querig…
J’avais bien aimé Le Liseur du 6h27 de Jean-Paul Didierlaurent. Je me suis de nouveau régalé à la lecture de son recueil de nouvelles, Macadam.
Je ne suis pas très fan de l’artiste performeuse Marina Abramovic, mais ai découvert en profondeur, entre voyage en Italie et pandémie, les arcanes et les rouages de ses œuvres à travers l’excellent roman d’Éric Fottorino, Marina A.
Dans les films qui ont emballé mes salles automnales, Lee Miller, Niki, L’Histoire de Souleymane, le film que l’on a pas envie de se faire livrer à domicile, Un Amor de la catalane Isabel Coixtel dont je me souviens avec émotions de deux de ses précédents films The secret life of words et Ma vie après moi et qui respire à travers ce nouvel opus la même et émouvante sensibilité. Vu aussi sur un rythme plus tonitruant L’Amour Ouf et la palme dorée de Cannes Anora.
Dans la catégorie « petit film » dont cet intitulé ne rime à rien, le jurassien Fario et le mexicain Totem. Vu aussi hier soir Trois Amies d’Emmanuel Mouret à l’écriture et la musique toujours aussi sensible et captivante.
Même si c’est novembre, je vous souhaite des rimes en ambre
Pour chevaucher jusqu’en décembre dans la musique de vos chambres.
C’est l’acronyme d’une association (Artists in Nature International Network, www.artinnature.org) à laquelle j’appartiens depuis plus d’une vingtaine d’années et qui me permet entre autres ressources, de recevoir régulièrement des appels à projets et à résidences en Europe et « all over the world ». Elle rassemble à travers le monde des artistes qui interviennent dans le paysage. Ce qui est finalement une assez bonne définition de cette pratique que l’on nomme land art et qui met les œuvres directement au contact de Dame Nature et de ses habitants. Une fois sur deux l’Assemblée Générale annuelle se tient en visio mais cette année elle avait lieu près de Maastricht, dans cet endroit d’Europe où se côtoient Allemagne, Hollande et Belgique. Pendant une petite semaine, une dizaine d’artistes venus de ces trois contrées se sont réunis dans un joli gite, à Vaals près d’Aix La Chapelle, avec comme terrain de jeux créatifs un beau verger plein de pommes, de poires et ….de pluies. J’étais venu avec quelques œufs accompagnés de plumes et ai produit ces installations éphémères que vous pouvez voir dans les photos jointes. Dans les prochaines nouv’ailes je vous présenterai les œuvres de mes collègues artistes.
Cette belle semaine fut aussi l’occasion d’aller saluer LA ROUE DU TEMPS que je n’avais pas vue depuis son installation en décembre 2020 et qui me charma d’un bref rayon de soleil lors de ce passage furtif. La rouille a suivi le cours du temps et lui a donné une belle patine ocre sur sa verte prairie. Je remercie chaque jour les dieux de l’insouciance de m’avoir permis d’oser ce projet fou et les cieux belges de Bioul, près de Namur d’avoir accueilli ce calendrier des saisons incarné dans cet acier de sculpture. C’est elle qui me permet aujourd’hui, en ces temps de vaches étiques et de maigres projets, de ne pas trébucher à la relative raréfaction des espèces sonnantes. La Roue du Temps (qui passe) est un ironique clin d’œil en forme de complément de retraite !
Vu en septembre sur Arte un étonnant documentaire intitulé « Tukdam: méditer jusqu’à la mort ». Tukdam est un mot tibétain qui décrit l’état d’un grand méditant dont le corps reste chaud pendant quelques jours après sa mort. Comme si le corps continuait sans altération de méditer après le décès. Sur les conseils du dalai-lama, un neuro-scientifique américain Richard Davidson a étudié plusieurs de ces cas, mais il semble que les capacités physiques des instruments permettant d’étudier ce phénomène ne soient pas assez fines pour en déceler les traces dans l’absence d’activité cérébrale. Question: où est la conscience de ce méditant dans ce moment de Tukdam ?
Quoi qu’il en soit de ce mystère, dans ce temps du monde qui fait rimer guerres avec misère, n’oubliez pas que « l’opportunité de la beauté est présente à tout instant » a dit une voix sur les ondes radio.
C’est un mantra à répéter sans cesse pour être sûr qu’il ne « mentera » pas. Ou à apprendre «par cœur». C’est étrange le sens trouble qu’a pris cette expression. Si l’on a appris « par cœur », c’est que l’on est capable de réciter sans lire, de mémoire. Le cœur serait-il le siège de la mémoire ?
La mienne s’est réactivée à la lecture d’un autre livre de Jeanne Bénameur dont je vous ai parlé avec enthousiasme dans ma précédente chronique. Il s’agissait de La patience des traces, (décidément un très beau titre), et là il est question de Ceux qui partent, roman à la construction magistrale et à la langue infiniment sensible, qui gravite au cœur des personnages et aux alentours d’Ellis Island, là où arrivent les émigrants en quête d’Amérique. Un livre comme si on lisait ses lignes à l’intérieur de soi. Émerveillant ! Alors m’est revenu en mémoire un souvenir, qui en vrai n’en est jamais parti, celui de la pleine lune venant se coucher dans l’aube matinale new-yorkaise sous le bras levé de la Statue de la Liberté. Je vous le partage avec plaisir dans la septième image de cette lettre.
