QUOI DE NEUVE ? (26)

10 juin 2024 § 0 commentaire § permalink

« Like ? ».

Je ne suis pas très « like », vous savez, cet émoji en forme de pouce qui vaut approbation, voire acquiescement s’il est haut ou l’inverse s’il est bas. La légende voudrait que ce fut le geste que faisaient les empereurs romains pour gracier ou condamner les gladiateurs dans les jeux du cirque. Que nenni ! Ce geste vient d’un peintre pompier très académique du XIXème siècle, Jean-Léon Gérôme, qui représenta ou plutôt interpréta cette scène dans un tableau – Pollice Verso (pouce vers le bas) – conservé aujourd’hui dans un musée de Phœnix aux États-Unis, lequel tableau fut repris par le cinéma dont Gladiator de Ridley Scott ou par la BD de nos héros gaulois affublé d’un obélisque ou d’une astérisque… Pensez-y si vous aimez ou détestez les jeux du cirque olympique qui vont saturer l’espace public de l’été à venir… Mais peut-être préférerez-vous vous tourner… les pouces !

Les miens ne se tournent pas dans l’atelier : après la belle aventure de La Voie de l’Arbre, toujours visible dans le parc du Château de l’Étang, à Saran, près d’Orléans, je continue à peindre pour me perdre et me trouver, pour dire mon envie de me taire et taire mon envie de dire. J’enfonce mes pinceaux dans l’absurdité de l’actualité pour chercher un poil de beauté dans le manque de spiritualité de la modernité et faire sonner toutes ces rimes en thé avec un bon verre de vin. Vieux lecteur fidèle de Libé, j’avais un peu délaissé la lecture quotidienne qui accompagnait bien souvent mes déplacements métropolitains. Le confinement m’a fait basculé dans la lecture numérique… Époque oblige, je m’y suis adapté et, abonné, j’ai eu la chance d’être tiré au sort pour assister à la conférence de rédaction de mon journal préféré. Moi qui fut il y a quelques décennies localier et journaliste temporaire à Ouest-France à Rezé et à Nantes, ce fut un grand plaisir de voir les coulisses de cette fourmilière parisienne de plus de 200 journalistes qui frôle les cent mille abonnés numériques et que je vous invite à rejoindre et à soutenir, tant le besoin d’une presse libre et indépendante risque de se faire de plus en plus nécessaire dans les temps de nuages à venir.

À la veille d’élections européennes « extrêmement » inquiétantes, les commémorations du débarquement m’ont ramené vingt ans en arrière quand je participai en 2004 au symposium Maitre des Lieux à Saint-Lo. Pour le fun je ne résiste pas au plaisir de vous redonner le lien pour visionner mon installation « Le tour de l’arc en ciel », qui fut comme j’en plaisantais à l’époque l’une des plus belles érections de ma vie mais surtout un hommage géant, multicolore et éphémère aux moulins à prières et aux drapeaux tibétains qui jalonnent les cols et les stupas de ces territoires himalayens. https://www.dodelaunay.com/2004/05/15/tour-arc-en-ciel.html

Et pour ajouter malgré tout, une pointe d’humour à cette période électorale où la guerre et ses menaces, les nationalismes et leurs démagogues de mauvaise foi renvoient aux oubliettes écologie, changement climatique et biodiversité, cette citation d’un des héros du D-Day :

Le mois dernier, j’ai omis de vous parler d’un excellent livre de Denis Lehanne – Le Silence – qui explore les tensions raciales dans la banlieue de Boston au milieu des années 70.

Dans mes lectures de ce mois-ci, il y a Une heure de ferveur, de Muriel Barbery dont j’avais beaucoup aimé, après L’élégance du hérisson, Une rose seule. Ce nouveau roman qui se passe aussi au Japon, en est une suite mais en réalité le précède. Lisez-le pour avoir la solution de ce dédale du temps, plonger dans l’éternité d’un grain de sable d’un jardin zen et vibrer au silence, à l’imaginaire et à la subtile sensibilité de cette romancière.

Un nouvel Indridason est toujours une promesse. Celui-ci, Les parias, la tient magnifiquement. Belle est aussi celle d’Ann Scott dans Les Insolents. Une belle écriture pour le dit d’une musicienne branchée parisienne qui quitte la capitale pour vivre seule dans une isolée maison bretonne. Olivier Liron est un écrivain, autiste Asperger. Sa « romance télévisuelle avec mésanges » s’intitule Einstein, le sexe et moi. Elle n’a aucun rapport avec Einstein, très peu avec le sexe et pas du tout avec moi. C’est son aventure dans le jeu télévisé Questions pour un champion qu’il raconte de l’intérieur de son regard différent.

Dans les films du mois de Cannes, La mémoire éternelle, beau et sensible documentaire chilien et Greenhouse, fiction sud-coréenne tendue pour mettre en parallèle deux regards sur Alzheimer. Et pour réjouir d’autres regards, l’enjoué et jubilatoire Marcello Mio de Christophe Honoré.

C’est le mois de juin, les Nouv’ailes Neuve se mettent en vacance et vous donnent rendez-vous en septembre. Je vous souhaite évidemment un été en forme olympique. Non sans avoir levez un pouce et ouvert grand les bras de Vénus au petit grenoblois Milo, débarqué il y a quelques jours sur notre planète. Welcome !!!

