Désorienté.
Pourquoi la langue française ne connaît pas le mot « désoccidenté » pour dire le désarroi de l’époque ? Parce que c’est à l’Est que se lève le soleil ? Au moment où j’écris ces lignes, un acteur cite à la radio une phrase de Samuel Beckett « Les mots sont des trous dans le silence ». Que dire de plus quand l’écho des explosions près du Stade de France à deux pas de mon atelier résonne encore à mes oreilles… Dévasté. Démonté. Dépité. Déprimé. Démuni. Mais Déterminé. Je n’ai rien changé à mes habitudes, je continue à sortir pour rester vivant, pour rester debout. Mais je me suis assis à chaudes larmes lorsque avant l’énumération des noms et âges des victimes pendant la cérémonie des Invalides, Yaël Naïm, Camilla Jordana et Nolwenn Leroy ont chanté « Quand on a que l’amour » et Nathalie Dessay « Perlimpinpin » de Barbara « pour retrouver le goût de vivre / le goût de l’eau, le goût du pain / et celui du Perlimpinpin / dans le square des Batignolles ».
Alors continuer à peindre, à créer pour résister, pour dire la vie. Et penser aussi aux victimes à Beyrouth, Ankara, Bamako, Londres ou San Bernardino… Bannir de ses neurones tout ce qui fait de l’étranger un bouc émissaire et ressasser comme un mantra trop vite oublié cette phrase de Romain Gary : « le patriotisme c’est l’amour des siens, le nationalisme c’est la haine des autres »…
Pas d’autres commentaires entre les deux tours des élections régionales que cette anagramme attrapé au détour d’une conversation radiophonique : MARINE LE PEN = AMENE LE PIRE.
« La vraie provocation aujourd’hui c’est de faire ressortir la douceur, la poésie qui est en nous, face à la violence et la vitesse du monde. » Bartabas, parlant de son cheval Le Caravage, merveilleusement filmé par Alain Cavalier dont je vous ai déjà dit grand bien dans la précédente Nouv’Aile.
Sur les 150 chefs d’état qui étaient à l’ouverture de la COP 21, une dizaine de femmes seulement… Comme disait Boris Vian « y’a quelqu’ chose qui cloche là d’dans… » ! Pendant ce temps-là, l’alerte rouge à la pollution est déclenchée à Pékin. « Alerte rouge à Pékin ! », le petit livre du président Mao doit se retourner dans son mausolée.
Doit-on dire « des si beaux décibels » ou « des si belles décibels » ?
Dans le cadre du prix de l’appel à projet lancé par l’ANDRA pour « imaginer la mémoire des sites de stockage de déchets radioactifs pour les générations futures », j’ai visité fin novembre, avec la dizaine d’artistes nommés, le laboratoire souterrain à Bure dans la Meuse. Huit minutes d’ascenseur pour descendre à 500 m sous terre au cœur de la couche d’argile qui devrait, si le projet est voté en 2017, accueillir en 2030 et pour quelques siècles les premiers déchets hautement radioactifs. Sous forme de containers d’inox noyés dans des blocs de béton. En remontant de ces galeries d’études, véritable royaume de la techno-science, une impression mitigée et contradictoire domine : les déchets sont une réalité et c’est plutôt réconfortant que leur enfouissement soit géré par un organisme indépendant des producteurs de déchets. Mais effrayant de penser que ce projet est à horizon 300 ans et que ce n’est vraiment pas un cadeau que nous laissons aux générations à venir.
Pourquoi empire, ça rime avec vampire ?
Carpe diem (quam minimum credula postero) : Cueille le jour présent (sans te soucier du lendemain). Cette sentence qu’il est parfois difficile de mettre en acte en cette période vient d’un vers du poète romain dans ses Odes à Leuconoé écrites en 22 avant JC.
Le pluriel de coucou, c’est couscous ?
Au cinéma ce mois-ci vous pouviez choisir entre Les Suffragettes, Les Anarchistes ou Les Cow-boys, de Thomas Bidegain. Avec, en écho avec l’actualité, une nette préférence pour ce dernier qui conte sur une vingtaine d’années les dégâts que provoque le départ d’une adolescente vers les rivages délétères de l’islamisme.
À voir aussi La peau de Bax, thriller hollandais décalé et jouissif d’Alex van Warmerdam, 21 nuits avec Pattie des Frères Larrieu et le magistral Mia Madre de Nanni Moretti. Et si vous aimez les OFNI, objet filmique non identifié, allez voir « Maesta, la passion du Christ » d’Andy Guérif, plan fixe d’1h10, tourné en 7 ans et inspiré par une peinture religieuse du début du XIVe siècle de Duccio di Buoninsegna. Dans les cases de l’écran qui deviennent les bulles d’une BD animée, les acteurs font vivre les derniers jours du Christ en passant de l’une à l’autre.
J’aime faire de ce billet mensuel un moment d’humour, de poésie, d’art, un modeste espace de vie et de partage. Un lien ténu dans la continuité du temps, le vol périodique d’un oiseau de passage, un neuf tendu vers un nouveau à sans cesse (ré)inventer. Puis-je vous avouer ce soir que mon optimisme naturel a pris un coup dans les (nouv)ailes. Et pourtant il le faut : continuer à voler en restant debout, semer des graines d’orient dans l’horizon du monde et garder serrer les poings cardinaux.
Prenez soin de vous et dîtes « je t’aime » à qui vous aimez.
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