Les hasards des lectures sont parfois étonnants: depuis plusieurs mois, je voulais lire Le Gang des Rêves de Luca di Fulvio, mais il n’était pas disponible à la médiathèque. Il le devint à cette rentrée et je le lis à la suite de Ceux qui partent. Il m’emmène avec une italienne de quinze ans qui débarque avec son fils dans le New York des années 20, un peu plus loin que Ellis Island, dans le Lower East Side, à la pointe sud-est de Manhattan… De la suite dans la lecture !
Dans la lumière des salles obscures j’ai vu deux fois Emilia Perez (chef-d’œuvre) et intensément les saveurs iraniennes des Graines du Figuier Sauvage et de Tatami. Vu aussi le très beau Viet and Nam et l’époustouflant Léopard des Neiges du regretté cinéaste tibétain Pema Tseden, décédé l’an passé quatre mois avant la première de ce film. C’est un cinéaste que j’aime beaucoup qui cherchait à montrer les complexités de la vie moderne dans son pays natal. Autant le film de Vincent Muniez cherchait à capter cet animal furtif en milieu sauvage (panthère et léopard sont faits de la même neige) autant celui-ci le montre sous différents angles, et même avec son petit, puisque tourné dans la réserve naturelle des Sources des trois rivières, là où naissent sur le plateau tibétain les trois grands fleuves chinois. Somptueuses images !
Et pour clore ce fil des toiles, le fort justement récompensé du Grand Prix à Cannes, All you imagine as light de la cinéaste Payal Kapadia qui porte un regard sensible et puissant sur trois femmes indiennes, ouvrant les yeux à une vision originale de la complexe réalité de l’Inde d’aujourd’hui.
« J’en veux un comme ça dans mon jardin » m’avait dit Sylvie en blaguant quand je lui avais envoyé quelques photos de L’Arbre à Miroirs réalisé en Champagne en mai 2022. Alors comme je n’avais pas de projet de sculpture pour cet été, je lui ai proposé de venir transformer cette œuvre miroitante et de l’installer dans son jardin. Qu’elle avait entretemps réorganisé avec une aire centrale faite comme sur mesure pour accueillir La Tour des Miroirs que vous pouvez voir sur l’image 1 de cette chronique ou dans le jardin de Sylvie si vous passez par le petit village de Molas, à la frontière du Gers et de la Haute-Garonne.
La métamorphose des miroirs, ce fut aussi celle de l’actualité sportive et politique de cet été 2024. Souvenez-vous, je vous avais laissé lors de ma précédente chronique – c’était le 9 juin – au soir des élections européennes et de l’imprévisible dissolution qui ont bien plombé l’entrée dans l’été. Triste image d’un pays qui sentait le rance et l’intolérance. Et puis, métamorphose ! Au soir du 26 juillet et des jours suivants, il fut délicieusement bon de voir une France belle, créative, jeune, colorée, métissée, dansante, offrir au monde les anneaux colorées de ferveur, de joie, de partages, d’exploits et d’émotions. J’ai tout pris en bloc, fait fi des critiques et autres polémiques, râleries et autres bashings de tout poil dont nous sommes tant friands, juste pour me laisser saler aux goûts immodérés pour ces épices sportives, ces multiples facettes de ces éclats olympiques et paralympiques qui ont parfumé et illuminé les écrans de mon été. Comme si Juillet réparait Juin et mettait Août en orbite festive.
J’ai commencé cette journée du 8 septembre en regardant passer devant mon immeuble les para-marathoniens. Je la termine en regardant la cérémonie de clôture dans ce stade tout proche et je vibre avec plaisir au discours de Tony Estanguet, qui a si justement salué les parathlètes comme des révolutionnaires de l’inclusion. Puisse l’empreinte de cette fraternité d’au-delà du sport marquer durablement les esprits du monde qui l’appellent.
« Nous sommes tous une exception à une règle qui n’existe pas » (Fabrice Midal)
Ayant besoin et envie de changer d’air, j’avais décidé de prolonger la métamorphose gersoise par quelques pérégrinations aux constellations amicales qui m’ont emmené en Béarn, ramené dans le Gers, puis en Cévennes, Drôme, Ardèche et Savoie avant de boucler ce tour de vacances par une semaine de randonnées aux alentours du pays de Digne. Non sans avoir tout de même répondu à quelques appels à projets pour faire patienter l’automne et entretenir l’imaginaire de la création. Merci de tout cœur pour ces moments d’accueil, de rencontres, de paroles ou de silence, de confitures de myrtilles ou de tartes au citron.
C’est en lisant Libertango de Frédérique Deghelt, long et dense roman biographique d’un chef d’orchestre handicapé que j’ai appris l’origine du mot Handicap. Il vient de l’anglais Hand in cap, jeu d’échange du XVIème siècle. Dans le cadre d’un troc de biens, il fallait rétablir une égalité de valeur entre le donné et le reçu. Celui qui recevait un objet de plus grande valeur devait mettre dans un chapeau une somme d’argent pour rétablir l’équité. C’est au XIXème qu’il prit le sens de moyen pour désavantager un adversaire (comme dans une course à handicap) et c’est au début du XXème qu’il vint à désigner ce qui empêche une personne d’exploiter toutes ses capacités et d’agir en toute liberté.