QUOI DE NEUVE ? (25)

9 mai 2024 § 0 commentaire § permalink

Voir de belles choses.

C’est ce qu’a conseillé sa mutuelle à une amie fraîchement retraitée. Alors je suis ce conseil, du verbe suivre mais aussi du verbe être.

Je passe de longs moments dans l’atelier pour préparer mon installation LA VOIE DE L’ARBRE la semaine prochaine à Saran, près d’Orléans. Mais aussi pour chercher où est le coin des yeux, poursuivre les chemins de l’esperluette, faire sourire un Roi fragile… En témoignent les images n°1 et 2 ci-dessous.

J’ai découvert un merveilleux peintre et céramiste chinois Chen Jialang dans le magnifique Couvent des Cordeliers (image n°4). Je suis allé deux fois voir l’expo Brancusi au Centre Pompidou, écho différent et renouvelé de celle vue en 1994 dans ce même lieu. Toujours aussi puissant ! J’ai fait la queue pour attraper les dernières places disponibles du Théâtre de la Ville pour voir et ressentir Sweet Mambo, ultime chorégraphie de Pina Bausch. Avant de filer vers les récentes découvertes archéologiques des Mexicas au Musée du Quai Branly.

Quelques baumes de beauté pour pouvoir dire « je vais bien » alors qu’il m’est spontanément difficile de formuler ces paroles aux sons tonitruants des échos du monde. Et aux quelques murmures partagés, il semble bien que nous sommes plus que nombreux dans cette extrême mélasse…

Comme tous les ans à la fin du mois de mai se déroule Manifestampe, événement européen mais aussi heureupéen pour célébrer l’estampe. L’estampe, au sens large, c’est une œuvre de création obtenue par impression d’une matrice. On peut y inclure la lithographie ou la sérigraphie. Au sens plus strict, c’est le résultat de l’impression d’une gravure. L’acmé de cette Manifestampe est la journée du 26 mai. La Galerie du Génie de la Bastille y participe cette année et organise du 21 au 26 mai l’exposition de 18 artistes. J’y présenterai pour ma part 12 gravures inspirées du Dao De Jing, réalisées en 2010 dont vous pouvez voir deux tirages dans l’image n°3 de cette chronique. Pour toute info : https://legeniedelabastille.com/exposition/le-genie-de-lestampe-2024/

J’y serai pour le vernissage le mardi 21, pour le finissage le dimanche 26. Et pour deux permanences les jeudi 23 et vendredi 24 de 14 à 17h. Ou sur rendez-vous si vous me prévenez.

Dans la catégorisation des films, Il y a ce qu’on appelle les films grand public. Existe-t-il des films petit public ? Il y a aussi des films « jeune public ». Imaginerait-on marketter des films « vieux public » ? En mesurant la chance que j’ai dans une ville comme Paris de disposer à loisir d’une offre abondante de cinéma, je me faisais ces réflexions en pensant à toutes ces toiles que j’aime citer dans les lignes de cette lettre qui ne verront peut être jamais la lueur d’une salle obscure et d’un écran géant. Mais je continuerai à citer ces « petits » films pour, qui sait, les mettre en mémoire et leur donner une autre chance dans la grande lessiveuse de la reproduction des images.

Il en est ainsi pour le film O corno, une histoire de femmes réalisée par une femme, Jaione Camborda, à la frontière de l’Espagne et du Portugal au début des année 70 où dictaturaient encore Franco et Salazar.

Et aussi pour Dieu est une femme… Joli titre pour un beau documentaire d’Andrés Peyrot qui a retrouvé un film tourné (et perdu) en 1975 par un autre documentariste Pierre-Dominique Gaisseau sur les indiens Kunas de la région du Panama et qui retourne 50 ans plus tard leur présenter ce film retrouvé.

Mais les voies du cinéma sont parfois sibyllines et c’est une amie de Bretagne qui m’a signalé un film qui avait échappé à ma curiosité cinéphile et qui ne jouait plus que dans une salle de la capitale. C’est un trésor et ne le ratez pas si vous êtes dans ses parages : c’est Smoke Sauna Sisterhood que l’on peut traduire par La sororité d’un sauna à fumée, de l’Estonienne Anna Hints. Elle a filmé pendant sept ans les rencontres, paroles, gestes, silences et lumières d’une dizaine de femmes qui se retrouvent dans un sauna à fumée, cabane rustique au fond des bois et au fil des saisons. Un bijou et un bisou pour le cœur et les yeux.

Dans les autres films du mois, j’ai aimé Le Mal n’existe pas, Borgo, Un jeune Chaman, L’Échappée, Le Tableau Volé et le film de et avec Vigo Mortensen, Jusqu’au bout du monde.

Dans les lectures de ce printemps de pluie, renouer encore avec Guy Goffette dont je vous vantais la poésie dans ma chronique d’avril, avec cette fois Verlaine d’ardoise et de pluie. Une biographie originale, sublimée par les mots de cet exquis poète belge.

