AiNIN.
C’est l’acronyme d’une association (Artists in Nature International Network, www.artinnature.org) à laquelle j’appartiens depuis plus d’une vingtaine d’années et qui me permet entre autres ressources, de recevoir régulièrement des appels à projets et à résidences en Europe et « all over the world ». Elle rassemble à travers le monde des artistes qui interviennent dans le paysage. Ce qui est finalement une assez bonne définition de cette pratique que l’on nomme land art et qui met les œuvres directement au contact de Dame Nature et de ses habitants. Une fois sur deux l’Assemblée Générale annuelle se tient en visio mais cette année elle avait lieu près de Maastricht, dans cet endroit d’Europe où se côtoient Allemagne, Hollande et Belgique. Pendant une petite semaine, une dizaine d’artistes venus de ces trois contrées se sont réunis dans un joli gite, à Vaals près d’Aix La Chapelle, avec comme terrain de jeux créatifs un beau verger plein de pommes, de poires et ….de pluies. J’étais venu avec quelques œufs accompagnés de plumes et ai produit ces installations éphémères que vous pouvez voir dans les photos jointes. Dans les prochaines nouv’ailes je vous présenterai les œuvres de mes collègues artistes.
Cette belle semaine fut aussi l’occasion d’aller saluer LA ROUE DU TEMPS que je n’avais pas vue depuis son installation en décembre 2020 et qui me charma d’un bref rayon de soleil lors de ce passage furtif. La rouille a suivi le cours du temps et lui a donné une belle patine ocre sur sa verte prairie. Je remercie chaque jour les dieux de l’insouciance de m’avoir permis d’oser ce projet fou et les cieux belges de Bioul, près de Namur d’avoir accueilli ce calendrier des saisons incarné dans cet acier de sculpture. C’est elle qui me permet aujourd’hui, en ces temps de vaches étiques et de maigres projets, de ne pas trébucher à la relative raréfaction des espèces sonnantes. La Roue du Temps (qui passe) est un ironique clin d’œil en forme de complément de retraite !
Vu en septembre sur Arte un étonnant documentaire intitulé « Tukdam: méditer jusqu’à la mort ». Tukdam est un mot tibétain qui décrit l’état d’un grand méditant dont le corps reste chaud pendant quelques jours après sa mort. Comme si le corps continuait sans altération de méditer après le décès. Sur les conseils du dalai-lama, un neuro-scientifique américain Richard Davidson a étudié plusieurs de ces cas, mais il semble que les capacités physiques des instruments permettant d’étudier ce phénomène ne soient pas assez fines pour en déceler les traces dans l’absence d’activité cérébrale. Question: où est la conscience de ce méditant dans ce moment de Tukdam ?
Quoi qu’il en soit de ce mystère, dans ce temps du monde qui fait rimer guerres avec misère, n’oubliez pas que « l’opportunité de la beauté est présente à tout instant » a dit une voix sur les ondes radio.
C’est un mantra à répéter sans cesse pour être sûr qu’il ne « mentera » pas. Ou à apprendre «par cœur». C’est étrange le sens trouble qu’a pris cette expression. Si l’on a appris « par cœur », c’est que l’on est capable de réciter sans lire, de mémoire. Le cœur serait-il le siège de la mémoire ?
La mienne s’est réactivée à la lecture d’un autre livre de Jeanne Bénameur dont je vous ai parlé avec enthousiasme dans ma précédente chronique. Il s’agissait de La patience des traces, (décidément un très beau titre), et là il est question de Ceux qui partent, roman à la construction magistrale et à la langue infiniment sensible, qui gravite au cœur des personnages et aux alentours d’Ellis Island, là où arrivent les émigrants en quête d’Amérique. Un livre comme si on lisait ses lignes à l’intérieur de soi. Émerveillant ! Alors m’est revenu en mémoire un souvenir, qui en vrai n’en est jamais parti, celui de la pleine lune venant se coucher dans l’aube matinale new-yorkaise sous le bras levé de la Statue de la Liberté. Je vous le partage avec plaisir dans la septième image de cette lettre.
Les hasards des lectures sont parfois étonnants: depuis plusieurs mois, je voulais lire Le Gang des Rêves de Luca di Fulvio, mais il n’était pas disponible à la médiathèque. Il le devint à cette rentrée et je le lis à la suite de Ceux qui partent. Il m’emmène avec une italienne de quinze ans qui débarque avec son fils dans le New York des années 20, un peu plus loin que Ellis Island, dans le Lower East Side, à la pointe sud-est de Manhattan… De la suite dans la lecture !
Dans la lumière des salles obscures j’ai vu deux fois Emilia Perez (chef-d’œuvre) et intensément les saveurs iraniennes des Graines du Figuier Sauvage et de Tatami. Vu aussi le très beau Viet and Nam et l’époustouflant Léopard des Neiges du regretté cinéaste tibétain Pema Tseden, décédé l’an passé quatre mois avant la première de ce film. C’est un cinéaste que j’aime beaucoup qui cherchait à montrer les complexités de la vie moderne dans son pays natal. Autant le film de Vincent Muniez cherchait à capter cet animal furtif en milieu sauvage (panthère et léopard sont faits de la même neige) autant celui-ci le montre sous différents angles, et même avec son petit, puisque tourné dans la réserve naturelle des Sources des trois rivières, là où naissent sur le plateau tibétain les trois grands fleuves chinois. Somptueuses images !
Et pour clore ce fil des toiles, le fort justement récompensé du Grand Prix à Cannes, All you imagine as light de la cinéaste Payal Kapadia qui porte un regard sensible et puissant sur trois femmes indiennes, ouvrant les yeux à une vision originale de la complexe réalité de l’Inde d’aujourd’hui.
Je borde par cœur les écoutes d’Octobre
Les voiles au creux des landes d’automne
Et la moire des feuilles sur le bout de la langue
Do 91024
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