Je vous ai déjà confié mon goût pour l’écriture de Muriel Barbery, je l’ai prolongé et confirmé en lisant La vie des Elfes. Dans les autres lectures qui ont accompagné mes vagabondages, Cézanne, des toits rouges sur la mer bleue de Marie Hélène Lafon, Les Oliviers du Négus, quatre belles nouvelles de Laurent Gaudé, et le récit de François-Henri Désérable L’Usure d’un Monde (sous titrée Une traversée de l’Iran) que l’auteur fit à l’automne 2022 en plein mouvement Femme Vie Liberté et qui est aussi un hommage à L’Usage du Monde du grand Nicolas Bouvier.
Trois autres perles de lecture puisées aux rives de l’été : Reine de cœur d’Akira Mizubayashi, émouvante histoire d’amours entre passé et présent, France et Japon, entre roman et musique… En attendant la vague de Gianrico Carofiglio où un ancien carabinier infiltré dans les réseaux de narco-trafiquants tente de se reconstruire sur le divan tandis qu’Emma ancienne actrice cherche à se remettre d’un mariage désastreux pendant que Giacomo, enfant solitaire parle la nuit avec Scott son chien imaginaire, tout cela dans une Rome familière et étrangère. J’ai adoré !
J’avais apporté à mes amis ardéchois des Jardins du Tao et de l’École du Qi l’éminent Anima de Wajdi Mouawad. En joyeux échange, ils m’ont offert La Patience des Traces de Jeanne Benameur. J’avais essayé de lire il y a longtemps un de ses premiers romans, Les Demeurées et n’y étais pas parvenu. Cette fois fut tout autre et je me suis délecté de cette écriture d’émotions en accompagnant Simon Lhumain, psychanalyste en cessation d’activité qui décante cette métamorphose en allant découvrir des tissus Bingata et tout ce qui les accompagne dans une délicieuse maison d’hôtes aux îles Yaenama à l’extrême sud du Japon. Voyage intérieur garanti !
Rentré depuis seulement quelques jours sous la verrière de l’atelier, j’ai néanmoins sacrifié aux rituels de reconnexion avec la grande ville en m’enfermant dans deux salles obscures mais réjouissantes: Le Roman de Jim des frères Larrieu et La Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy. En juin, j’avais aimé I’m a noise, beau doc sur Joan Baez, Les gens d’à côté d’André Téchiné, Juliette au printemps de Blandine Lenoir, Maria de Jessica Palud sur la vie de Maria Schneider et le tournage destructeur du Dernier Tango à Paris, et bien sûr, aimé sans compter le Conte de Monte Christo.
Si vous passez par la rarement ouverte Orangerie du Château de Versailles avant le 29 septembre, allez voir l’exposition de la superbe tapisserie de 107m de long imaginée par Éva Jospin et réalisée avec de femmes de Mumbai en Inde. Cela s’appelle « Une chambre de soie ». C’est pour se réveiller de bonheur.
C’est ce que je vous souhaite pour les nuits à venir et les chants de l’équinoxe d’automne.
Je ne suis pas très « like », vous savez, cet émoji en forme de pouce qui vaut approbation, voire acquiescement s’il est haut ou l’inverse s’il est bas. La légende voudrait que ce fut le geste que faisaient les empereurs romains pour gracier ou condamner les gladiateurs dans les jeux du cirque. Que nenni ! Ce geste vient d’un peintre pompier très académique du XIXème siècle, Jean-Léon Gérôme, qui représenta ou plutôt interpréta cette scène dans un tableau – Pollice Verso (pouce vers le bas) – conservé aujourd’hui dans un musée de Phœnix aux États-Unis, lequel tableau fut repris par le cinéma dont Gladiator de Ridley Scott ou par la BD de nos héros gaulois affublé d’un obélisque ou d’une astérisque… Pensez-y si vous aimez ou détestez les jeux du cirque olympique qui vont saturer l’espace public de l’été à venir… Mais peut-être préférerez-vous vous tourner… les pouces !
Les miens ne se tournent pas dans l’atelier : après la belle aventure de La Voie de l’Arbre, toujours visible dans le parc du Château de l’Étang, à Saran, près d’Orléans, je continue à peindre pour me perdre et me trouver, pour dire mon envie de me taire et taire mon envie de dire. J’enfonce mes pinceaux dans l’absurdité de l’actualité pour chercher un poil de beauté dans le manque de spiritualité de la modernité et faire sonner toutes ces rimes en thé avec un bon verre de vin. Vieux lecteur fidèle de Libé, j’avais un peu délaissé la lecture quotidienne qui accompagnait bien souvent mes déplacements métropolitains. Le confinement m’a fait basculé dans la lecture numérique… Époque oblige, je m’y suis adapté et, abonné, j’ai eu la chance d’être tiré au sort pour assister à la conférence de rédaction de mon journal préféré. Moi qui fut il y a quelques décennies localier et journaliste temporaire à Ouest-France à Rezé et à Nantes, ce fut un grand plaisir de voir les coulisses de cette fourmilière parisienne de plus de 200 journalistes qui frôle les cent mille abonnés numériques et que je vous invite à rejoindre et à soutenir, tant le besoin d’une presse libre et indépendante risque de se faire de plus en plus nécessaire dans les temps de nuages à venir.