Je me suis replongé avec bonheur dans les derniers épisodes des aventures de Philémon, saga BD de Fred qui se passe sur les îles-lettres de l’océan Atlantique. Ça date des années 90 mais a fort bien vieilli. Plus récents sont les albums de l’immense Jean Marc Rochette. J’ai adoré et offert à mon petit neveu La Dernière Reine et là me suis régalé avec son autobiographie Ailefroide Altitude 3954.

Pour finir cette chronique de mai, j’écoute Dimanche, soyeux album aux swings parfumés d’une jeune autrice interprète, Emma Peters.

Et ainsi goûter de belles choses.

QUOI DE NEUVE ? (24)

10 avril 2024 § 0 commentaire § permalink

C’est le mantra d’Émilien Long dont je vous ai vanté dans les nouv’ailes de mars, les aventures présidentielles, utopiques et disruptives, racontées par la plume anonyme d’Hadrien Klent. C’est aussi le tire du livre qui fait suite et qui est toujours aussi réconfortant et jubilatoire en ces temps où l’épaisseur de l’actualité nous fait oublier que l’on a tous un palais dans la bouche et qu’il pourrait en sortir de beaux mots et des phrases riantes. Mais ils et elles restent égorgées dans les affres aphteuses de la consternation et du silence incrédule. 

Pour faire suite à cet éloge contemporain du Droit à la Paresse, je vous livre cette citation entendue dans la bouche de Lydie Salvayre parlant de son récent livre, Depuis toujours nous aimons les dimanches : « j’ai la rage contre ceux qui ont pognon sur rue ».

J’écris ces lignes au moment où la lune se sait nouvelle à 20H22 GMT et fait éclipse au soleil, visible entre Mexique et Canada. Pour mémoire ce phénomène qui ne se reproduira qu’en 2044 n’est en rien une catastrophe naturelle, mais un moment sublime de rencontre entre les astres du jour et de la nuit, que la pauvreté des pixels de mon écran peine à rendre en direct via Youtube depuis Cleveland ou Indianapolis…

Qu’est-ce « voir à l’œil nu » ? Cette question m’est venue à l’esprit en écoutant à la radio Estelle Zhong Mengual, érudite historienne de l’art qui, dans son livre Apprendre à voir, questionne notre perception du vivant, la nourrit du regard des peintres et naturalistes du XIXème siècle et nous invite à métamorphoser nos habitudes d’attention que nous portons sur le vivant du monde. Pour réinventer la nudité de notre œil à l’éclat du premier regard.

C’est ce à quoi je m’entraîne très modestement dans les fourmillements printaniers de l’atelier. Faire sans autre projet que créer, se laisser porter par la sédimentation des formes et des couleurs, se perdre dans l’errance des pinceaux pour saisir la pièce du puzzle qui vient clore l’achèvement de la gestation du tableau. Que de rencontres, de douces collisions dans le labyrinthe de l’espace atelier. C’est cela, l’énergie de ce printemps : s’atteler à l’atelier. C’est aussi pour absorber la rafale de réponses négatives aux appels à projets : trois en deux jours, la semaine dernière. Oupsss ! Heureusement était venue pendant l’accrochage de l’expo du Printemps des Poètes la bonne nouvelle de LA VOIE DE L’ARBRE que je vous glisse dans l’image n°1 de ces nouv’ailes.

Il a écrit « Elle, par bonheur et toujours nue » à propos de Marthe Bonnard, femme de Pierre. Et aussi Un été autour du cou. Et tous ceux qu’il reste à découvrir. Des textes éminemment poétiques qui ont enchanté ma joie de lire. Il s’appelle Guy Goffette, fut enseignant, romancier, libraire, éditeur, mais avant et par dessus tout poète. Il vient de quitter son Ardenne natale pour les larges horizons de l’éternité, là où régne le Roi Lire et ses nombreux pages. Puissiez-vous y puiser racines d’un doux et tendre art-scellement.

Une seule petite voix, c’est avec cet infime écart que l’Assemblée Nationale a voté le démantèlement de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et sa fusion au sein de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui devrait intervenir hélas, début 2025. Ce projet était depuis longtemps dans les tuyaux du gouvernement et l’unique voix du président pour accélérer la relance du nucléaire. En résumé, c’est l’expert de contrôle technique qui passe sous la coupe du gendarme des centrales. Finis les inspecteurs tatillons qui ne mégotaient pas sur leurs exigences de sécurité et obligèrent EDF à revoir sa copie et les soudures de son EPR et ont ainsi infligé 12 ans de retard à la centrale de Flamanville. Place désormais aux EPR express et vive l’atome pressé et rapide pour irradier notre bel et joyeux avenir. Quant à nos voix…

Après avoir vu Une famille, film de Christine Angot, j’ai lu Le voyage dans l’Est. Vertige indicible de l’inceste.

Belle est la musique des mots de Cécile Coulon dans La langue des choses cachées. La mère a charge de guérisseuse, le fils celle de sa succession et du soin des secrets enfouis. Dense et mystérieux comme une campagne profonde..

Autre langue, belle, foisonnante, baroque et imagée. Celle du portugais Antonio Lobo Antunes dans Le cul de Judas, si j’ose m’exprimer ainsi. Conversation entre un homme qui conte à une femme dans un bar de Lisbonne son expérience de médecin en Angola dans une guerre sale et oubliée. Flamboyant.

