DES NOUV’AILES DU NEUF N°55

8 octobre 2014 § 0 commentaire

Des corps d’été.

Le corps d’Huguette, la marmotte qui guette le U de l’Ubaye pendant que ses marmottons bayent aux corneilles des sommets. (Ils ne connaîtront jamais le musée Marmottan où il y avait au début de l’été, une belle exposition des impressionnistes en collection privée).

Le corps de cette dame « d’un certain âge », croisée sur les chemins des Cévennes en 1972 lors de ma première randonnée dans cette belle région que j’aime. J’ai souvent repensé à cette femme qui cheminait solitaire quand la randonnée n’était pas encore en vogue. Elle est morte aujourd’hui mais son empreinte demeure vive, elle qui m’a inoculé dans cette brève rencontre, la liberté de marcher. Car marcher met l’esprit hors les lois du marché. Car marchant, on se trouve hors d’atteinte des marchands. Diantre ! Qu’elles étaient bonnes heures ces deux semaines à marcher et camper sur les bords ensoleillées de l’Ubaye, juste après Barcelonnette,à deux pas de l’Italie.

Le corps du virus Ebola qui fera peut-être par sa virulence contre les corps humains, émerger la fraternité comme indispensable remède à tous les maux du monde qui s’en viennent.

Le corps des passagers des avions qui sillonnent le ciel des couloirs aériens de l’Ubaye. Quelques centaines de personnes dorment dans ce minuscule point de lumière qui déroule la nuit dans le ralenti de son clignotant. Les corps des bouquetins rencontrés cet après-midi rêvent-ils à l’Étoile du Berger ?

Le corps des conquistadores de tous poils qui n’en finissent pas de nous faire payer l’addition des délires colonisateurs… La statue de la Liberté était à l’origine conçue pour être implantée au bord du canal de Suez pour symboliser la lumière apportée au monde par l’Occident !
« Le patriotisme, c’est l’amour des siens, le nationalisme c’est la haine des autres » a dit Romain Gary.

Le corps de Patrick, grimpant allègrement en haut de l’échelle de six mètres pour finaliser l’accrochage d’Une Infinie Auréole sous la voûte de la Chapelle Sainte-Croix de Josselin. Et aussi celui de Daniel qui m’a aidé à enrober les treillis métalliques d’icelle avec les rouleaux de film plastique étirable. Un moment divin – le minimun pour un travail en chapelle ! – où tout s’est déroulé en 24heures avec une fluidité digne de l’anneau de Mœbius. Et sur la route du retour un somptueux concert de Youn Sun Nah au festival de jazz de Vienne. Que vous pourrez (ré)entendre dimanche soir prochain de 22 à 23h sur France Inter. À ne pas rater !

Le corps des maîtres japonais qui sont venus animer stages et Coupe du Monde de Kyudo qui m’ont occupé une grande partie du mois de juillet et l’ont fait rimer avec joyeux.
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Le corps de Sélène, jeune élève de danse indienne qui, à 11ans danse déjà avec du soleil sur la plante des pieds sous le regard de Maya, sa professeure.

Le corps de Chevrotine, héroïne du dernier Roman d’Éric Fotorino, ancien directeur du journal Le Monde et par ailleurs excellent romancier. C’est lui aussi qui a lancé au printemps dernier un très bon journal, hebdomadaire, Le UN, fait d’une seule feuille qui se déplie et qui traite d’une unique sujet à travers divers points de vue, chroniques ou nouvelles. Je vous assure que ça repose du flot médiatique qui se déverse en continu dans nos yeux et oreilles. Flot qu’il fut délicieux de fuir le temps de l’été entre Ukraine, Syrie et Gaza mais que le retour à la ville immanquablement reconnecte aux bruits assourdissants du monde. Et donne l’envie de crier « Merci pour ce moment… de silence ! » Les numéros de cet été nous ont emmené dans six villes de la Méditerranée (Istanbul, Athènes, Naples, Barcelone, Tanger et Le Caire). Dans le numéro de la semaine dernière (il paraît le mercredi et coûte 2,80€), un très bon dossier et puits de réflexion sur « La Gauche trahit-elle la Gauche ?  » avec notamment une évocation des affrontements Jaurès /Clemenceau il y a un siècle. De quoi prendre UN peu de distance…

Les corps de jeunes évangélistes psalmodiant cantiques et autres incantations dans la nuit de lune montante de la Cathédrale de Maguelonne, entre Sète et Montpellier. Ferveurs de transes ou illuminations nocturnes ? J’ai préféré le bain de nuit dans la soyeuse brise chaude des vagues salées…

Le corps d’André Markowicz, poète et traducteur de Dostoïevski, interrogé à la radio sur le conflit du Proche-Orient, scotchant la journaliste qui l’interviewe en lui racontant cette histoire drôle : « C’est l’histoire d’un juif qui rencontre un autre arabe… ». Que j’ai aimé le silence blanc qui a suivi cette phrase…

Le corps de Pinocchio allongeant son grand nez dessiné sur les pentes du Mercantour par la route du Col de la Bonette, vendue comme « la route la plus haute d’Europe, 2800m ». Cyclistes et camping cars garantis !

Le corps des enfants jouant dans la houle d’une mer de boules plastiques en visitant « Le voyage à Nantes » sur les rives de l’île Beaulieu.

Le corps d’une cigale venue s’échouer dans un évier des Alpilles. Je croyais morte, elle s’avéra encore en vie et s’envola quelques instants après que je l’ai mise sur une souche d’arbre. Mais l’été s’en allait quand même vers son terme.

Vous trouverez trace de ces décors d’été dans les photos jumelées de ces Nouv’ailes. Vous pouvez assaisonner avec le beau voyage de « Winter Sleep », palme d’or à Cannes et aussi « Métamorphoses » de Christophe Honoré, belle œuvre originale qui donne envie de se plonger aux sources d’Ovide.

Pour les décors d’automne, deux rendez vous :
Du 20 au 28 septembre, dans les allées du square Maurice Gardette, dans le 11ème arrondissement de Paris, j’aurai plaisir à vous accueillir sous « La racine carrée de l’arc en ciel ». Puis du 2 au 12 octobre, à la Galerie du Génie, rue de Charonne, dans le même arrondissement, pour « La peinture sur son 31 », première exposition personnelle à Paris depuis 17 ans qui est aussi une mémoire de ma première expo à Montréal, il y a 31 ans.
La nuit est pleine de lune. Et la lune pleine de lumière. On dirait un corps céleste…

do 9914

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