À la veille d’élections européennes « extrêmement » inquiétantes, les commémorations du débarquement m’ont ramené vingt ans en arrière quand je participai en 2004 au symposium Maitre des Lieux à Saint-Lo. Pour le fun je ne résiste pas au plaisir de vous redonner le lien pour visionner mon installation « Le tour de l’arc en ciel », qui fut comme j’en plaisantais à l’époque l’une des plus belles érections de ma vie mais surtout un hommage géant, multicolore et éphémère aux moulins à prières et aux drapeaux tibétains qui jalonnent les cols et les stupas de ces territoires himalayens. https://www.dodelaunay.com/2004/05/15/tour-arc-en-ciel.html
Et pour ajouter malgré tout, une pointe d’humour à cette période électorale où la guerre et ses menaces, les nationalismes et leurs démagogues de mauvaise foi renvoient aux oubliettes écologie, changement climatique et biodiversité, cette citation d’un des héros du D-Day :
« Une pomme par jour éloigne le médecin… surtout si l’on vise bien » (Winston Churchill)
Le mois dernier, j’ai omis de vous parler d’un excellent livre de Denis Lehanne – Le Silence – qui explore les tensions raciales dans la banlieue de Boston au milieu des années 70.
Dans mes lectures de ce mois-ci, il y a Une heure de ferveur, de Muriel Barbery dont j’avais beaucoup aimé, après L’élégance du hérisson, Une rose seule. Ce nouveau roman qui se passe aussi au Japon, en est une suite mais en réalité le précède. Lisez-le pour avoir la solution de ce dédale du temps, plonger dans l’éternité d’un grain de sable d’un jardin zen et vibrer au silence, à l’imaginaire et à la subtile sensibilité de cette romancière.
Un nouvel Indridason est toujours une promesse. Celui-ci, Les parias, la tient magnifiquement. Belle est aussi celle d’Ann Scott dans Les Insolents. Une belle écriture pour le dit d’une musicienne branchée parisienne qui quitte la capitale pour vivre seule dans une isolée maison bretonne. Olivier Liron est un écrivain, autiste Asperger. Sa « romance télévisuelle avec mésanges » s’intitule Einstein, le sexe et moi. Elle n’a aucun rapport avec Einstein, très peu avec le sexe et pas du tout avec moi. C’est son aventure dans le jeu télévisé Questions pour un champion qu’il raconte de l’intérieur de son regard différent.
Dans les films du mois de Cannes, La mémoire éternelle, beau et sensible documentaire chilien et Greenhouse, fiction sud-coréenne tendue pour mettre en parallèle deux regards sur Alzheimer. Et pour réjouir d’autres regards, l’enjoué et jubilatoire Marcello Mio de Christophe Honoré.
C’est le mois de juin, les Nouv’ailes Neuve se mettent en vacance et vous donnent rendez-vous en septembre. Je vous souhaite évidemment un été en forme olympique. Non sans avoir levez un pouce et ouvert grand les bras de Vénus au petit grenoblois Milo, débarqué il y a quelques jours sur notre planète. Welcome !!!
C’est ce qu’a conseillé sa mutuelle à une amie fraîchement retraitée. Alors je suis ce conseil, du verbe suivre mais aussi du verbe être.
Je passe de longs moments dans l’atelier pour préparer mon installation LA VOIE DE L’ARBRE la semaine prochaine à Saran, près d’Orléans. Mais aussi pour chercher où est le coin des yeux, poursuivre les chemins de l’esperluette, faire sourire un Roi fragile… En témoignent les images n°1 et 2 ci-dessous.
J’ai découvert un merveilleux peintre et céramiste chinois Chen Jialang dans le magnifique Couvent des Cordeliers (image n°4). Je suis allé deux fois voir l’expo Brancusi au Centre Pompidou, écho différent et renouvelé de celle vue en 1994 dans ce même lieu. Toujours aussi puissant ! J’ai fait la queue pour attraper les dernières places disponibles du Théâtre de la Ville pour voir et ressentir Sweet Mambo, ultime chorégraphie de Pina Bausch. Avant de filer vers les récentes découvertes archéologiques des Mexicas au Musée du Quai Branly.
Quelques baumes de beauté pour pouvoir dire « je vais bien » alors qu’il m’est spontanément difficile de formuler ces paroles aux sons tonitruants des échos du monde. Et aux quelques murmures partagés, il semble bien que nous sommes plus que nombreux dans cette extrême mélasse…
La religion, ça sert d’os…
Comme tous les ans à la fin du mois de mai se déroule Manifestampe, événement européen mais aussi heureupéen pour célébrer l’estampe. L’estampe, au sens large, c’est une œuvre de création obtenue par impression d’une matrice. On peut y inclure la lithographie ou la sérigraphie. Au sens plus strict, c’est le résultat de l’impression d’une gravure. L’acmé de cette Manifestampe est la journée du 26 mai. La Galerie du Génie de la Bastille y participe cette année et organise du 21 au 26 mai l’exposition de 18 artistes. J’y présenterai pour ma part 12 gravures inspirées du Dao De Jing, réalisées en 2010 dont vous pouvez voir deux tirages dans l’image n°3 de cette chronique. Pour toute info : https://legeniedelabastille.com/exposition/le-genie-de-lestampe-2024/
J’y serai pour le vernissage le mardi 21, pour le finissage le dimanche 26. Et pour deux permanences les jeudi 23 et vendredi 24 de 14 à 17h. Ou sur rendez-vous si vous me prévenez.