Si vous croisez aux alentours du Musée de l’Homme avant le 20 mai prochain, allez voir la superbe exposition Préhistomania qui présente à nos yeux d’aujourd’hui un large panorama des relevés et autres croquis cueillis depuis le XIXème siècle sur les parois des grottes du monde entier. Vous y apprendrez que rupestre concerne les grottes et pariétal les abris. Mais surtout vous y verrez que le dessin et l’art n’ont aucun âge si ce n’est celui de l’enfance de l’humanité et de la notre.

Sidonie au Japon

   Apollonia Apollonia

  La Nouvelle Femme

    Scandaleusement Votre

Los Delicuentes 

   Les Rois de la Piste

Ainsi marche l’escalier de cinéma où j’ai déambulé pendant l’éclosion du printemps.

Sous les feux de sa rampe, l’œil réjoui s’est habillé d’images.

QUOI DE NEUVE ? (23)

10 mars 2024 § 0 commentaire § permalink

Votez Émilien Long !!!

Il a reçu le prix Nobel d’économie, propose la semaine de 15 heures, revendique le droit à la paresse pour tous et se présente à l’élection présidentielle de … 2022 ! Ce n’est pas un canular mais le contenu authentique d’un savoureux roman d’Hadrien Klent – Paresse pour Tous – paru au Éditions Le Tripode. Sous le pseudonyme de cet auteur qui tient à garder son identité secrète se cache un écrivain fin connaisseur des rouages de la politique, de l’économie et des enjeux cruciaux de notre moderne monde. Si vous en avez assez des ritournelles moroses de l’actualité, lisez ce livre salutaire. Et grand merci à l’amie Laurence qui m’a fait découvrir cette pépite indispensable. J’entame demain la lecture de la suite qui s’appelle La vie est à nous…

J’écris ces lignes ce vendredi 8 mars, encore tout ému de la Marseillaise transformée et interprétée par Catherine Ringer lors de la cérémonie du scellement du Droit à l’IVG… où « une loi pure dans la constitution » a remplacé le sang impur abreuvant nos sillons. Bravo et respect Madame Rita Mitsouko ! Ce fil d’émotion m’a relié à d’autres cérémonies, celle de l’hommage à Robert Badinter lors de ses obsèques et à L’Affiche Rouge d’Aragon chantée par Arthur Teboul du groupe Feu! Chatterton lors de l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian et de leurs 23 camarades résistants fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien. Il aura fallu 80 ans…

La formule « Me Too » qui remue profondément notre société – et c’est tant mieux – a remplacé celle plus controversée de « Balance ton porc », qui il est vrai n’était pas très gentille pour nos amis les suidés.

Toiles et toiles furent le programme de l’atelier en cette fin d’hiver. Les toiles de couleurs qui essaiment en multiples directions et me reconnectent à un optimisme créatif et coloré qui enfouit le doute dans la liberté du faire et la lumière du jaune. Venez en partager quelques effluves la semaine prochaine, comme chaque année je participe au Printemps des Poètes et à l’exposition qui se tient à la Galerie du Génie la semaine prochaine du 12 au 18 mars. J’y serai le mercredi 13 de 14 à 17h et le vendredi 15 de 17 à 20h. Ou à votre guise si vous me prévenez.

Pour sortir de l’odeur de la térébenthine et des bulles méditatives et silencieuses sous la verrière, quelques toiles d’écrans au premier rang desquelles Le Successeur de Xavier Legrand dont j’avais déjà beaucoup aimé Jusqu’à la Garde en 2017. Vivement recommandé jusqu’à la dernière image  !

Aujourd’hui plus de 6000 personnes vivent dans le monde grâce à un homme, Nicolas Winton dont l’histoire est retracée dans le film de James Hawes intitulé Une Vie. Ce sont les descendants des 669 enfants juifs que ce banquier londonien, de passage à Prague en 1938 a sauvé en organisant leur évacuation par convois ferroviaires. Une histoire trop peu connue que ce film a le mérite de mettre en nos mémoires.

Green Border d’Agnieszka Holland est une plongée incisive dans l’enfer migratoire de la frontière entre Pologne et Bélarus. Insoutenable et nécessaire. Plus douce et plus intime mais néanmoins intense est la tension à l’œuvre dans 20000 espèces d’abeilles, sensible film basque de la réalisatrice Estibaliz Urresola Solaguren qui tisse les doutes, les questions et l’identité d’une petite fille de 8 ans. Et pour clore ce fil de films de mars, Boléro (en français ou Bolero en espagnol) d’Anne Fontaine avec Raphaël Personnaz qui incarne avec brio la vie et l’œuvre de Maurice Ravel. Film qui m’a embarqué et donné envie de relire le roman Ravel de Jean Échenoz.

Le 5 février dernier, Jean Malaurie est parti rejoindre les étoiles de la constellation de la Grande Ourse Polaire. Réécoutez-le parler de son concept de Pensée Première, qui à l’image des Arts que l’on dit Premiers, contient toute la sagesse des peuples originels que l’homme occidental a non seulement oubliée mais s’est fait fort de persécuter pour en éradiquer la présence et la mémoire. Pour se souvenir que, de même qu’un enfant dessine avant de parler, les constellations et les dessins des grottes ornées sont les premiers dessins de l’enfance de l’humanité, et que les lire, c’est relier l’espace au temps et l’invisible à la présence.

