Nouv’ailes du 9 octobre 2025
Attention !
Celle que l’on crie pour alerter et celle que l’on porte pour atteindre… L’attention à soi et l’attention à l’autre. Et si elle venait aussi, à l’image des ressources naturelles de la planète, à manquer ?
C’est un dimanche midi dans le métro qui m’emmène voir Un simple accident de Jafar Panahi, palme d’or du festival de Cannes 2024. «Quelle passoire utiliser pour tamiser la lumière ?» Telle est l’idée loufoque qui me traverse l’esprit en lisant Le feu des solitudes charnelles, court texte de Yannick Haenel sur les nus de Pierre Bonnard et la lumière des couleurs qui les irradie. Au même moment une femme d’origine asiatique court sur le quai et se jette dans les bras de son amoureux qui l’attend sur le quai et littéralement l’embrasse avec fougue et ferveur. L’image est belle comme la joie de ces retrouvailles. Sur le siège en face de moi, une jeune femme d’origine africaine, peut-être éthiopienne, a elle aussi capté la scène et les regards que nous échangeons avec sourire s’illuminent de la joie du quai et la complicité du partage. Ceux qui avaient leurs yeux rivés à leur écrans n’ont rien vu, n’y ont pas fait… attention.
Quels sont les effets des faits des fées ?
Une amie encore en chimiothérapie s’est surprise à se rendre compte que sa petite-fille de deux ans et trois mois avait tout à fait calculé que sa grand-mère était malade alors que ses parents s’étaient efforcés de n’en point parler devant elle. Cela m’a donné comme un élan d’espoir en pensant que c’est cette enfant déjà sensible et consciente de son entourage qui dans un avenir plus ou moins proche devra continuer à œuvrer à la réparation du monde bien trop abîmé.
Il parlait de « santé mentale » et moi j’ai entendu « sentimentale ».
Ce matin de 8 octobre était date de mon contrôle mensuel à l’hôpital de Saint-Denis. Tout est correct côté amygdale qui n’est plus là et la tumeur itou. Il reste quelques traces d’effets secondaires de la chimio et des rayons, comme des sortes de fourmis épisodiques dans les pieds aussi appelées neuropathies (ça fait plus savant) et un reste d’otite séreuse qui me fait écho dans l’oreille droite et que je vais traiter avec injection quotidienne de sérum physiologique dans les narines… Eustache, prête moi ta trompe ! Avec les exercices matinaux contre les lombalgies, voilà ce qu’il faut pour entretenir le matériel corporel et fêter le premier anniversaire de l’extraction du crabe.
« Moi, par-dessus tout, c’est la gaieté qui m’en impose ». François Morel a fait son miel de cette phrase de Nicolas Bouvier tiré de L’Usage du Monde dans sa chronique du 27 juin dernier où il évoque la disparition de sa compagne… Si l’automne vous semble un peu tristoune dans les sanglots humides et monotones d’une chute de feuille, allez vous réchauffer aux ondes bienfaisantes de la voix de Maître Morel.
Dans mes précédentes nouv’ailes, j’ai dit que le film Le Règne Animal avait été inspiré par le roman éponyme de Jean -Baptiste del Amo. C’était une erreur, je l’ai vérifiée en lisant cette saga gersoise entre fin du 19ème siècle et les années 80 d’une famille d’éleveurs de porcs. L’écriture est belle, le style puissant et évocateur mais vous ne regarderez plus une tranche de jambon de la même façon !
Dans les boites à livres de l’été, j’ai trouvé un vieux Fred Vargas – L’homme à l’envers – que je n’avais pas lu et ce fut belle saveur que de retrouver l’imprévisible Adamsberg.
Vous n’avez pas lu Clamser à Tataouine de Raphaël Quenard ? Vous avez bien fait.
Le vrai plaisir de cette fin d’été fut Les guerriers de l’hiver d’Olivier Norek qui conte la résistance des finlandais à l’agression soviétique en 1939 et la vie de Simo Häyhä, formidable sniper surnommé La Mort Blanche et devenu symbole légendaire de la détermination de ce grand « petit » peuple face à l’ogre russe. Tout lien avec l’actualité de cette région…
Après l’été de vadrouilles, vinrent les retrouvailles avec les toiles. Celles de l’atelier sont plutôt en ardoises et en devenir et celles des cinémas en abondante diversité. Sur le podium des films que j’ai aimés : Sirat, Dalloway et Valeur sentimentale. Mais aussi Nino, Left hand girl, Rembrandt, Connemara et la palme de Cannes Un simple accident. À part mais indispensable, l’éprouvant mais nécessaire documentaire Put your soul on your hand and walk de l’iranienne Sepideh Farsi. L’écran filmé du téléphone d’une jeune photographe gazaouïe Fatem Hassona qui a échangé par vidéo pendant un an avec la cinéaste et qui a été ciblée et tuée avec toute sa famille le lendemain du jour où elle a su que son film était sélectionné pour Cannes. Soudain la réalité génocidaire de Gaza qui crève crève les murs de cette prison à ciel ouvert et aux murs anéantis.
Alors pour soigner la tristesse des yeux, se ressourcer aux visions profondément humaines que procure l’exposition AMAZONIA au Musée du Quai Branly, visible jusqu’au 18 janvier prochain. Parole est donnée aux peuples autochtones pour raconter de l’intérieur la complexité de cette Amazonie qui s’étend sur 9 pays, qui parle 300 langues et déciller nos yeux occidentaux toujours trop avides d’exotismes. Un voyage exaltant qui prouve s’il en était encore besoin que ce sont bien nous, occidentaux les véritables « sauvages ».
Est-ce que les animistes croient aux esprits ?
Il venait de la côte Est du Brésil, dans la région du Sertao, mais la musique de ce magicien du son a influencé tout le monde du jazz et même au-delà. Hermeto Pascoal nous a quitté le 13 septembre dernier et c’est bien dommage. Les anges musiciens l’ont certainement accueilli avec une belle attention.
Et les amazones aussi.
Do 91025





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