« Augmenter le goût de la vie » Belle phrase de Bernard Pivot citée par Jérôme Garcin. « On n’a pas perdu un ami, il nous a été prêté, on l’a rendu ». Entendu cette phrase d’Épictète dans les hommages à Paul Auster. Parti, il nous laisse l’éternité de ses livres que j’aime.
Dans la catégorisation des films, Il y a ce qu’on appelle les films grand public. Existe-t-il des films petit public ? Il y a aussi des films « jeune public ». Imaginerait-on marketter des films « vieux public » ? En mesurant la chance que j’ai dans une ville comme Paris de disposer à loisir d’une offre abondante de cinéma, je me faisais ces réflexions en pensant à toutes ces toiles que j’aime citer dans les lignes de cette lettre qui ne verront peut être jamais la lueur d’une salle obscure et d’un écran géant. Mais je continuerai à citer ces « petits » films pour, qui sait, les mettre en mémoire et leur donner une autre chance dans la grande lessiveuse de la reproduction des images.
Il en est ainsi pour le film O corno, une histoire de femmes réalisée par une femme, Jaione Camborda, à la frontière de l’Espagne et du Portugal au début des année 70 où dictaturaient encore Franco et Salazar.
Et aussi pour Dieu est une femme… Joli titre pour un beau documentaire d’Andrés Peyrot qui a retrouvé un film tourné (et perdu) en 1975 par un autre documentariste Pierre-Dominique Gaisseau sur les indiens Kunas de la région du Panama et qui retourne 50 ans plus tard leur présenter ce film retrouvé.
Mais les voies du cinéma sont parfois sibyllines et c’est une amie de Bretagne qui m’a signalé un film qui avait échappé à ma curiosité cinéphile et qui ne jouait plus que dans une salle de la capitale. C’est un trésor et ne le ratez pas si vous êtes dans ses parages : c’est Smoke Sauna Sisterhood que l’on peut traduire par La sororité d’un sauna à fumée, de l’Estonienne Anna Hints. Elle a filmé pendant sept ans les rencontres, paroles, gestes, silences et lumières d’une dizaine de femmes qui se retrouvent dans un sauna à fumée, cabane rustique au fond des bois et au fil des saisons. Un bijou et un bisou pour le cœur et les yeux.
Dans les autres films du mois, j’ai aimé Le Mal n’existe pas, Borgo, Un jeune Chaman, L’Échappée, Le Tableau Volé et le film de et avec Vigo Mortensen, Jusqu’au bout du monde.
«Peu importe si on est pour ou contre l’émancipation des femmes. La science montre que c’est quelque chose de bénéfique pour toute l’humanité» C’est Henry Gee, figure de la revue «Nature» et paléontologue de l’émancipation des femmes qui le dit dans son livre Une (très) brève histoire de la vie sur Terre.
Dans les lectures de ce printemps de pluie, renouer encore avec Guy Goffette dont je vous vantais la poésie dans ma chronique d’avril, avec cette fois Verlaine d’ardoise et de pluie. Une biographie originale, sublimée par les mots de cet exquis poète belge.
Je me suis replongé avec bonheur dans les derniers épisodes des aventures de Philémon, saga BD de Fred qui se passe sur les îles-lettres de l’océan Atlantique. Ça date des années 90 mais a fort bien vieilli. Plus récents sont les albums de l’immense Jean Marc Rochette. J’ai adoré et offert à mon petit neveu La Dernière Reine et là me suis régalé avec son autobiographie Ailefroide Altitude 3954.
Pour finir cette chronique de mai, j’écoute Dimanche, soyeux album aux swings parfumés d’une jeune autrice interprète, Emma Peters.
C’est le mantra d’Émilien Long dont je vous ai vanté dans les nouv’ailes de mars, les aventures présidentielles, utopiques et disruptives, racontées par la plume anonyme d’Hadrien Klent. C’est aussi le tire du livre qui fait suite et qui est toujours aussi réconfortant et jubilatoire en ces temps où l’épaisseur de l’actualité nous fait oublier que l’on a tous un palais dans la bouche et qu’il pourrait en sortir de beaux mots et des phrases riantes. Mais ils et elles restent égorgées dans les affres aphteuses de la consternation et du silence incrédule.
Pour faire suite à cet éloge contemporain du Droit à la Paresse, je vous livre cette citation entendue dans la bouche de Lydie Salvayre parlant de son récent livre, Depuis toujours nous aimons les dimanches : « j’ai la rage contre ceux qui ont pognon sur rue ».
J’écris ces lignes au moment où la lune se sait nouvelle à 20H22 GMT et fait éclipse au soleil, visible entre Mexique et Canada. Pour mémoire ce phénomène qui ne se reproduira qu’en 2044 n’est en rien une catastrophe naturelle, mais un moment sublime de rencontre entre les astres du jour et de la nuit, que la pauvreté des pixels de mon écran peine à rendre en direct via Youtube depuis Cleveland ou Indianapolis…
Qu’est-ce « voir à l’œil nu » ? Cette question m’est venue à l’esprit en écoutant à la radio Estelle Zhong Mengual, érudite historienne de l’art qui, dans son livre Apprendre à voir, questionne notre perception du vivant, la nourrit du regard des peintres et naturalistes du XIXème siècle et nous invite à métamorphoser nos habitudes d’attention que nous portons sur le vivant du monde. Pour réinventer la nudité de notre œil à l’éclat du premier regard.