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-jeudi-07-mars-2024-7670837

En ce lendemain de 8 mars, tous les théâtres du monde devraient mettre à l’affiche Lysistrata, pièce d’Aristophane écrite en 411 avant notre ère. Lysistrata, littéralement « celle qui licencie l’armée » , est une belle athénienne qui incite, pendant la guerre entre Athènes et Sparte toutes les femmes de Grèce à faire la grève du sexe pour ramener les hommes à la raison et à cesser les combats.

Aujourd’hui Lysistrata pourrait s’appeler Ioulia Navalnaïa. Émilien Long lui apporterait tout son soutien. À partager avec les femmes d’Iran, celles d’Afghanistan, les enfants de Gaza… et toute l’espérance du printemps.

QUOI DE NEUVE ? (22)

11 février 2024 § 0 commentaire § permalink

Mardi 23 janvier 15H24.

« Vous avez déposé un dossier de candidature (…) à l’Académie de France à Rome – Villa Médicis pour l’année 2024-2025. Malgré la qualité de votre dossier, nous avons le regret de vous informer qu’il n’a pas été possible de le retenir. »

Le mail vient de tomber, mettant fin à trois mois de rêves alternés d’illusions d’un séjour romain.

Au mitan des années 80, tout jeune peintre débarqué du Québec, j’habitais une chambre de bonne au sixième étage du 111 rue de Rome dans le quartier des Batignolles (voir image n°5). Comme il est dit que tous les chemins mènent à la ville éternelle, j’y vis un encouragement naïf à postuler à la célèbre académie. Ce que je fis une fois mais ne pus réitérer ayant alors dépassé la limite d’âge. Quand l’automne dernier, je reçus l’appel à candidature ne comportant plus cette fois une telle limite, une envie un peu folle me fit remettre sur le métier à créer un projet rassemblant deux de mes thèmes de prédilection favoris : à savoir LE PREMIER ŒUF, hommage aux nombre d’humains passés sur Terre depuis son origine et L’AIRE HUMAINE, le territoire symbolique pouvant être alloué aujourd’hui à chaque individu de notre planète. Pour mémoire cette surface était de 2,7 hectares en l’an 2000 et aujourd’hui où nous venons de dépasser les 8 milliards, elle est d’à peine 2 hectares. Avec en parallèles, études et recherches sur la diversité des mythes et cosmogonies des civilisations humaines….

Pourquoi le taire ? Une année romaine aurait été un beau cadeau et un fort coup de booster pour moi qui suis depuis quelques jours ex fan des sixties… 

Pour me remettre de cette déception, je suis allé chercher quelques livres à la médiathèque de mon quartier. Je tombe sur Yoga d’Emmanuel Carrère, sorti en 2020. Au début de ce roman, l’auteur part faire une retraite dans un centre d’apprentissage de méditation Vipassana, là même où je suis allé faire une retraite de dix jours il y a trente ans. Lire ce début m’a replongé dans cet univers méditatif et m’a bien aidé à atténuer les échos déceptifs de cette candidature.

J’apaise les questions qui moulinent dans mes pinceaux et dans les lourds remugles de l’actualité en faisant chanter les tubes de couleurs et les papiers de soie qui cherchent toujours la joie de soi. Créer de l’attention sans prétention, de la tension sans intention. Pas d’enjeu dans ce jeu. Travailler la douceur qui dure, taire la frustration de la reconnaissance, ouïr le silence recueilli de chaque jour qui se créée, garder en pause l’envie d’exposer…

Je continue aussi à répondre à quelques appels à projets… Celui de L’Art dans le pré, près de Troyes, plutôt bien rémunéré, offrait une dizaine de sites d’installation. J’y ai proposé, sans succès, deux projets. Les organisateurs en ont reçu … 387! J’ai comme l’intuition que vu la conjoncture économico-culturelle, le manque de ventes dans les lieux autres que les grandes galeries et autres institutions, l’état de la commande publique en France, de plus en plus d’artistes se tournent vers le domaine du land art et des installations in situ, des sentiers artistiques et autres parcours culturels pour privilégier le contact direct avec le public et les associations qui se battent pour faire vivre l’art dans un terreau humain et accessible… Amis artistes qui me lisez, qu’en pensez vous ?

Ça m’énerve, les voix qui glosent sur « il est où le monde d’après ? ». Comme s’il pouvait advenir d’un claquement de loi, comme s’il était trop facile de se cacher derrière le petit moi de cette question pour ne pas le laisser advenir, ni lui accorder une once de regard et un brin d’espoir.

Lundi 29 janvier, 18H09, ligne 9 du métro, station Charonne. Un couple d’origine tamoule est assis sur les strapontins. Elle prend discrètement la main de son compagnon et la glisse sous son manteau « Tu le sens? il bouge » … Nos regards se croisent dans un sourire complice. Je murmure: « c’est beau »…. Je dédie avec ferveur la beauté de ce sourire à toutes celles et ceux qui vont subir la loi inique contre l’immigration votée en décembre dernier avec les voix de l’extrême droite. Dire qu’on pensait avoir fait barrage !!!

31 janvier, émission La Terre au Carré sur France Inter: « La forêt n’est en rien vierge, c’est avant tout un jardin » a dit Philippe Descola cité dans une interview des ethnologues Stefen Rostain et Antoine Dorison. À l’aide du LIDAR, sorte de sonar aérien capable de voir sous la canopée, ils ont découvert des traces ancestrales de cités-jardins au cœur de la forêt amazonienne communément appelée aussi forêt vierge. Qui a bien pu inventé une telle expression ? Quelques brutes colonisatrices pour mieux la violer ?

Outre Yoga, j’ai lu ce mois-ci Service Action : Sauvez Zelensky, court roman de politique fiction sur les dessous de l’agression russe en Ukraine, écrit par Viktor K, auteur visiblement bien au fait des arcanes du monde de l’espionnage.

Et pour plus de douceur et de belle langue, le roman de Nina Bouraoui Tous les hommes désirent naturellement savoir

qui est aussi la première phrase de la Métaphysique d’Aristote. Un beau roman sur le désir, l’homosexualité, l’Algérie, la mémoire. Mémoire aussi, mais plus espagnole dans le premier roman de la chanteuse Olivia Ruiz au joli titre La commode aux tiroirs de couleurs.

Dans les films à voir à mon goût de ce début d’année, il y a Un Silence, Captives, L’Homme d’Argile et hier soir La Bête de Bertrand Bonello. J’avais un peu de réticence pour voir Bonnard, Pierre et Marthe aux allures de biopic, mais comme tout ce qui touche à Bonnard m’est cher, j’y suis allé et n’ai pas boudé mon plaisir à ce qui n’est pas un grand film mais une honnête évocation de la vie de mon peintre préféré qui disait vouloir « se présenter devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec des ailes de papillons ».

Je ne suis plus un jeune peintre mais vous souhaite encore et toujours un regard de papillon sur les ailes du monde. Il en a besoin.

QUOI DE NEUVE ? (21)

9 janvier 2024 § 0 commentaire § permalink

Des soldats ont ouvert le feu sur des civils. Mais quand vont-ils le refermer ?

Est-il nécessaire d’en écrire davantage pour ne pas alourdir le couvercle plombant de l’actualité ?

Mieux vaut regarder les timides flocons qui virevoltent au fil de ces lignes derrière la verrière de l’atelier qui continue à son rythme tranquillement hivernal à peindre ses ardoises, à chercher le centre du regard (image 1), à poursuivre la quête de fenêtres à ouvrir (image 2), à dessiner Les Pages de Marguerite (image 3) pour un projet d’installation de miroirs aux abords de la maison d’enfance de Dame Yourcenar dans la région d’Hazebrouck. Projet qui ne verra pas le jour (ni la nuit) en cette année à venir. Il y eut 120 réponses à cet appel et 10 heureux. Bonne chance à eux.

Je me souviens qu’enfant, à l’époque où le téléphone était un produit de luxe, je rêvais du jour où il serait possible non seulement d’entendre la voix de son interlocuteur lointain mais en plus de le voir. Ce rêve est devenu réalité et bien souvent cauchemar dans un espace public où les interférences crachottantes des portables deviennent l’insupportable bande sonore des transports en commun. Qu’y faire ?

« Sous le pont Mirabeau coule la Seine » écrivit Apollinaire. Par quels méandres de l’histoire sont passés ses courants qui devraient nous faire chanter « Sous le pont Mirabeau coule… l’Yonne » puisqu’à leur confluent, à Montereau, c’est cette dernière qui a un débit supérieur à celui de la Seine, qui, si l’on suit cette norme de géographe devrait être considérée comme un affluent de l’Aube… Ainsi je vous écrirais depuis le département d’Yonne-Saint-Denis, tandis que Le Havre serait sous-préfecture de … L’Yonne Maritime !

J’avais bien aimé il y a une douzaine d’année La Théorie des Nuages de Stéphane Audeguy ainsi que Fils Unique, biographie imaginaire du frère (disparu?) de Jean Jacques Rousseau. J’ai retrouvé avec plaisir cet auteur avec L’Histoire du lion Personne, les aventures d’un lionceau entre Sénégal et Jardin des Plantes parisien à la fin du XVIIIème siècle.

Haruki Murakami a une passion pour les tee-shirts dont il possède une faramineuse panoplie qu’il nous raconte dans un bref ouvrage intitulé T. Entre catalogue et collection, deux manches partout !

Aviez-vous vu le beau film de José Luis Lopez Linares inspiré par Jean Claude Carrière et intitulé L’ombre de Goya, paru en 2022. J’ai retrouvé trace du célèbre peintre espagnol, ou plutôt celle de son crâne, quête d’une médecin-légiste dans le roman de Sarah Chiche Les alchimies.

J’ai retrouvé Peter May, le plus périgourdin des auteurs écossais avec un roman paru il y a trente ans et récemment réédité. C’est Un chemin sans pardon, dans la jungle cambodgienne au moment de la chute de Khmers rouges.

Retrouvé aussi l’islandais Indridason, non pas sur son versant policier mais plutôt sur l’historique avec Le Roi et l’Horloger, étrange rencontre au XVIIIème siècle, entre un horloger islandais et Christian VII, roi du Danemark considéré comme fou et écarté du pouvoir.