C’est ce à quoi je m’entraîne très modestement dans les fourmillements printaniers de l’atelier. Faire sans autre projet que créer, se laisser porter par la sédimentation des formes et des couleurs, se perdre dans l’errance des pinceaux pour saisir la pièce du puzzle qui vient clore l’achèvement de la gestation du tableau. Que de rencontres, de douces collisions dans le labyrinthe de l’espace atelier. C’est cela, l’énergie de ce printemps : s’atteler à l’atelier. C’est aussi pour absorber la rafale de réponses négatives aux appels à projets : trois en deux jours, la semaine dernière. Oupsss ! Heureusement était venue pendant l’accrochage de l’expo du Printemps des Poètes la bonne nouvelle de LA VOIE DE L’ARBRE que je vous glisse dans l’image n°1 de ces nouv’ailes.
J’aime à songer arrondir mes faims de moi.
Il a écrit « Elle, par bonheur et toujours nue » à propos de Marthe Bonnard, femme de Pierre. Et aussi Un été autour du cou. Et tous ceux qu’il reste à découvrir. Des textes éminemment poétiques qui ont enchanté ma joie de lire. Il s’appelle Guy Goffette, fut enseignant, romancier, libraire, éditeur, mais avant et par dessus tout poète. Il vient de quitter son Ardenne natale pour les larges horizons de l’éternité, là où régne le Roi Lire et ses nombreux pages. Puissiez-vous y puiser racines d’un doux et tendre art-scellement.
Une seule petite voix, c’est avec cet infime écart que l’Assemblée Nationale a voté le démantèlement de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et sa fusion au sein de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui devrait intervenir hélas, début 2025. Ce projet était depuis longtemps dans les tuyaux du gouvernement et l’unique voix du président pour accélérer la relance du nucléaire. En résumé, c’est l’expert de contrôle technique qui passe sous la coupe du gendarme des centrales. Finis les inspecteurs tatillons qui ne mégotaient pas sur leurs exigences de sécurité et obligèrent EDF à revoir sa copie et les soudures de son EPR et ont ainsi infligé 12 ans de retard à la centrale de Flamanville. Place désormais aux EPR express et vive l’atome pressé et rapide pour irradier notre bel et joyeux avenir. Quant à nos voix…
Qi. En occident, ça signifie Quotient intellectuel. Dans la Chine ancienne, c’est le souffle, l’énergie. Cherchez l’erreur !
Après avoir vu Une famille, film de Christine Angot, j’ai lu Le voyage dans l’Est. Vertige indicible de l’inceste.
Belle est la musique des mots de Cécile Coulon dans La langue des choses cachées. La mère a charge de guérisseuse, le fils celle de sa succession et du soin des secrets enfouis. Dense et mystérieux comme une campagne profonde..
Autre langue, belle, foisonnante, baroque et imagée. Celle du portugais Antonio Lobo Antunes dans Le cul de Judas, si j’ose m’exprimer ainsi. Conversation entre un homme qui conte à une femme dans un bar de Lisbonne son expérience de médecin en Angola dans une guerre sale et oubliée. Flamboyant.
Si vous croisez aux alentours du Musée de l’Homme avant le 20 mai prochain, allez voir la superbe exposition Préhistomania qui présente à nos yeux d’aujourd’hui un large panorama des relevés et autres croquis cueillis depuis le XIXème siècle sur les parois des grottes du monde entier. Vous y apprendrez que rupestre concerne les grottes et pariétal les abris. Mais surtout vous y verrez que le dessin et l’art n’ont aucun âge si ce n’est celui de l’enfance de l’humanité et de la notre.
Sidonie au Japon
Apollonia Apollonia
La Nouvelle Femme
Scandaleusement Votre
Los Delicuentes
Les Rois de la Piste
Ainsi marche l’escalier de cinéma où j’ai déambulé pendant l’éclosion du printemps.
Sous les feux de sa rampe, l’œil réjoui s’est habillé d’images.
Il a reçu le prix Nobel d’économie, propose la semaine de 15 heures, revendique le droit à la paresse pour tous et se présente à l’élection présidentielle de … 2022 ! Ce n’est pas un canular mais le contenu authentique d’un savoureux roman d’Hadrien Klent – Paresse pour Tous – paru au Éditions Le Tripode. Sous le pseudonyme de cet auteur qui tient à garder son identité secrète se cache un écrivain fin connaisseur des rouages de la politique, de l’économie et des enjeux cruciaux de notre moderne monde. Si vous en avez assez des ritournelles moroses de l’actualité, lisez ce livre salutaire. Et grand merci à l’amie Laurence qui m’a fait découvrir cette pépite indispensable. J’entame demain la lecture de la suite qui s’appelle La vie est à nous…
J’écris ces lignes ce vendredi 8 mars, encore tout ému de la Marseillaise transformée et interprétée par Catherine Ringer lors de la cérémonie du scellement du Droit à l’IVG… où « une loi pure dans la constitution » a remplacé le sang impur abreuvant nos sillons. Bravo et respect Madame Rita Mitsouko ! Ce fil d’émotion m’a relié à d’autres cérémonies, celle de l’hommage à Robert Badinter lors de ses obsèques et à L’Affiche Rouge d’Aragon chantée par Arthur Teboul du groupe Feu! Chatterton lors de l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian et de leurs 23 camarades résistants fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien. Il aura fallu 80 ans…
La formule « Me Too » qui remue profondément notre société – et c’est tant mieux – a remplacé celle plus controversée de « Balance ton porc », qui il est vrai n’était pas très gentille pour nos amis les suidés.