Je viens de commencer avec enthousiasme, Cosme, un livre de Guillaume Meurisse qui tourne autour du poème Voyelles d’Arthur Rimbaud.

Dans les films du mois, j’ai bien aimé Soudain Seuls, inspiré du livre éponyme d’Isabelle Autissier. Past Lives de Cécile Gong, touchante histoire d’amour/amitié entre Corée et New York. Touchante l’est aussi celle contée par le singapourien Anthony Chen dans Un Hiver à Yanji.

Sublime beauté en noir et blanc du Voyage au Pôle Sud de Luc Jacquet. Non loin de là, en Patagonie, l’implacable réquisitoire contre le massacre des indiens que porte Les Colons, intense et puissant film de Felipe Galvez Haberle.

J’avais bien aimé Perdrix d’Erwan Le Duc en 2019. Même régalade drôle et décalée avec La fille de son père.

Et pour finir ces agapes cinéphilliques de passage d’An Neuf, je suis allé déguster quatre heures de Menus Plaisirs, le film que le documentariste nonagénaire mais toujours alerte Frederick Wiseman a tourné dans les restaurants de l’étoilée tribu Troisgros à Roanne. Luxe et délices !

La nuit est tombée, les trop rares flocons ont cessé, j’écoute l’enregistrement des Sonates de Bach par l’immense Rostropovitch dans la basilique de Vézelay en mars 1991.

« Il suffit d’écouter le vent pour savoir si l’on est heureux » a dit le philosophe Adorno cité par Charles Pépin dans son émission Sous le Soleil de Platon du 3 janvier.

Là j’aime celui qui souffle dans les ouïes du violoncelle du grand Slava.

QUOI DE NEUVE ? (20)

13 décembre 2023 § 0 commentaire § permalink

Rothko et Mankell, baumes de décembre.

Je voulais terminer ma précédente nouv’aile en vous disant « Chouette, demain je vais voir l’expo Rothko à la Fondation Vuitton ». Et puis j’ai oublié de l’écrire… mais pas d’y aller. Et ce fut un moment de grâce et de lumière, d’intimité et de recueillement. Je l’avais découvert de visu en 1999 lors d’une exposition au MAM de Paris et ce fut déjà un éblouissement, aujourd’hui renouvelé dans cette grande et majestueuse exposition. Avant de sortir du surréalisme et de plonger dans l’abstraction et la couleur pure, Rothko, né Markuss Rotkovics en 1903 en Lettonie, écrivit au tournant des années 40, un long texte intitulé La Réalité de l’Artiste qui ne fut découvert par son fils et sa fille que 18 ans après sa mort en 1970 et publié en France en 2004. Dans un des premiers chapitres, il écrit «la répétition constante du faux est plus convaincante que la démonstration du vrai». Les réseaux de notre époque illustrent bien cette sentence visionnaire…

Je participe cette semaine à l’exposition les MINIS du Génie avec deux récents petits formats (dans l’image n°1 de cette chronique). Pour info, je serai présent à la Galerie le Mercredi 13 décembre de 14 à 17h. N’hésitez pas à y porter votre regard, qui est aussi un soutien. La Galerie du Génie de la Bastille, sise depuis 2014 au 126 rue de Charonne à Paris, est comme bon nombre d’associations culturelles en grandes difficultés. Help !!!

Je continue tranquillement à œuvrer dans l’atelier sans d’autre objectif précis que me nourrir de l’acte de créer et d’ainsi soigner et tenir à distance la dure morosité de l’époque… tout en continuant à répondre à quelques appels à projets. Mais qu’est lourde et douloureuse l’humeur de cette fin d’année ! Je mobilise toute mon énergie pour rester humblement debout et j’écris ces nouv’ailes pour continuer à tisser les liens des mots et l’écho des regards…

Reçu à la radio une minute d’espoir dans la bouche de Cécile Duflot qui intervenant à propos de la COP 28 déclara que s’il y avait tant de lobbystes à ce grand raout écologiste au pays du pétrole, c’est parce qu’ils se sentent menacés. Vision optimiste ? Mais non dénuée de fondement, chacun sentant bien que cette assemblée n’a rien d’une baguette magique mais que c’est endurance et ténacité qui vont œuvrer au changement… Qui sera forcément trop lent, au vu de toutes les accélérations vertigineuses des prévisions climatiques… Le temps n’est plus à chercher à savoir scientifiquement s’il y a lien entre dérèglement et accumulations de catastrophes. L’évidence nous bouche les yeux: la colère de Gaïa est là.