Toiles et toiles furent le programme de l’atelier en cette fin d’hiver. Les toiles de couleurs qui essaiment en multiples directions et me reconnectent à un optimisme créatif et coloré qui enfouit le doute dans la liberté du faire et la lumière du jaune. Venez en partager quelques effluves la semaine prochaine, comme chaque année je participe au Printemps des Poètes et à l’exposition qui se tient à la Galerie du Génie la semaine prochaine du 12 au 18 mars. J’y serai le mercredi 13 de 14 à 17h et le vendredi 15 de 17 à 20h. Ou à votre guise si vous me prévenez.
Pour sortir de l’odeur de la térébenthine et des bulles méditatives et silencieuses sous la verrière, quelques toiles d’écrans au premier rang desquelles Le Successeur de Xavier Legrand dont j’avais déjà beaucoup aimé Jusqu’à la Garde en 2017. Vivement recommandé jusqu’à la dernière image !
Aujourd’hui plus de 6000 personnes vivent dans le monde grâce à un homme, Nicolas Winton dont l’histoire est retracée dans le film de James Hawes intitulé Une Vie. Ce sont les descendants des 669 enfants juifs que ce banquier londonien, de passage à Prague en 1938 a sauvé en organisant leur évacuation par convois ferroviaires. Une histoire trop peu connue que ce film a le mérite de mettre en nos mémoires.
Green Border d’Agnieszka Holland est une plongée incisive dans l’enfer migratoire de la frontière entre Pologne et Bélarus. Insoutenable et nécessaire. Plus douce et plus intime mais néanmoins intense est la tension à l’œuvre dans 20000 espèces d’abeilles, sensible film basque de la réalisatrice Estibaliz Urresola Solaguren qui tisse les doutes, les questions et l’identité d’une petite fille de 8 ans. Et pour clore ce fil de films de mars, Boléro (en français ou Bolero en espagnol) d’Anne Fontaine avec Raphaël Personnaz qui incarne avec brio la vie et l’œuvre de Maurice Ravel. Film qui m’a embarqué et donné envie de relire le roman Ravel de Jean Échenoz.
Mieux vaut faire un test-amant qu’un testament… et une auto-psy plutôt qu’une autopsie.
Le 5 février dernier, Jean Malaurie est parti rejoindre les étoiles de la constellation de la Grande Ourse Polaire. Réécoutez-le parler de son concept de Pensée Première, qui à l’image des Arts que l’on dit Premiers, contient toute la sagesse des peuples originels que l’homme occidental a non seulement oubliée mais s’est fait fort de persécuter pour en éradiquer la présence et la mémoire. Pour se souvenir que, de même qu’un enfant dessine avant de parler, les constellations et les dessins des grottes ornées sont les premiers dessins de l’enfance de l’humanité, et que les lire, c’est relier l’espace au temps et l’invisible à la présence.
En ce lendemain de 8 mars, tous les théâtres du monde devraient mettre à l’affiche Lysistrata, pièce d’Aristophane écrite en 411 avant notre ère. Lysistrata, littéralement « celle qui licencie l’armée » , est une belle athénienne qui incite, pendant la guerre entre Athènes et Sparte toutes les femmes de Grèce à faire la grève du sexe pour ramener les hommes à la raison et à cesser les combats.
Aujourd’hui Lysistrata pourrait s’appeler Ioulia Navalnaïa. Émilien Long lui apporterait tout son soutien. À partager avec les femmes d’Iran, celles d’Afghanistan, les enfants de Gaza… et toute l’espérance du printemps.
« Vous avez déposé un dossier de candidature (…) à l’Académie de France à Rome – Villa Médicis pour l’année 2024-2025. Malgré la qualité de votre dossier, nous avons le regret de vous informer qu’il n’a pas été possible de le retenir. »
Le mail vient de tomber, mettant fin à trois mois de rêves alternés d’illusions d’un séjour romain.
Au mitan des années 80, tout jeune peintre débarqué du Québec, j’habitais une chambre de bonne au sixième étage du 111 rue de Rome dans le quartier des Batignolles (voir image n°5). Comme il est dit que tous les chemins mènent à la ville éternelle, j’y vis un encouragement naïf à postuler à la célèbre académie. Ce que je fis une fois mais ne pus réitérer ayant alors dépassé la limite d’âge. Quand l’automne dernier, je reçus l’appel à candidature ne comportant plus cette fois une telle limite, une envie un peu folle me fit remettre sur le métier à créer un projet rassemblant deux de mes thèmes de prédilection favoris : à savoir LE PREMIER ŒUF, hommage aux nombre d’humains passés sur Terre depuis son origine et L’AIRE HUMAINE, le territoire symbolique pouvant être alloué aujourd’hui à chaque individu de notre planète. Pour mémoire cette surface était de 2,7 hectares en l’an 2000 et aujourd’hui où nous venons de dépasser les 8 milliards, elle est d’à peine 2 hectares. Avec en parallèles, études et recherches sur la diversité des mythes et cosmogonies des civilisations humaines….
Pourquoi le taire ? Une année romaine aurait été un beau cadeau et un fort coup de booster pour moi qui suis depuis quelques jours ex fan des sixties…
Pour me remettre de cette déception, je suis allé chercher quelques livres à la médiathèque de mon quartier. Je tombe sur Yoga d’Emmanuel Carrère, sorti en 2020. Au début de ce roman, l’auteur part faire une retraite dans un centre d’apprentissage de méditation Vipassana, là même où je suis allé faire une retraite de dix jours il y a trente ans. Lire ce début m’a replongé dans cet univers méditatif et m’a bien aidé à atténuer les échos déceptifs de cette candidature.
Mais basta et avanti, comme on dit là-bas !!!
J’apaise les questions qui moulinent dans mes pinceaux et dans les lourds remugles de l’actualité en faisant chanter les tubes de couleurs et les papiers de soie qui cherchent toujours la joie de soi. Créer de l’attention sans prétention, de la tension sans intention. Pas d’enjeu dans ce jeu. Travailler la douceur qui dure, taire la frustration de la reconnaissance, ouïr le silence recueilli de chaque jour qui se créée, garder en pause l’envie d’exposer…
Je continue aussi à répondre à quelques appels à projets… Celui de L’Art dans le pré, près de Troyes, plutôt bien rémunéré, offrait une dizaine de sites d’installation. J’y ai proposé, sans succès, deux projets. Les organisateurs en ont reçu … 387! J’ai comme l’intuition que vu la conjoncture économico-culturelle, le manque de ventes dans les lieux autres que les grandes galeries et autres institutions, l’état de la commande publique en France, de plus en plus d’artistes se tournent vers le domaine du land art et des installations in situ, des sentiers artistiques et autres parcours culturels pour privilégier le contact direct avec le public et les associations qui se battent pour faire vivre l’art dans un terreau humain et accessible… Amis artistes qui me lisez, qu’en pensez vous ?
Ça m’énerve, les voix qui glosent sur « il est où le monde d’après ? ». Comme s’il pouvait advenir d’un claquement de loi, comme s’il était trop facile de se cacher derrière le petit moi de cette question pour ne pas le laisser advenir, ni lui accorder une once de regard et un brin d’espoir.
Lundi 29 janvier, 18H09, ligne 9 du métro, station Charonne. Un couple d’origine tamoule est assis sur les strapontins. Elle prend discrètement la main de son compagnon et la glisse sous son manteau « Tu le sens? il bouge » … Nos regards se croisent dans un sourire complice. Je murmure: « c’est beau »…. Je dédie avec ferveur la beauté de ce sourire à toutes celles et ceux qui vont subir la loi inique contre l’immigration votée en décembre dernier avec les voix de l’extrême droite. Dire qu’on pensait avoir fait barrage !!!
31 janvier, émission La Terre au Carré sur France Inter: « La forêt n’est en rien vierge, c’est avant tout un jardin » a dit Philippe Descola cité dans une interview des ethnologues Stefen Rostain et Antoine Dorison. À l’aide du LIDAR, sorte de sonar aérien capable de voir sous la canopée, ils ont découvert des traces ancestrales de cités-jardins au cœur de la forêt amazonienne communément appelée aussi forêt vierge. Qui a bien pu inventé une telle expression ? Quelques brutes colonisatrices pour mieux la violer ?
« Nous ne sommes pas au monde, nous sommes du monde » a dit Hannah Arendt.
Outre Yoga, j’ai lu ce mois-ci Service Action : Sauvez Zelensky, court roman de politique fiction sur les dessous de l’agression russe en Ukraine, écrit par Viktor K, auteur visiblement bien au fait des arcanes du monde de l’espionnage.
Et pour plus de douceur et de belle langue, le roman de Nina Bouraoui Tous les hommes désirent naturellement savoir
qui est aussi la première phrase de la Métaphysique d’Aristote. Un beau roman sur le désir, l’homosexualité, l’Algérie, la mémoire. Mémoire aussi, mais plus espagnole dans le premier roman de la chanteuse Olivia Ruiz au joli titre La commode aux tiroirs de couleurs.
Dans les films à voir à mon goût de ce début d’année, il y a Un Silence, Captives, L’Homme d’Argile et hier soir La Bête de Bertrand Bonello. J’avais un peu de réticence pour voir Bonnard, Pierre et Marthe aux allures de biopic, mais comme tout ce qui touche à Bonnard m’est cher, j’y suis allé et n’ai pas boudé mon plaisir à ce qui n’est pas un grand film mais une honnête évocation de la vie de mon peintre préféré qui disait vouloir « se présenter devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec des ailes de papillons ».
Je ne suis plus un jeune peintre mais vous souhaite encore et toujours un regard de papillon sur les ailes du monde. Il en a besoin.