Entendu aussi à la radio que la mort du dramaturge Eschyle serait due à la chute sur sa tête d’une carapace de tortue (lancée dit la légende par un rapace qui aurait prit son crâne pour un rocher). Étonnante collision, lien subtil entre les pensées grecque et chinoise quand on sait que la naissance de l’écriture de l’Empire du Milieu et corollairement du Yi Jing, se fit à travers des pratiques divinatoires par brûlage de carapaces de tortue…

Dans les nouv’ailes d’octobre 2015, à l’annonce du décès d’Henning Mankell, j’écrivis : «Il faut lire et relire ce grand humaniste, pour ses polars bien sûr, qui sont bien plus que des policiers mais aussi ses romans et ses ouvrages pour la jeunesse que ce gendre de Bergman avait tissés au fil de sa vie partagée entre Suède et Mozambique.» Récemment une amie m’a conseillé de lire son dernier livre intitulé Sable Mouvant : en janvier 2014, Mankell né en 1948, apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon. Il tient alors un journal, pas vraiment de sa maladie, mais plutôt un regard sur ses « Fragments de ma vie » comme est sous-titré ce livre. Il parle de son métier d’homme de théâtre – écrivain et metteur en scène – et nous livre ses réflexions sur le monde et ses histoires. Je le découvre férocement antinucléaire quand il évoque les cent mille années que nous léguons à nos descendants pour l’enfouissement et la surveillance des déchets radioactifs… Nous qui nous émerveillons des chefs d’œuvres de Lascaux ou autres splendeurs de Cosquer, imaginez ce qu’il en serait si au lieu de ces premières traces de peintures, on avait trouvé des futs d’acier corrodés transpirant la mortelle radioactivité… Pour suivre, je lis le livre Mankell (par) Mankell, qu’une journaliste danoise, Kirsten Jacobsen, lui a consacré après de longues et nombreuses séances d’interviews pour peaufiner le portraits multi-facettes de cet écrivain suédois qui a vendu plus de 40 millions de livre dans le monde. Toutes ces réjouissantes lectures m’ont donné envie de remettre mes yeux dans les pas du commissaire Wallander…

Après d’avoir rejoint récemment ceux du commissaire Jean-Baptiste Adamberg dans le roman Sur La Dalle de Fred Vargas paru en mai dernier. J’avais été moyennement emballé par son précédent livre La Recluse, mais cette fois, j’ai embarqué sur cette dalle bretonne rondement menée. Embarqué aussi dans Le Bal des Folles de Victoria Mas, chronique des femmes recluses à La Salpêtrière sous les expérimentations du Docteur Charcot.

Dans les étoiles invoquées pour tenir face à ce monde de dingues, il y a celles qui brillent dans les salles obscures où je l’avoue, moi qui n’ai ni télé ni réseaux sociaux numériques, je me réfugie en surfant sur ma carte d’abonnement de 22€ mensuels qui depuis plus de 20 ans me donne accès à la très grande majorité des cinémas parisiens.

Au menu de ces semaines, le québecois Simple comme Sylvain, Le « guédiguian » Et la Fête Continue, Le gastronomique Dodin Bouffant, l’africain et belge Augure, le tokyoïte Perfect Days de Wim Wenders, l’espagnol Les Filles vont bien, le dispositif remarquable de Little Girl Blue. Et le frugal mais foisonnant Ricardo et la Peinture de Barbet Schroeder, ami depuis plus de 40 ans de Ricardo Cavallo, peintre argentin entre Neuilly et Bretagne, magnifique portrait d’une belle et tenace trajectoire artistique qui rime avec authentique.

Et pour finir cette chronique sur la légèreté d’un sourire, une question importante :

Souriez, l’année est presque terminée, une nouvelle est bientôt âme née.

QUOI DE NEUVE ? (19)

9 novembre 2023 § 0 commentaire § permalink

« C’est l’histoire d’un juif qui rencontre un autre arabe… »

J’avais évoqué la plus courte blague du monde dans les Nouv’ailes de septembre 2014. Je l’avais entendue dans la bouche d’André Markowicz, fameux traducteur d’auteurs russes, interrogé à propos du conflit israélo-palestinien… Depuis un mois elle fait le siège de ma mémoire pour juguler le plomb terroriste et les tapis de bombes, le sang des enfants et la vengeance aveugle, l’inadmissible colonisation et la détresse des populations civiles…

J’avais (déjà) évoqué ces sinistres expressions dans une chronique de 2009, pointant l’ironie des hasards des mots qui associe de troublantes et fumeuses mémoires le mot « Gaza » à l’histoire d’Israël. Difficile, moi qui souhaite faire de ce petit billet mensuel une parenthèse de légèreté et de poésie, de ne pas évoquer brièvement la noirceur de cet octobre d’horreur qui tapisse l’endroit et l’envers de l’actualité et de l’à-venir. Et pendant cet étouffant temps-là, Poutine se frotte les mains (sales) en Ukraine et on n’entend moins les cris des femmes iraniennes.

« Et imagine que ca t’arrive sous acide ? » a déclaré une femme israélienne, DJ qui participait le 7 octobre à la rave « Festival pour la Paix » à quelques mètres de la frontière avec Gaza. Cette phrase m’a donné un vertige sans fin, aux bords du gouffre abyssal qui sépare ces deux univers.

Un foui tra uno pèiro din un pous mai fau proun sage pèr l’avura (Un fou jette une pierre dans un puits mais il faut bien des sages pour l’en retirer).

Alors je m’accroche vaille que vaille aux pinceaux du silence (mais peut être devrais-je écrire « faille que faille » ?). Je me tiens debout au bord du chevalet, imaginant des parapluies géants qui sauveraient leurs baleines avec de gigantesques aiguilles d’acupuncture électrisant les méridiens de la planète (image n°1). Cherchant à résoudre dans les plis d’un labyrinthe la quadrature du cercle (image n°2). Et dans le labyrinthe des mots le sourire et la paix de l’Œuf et de la Poule (image n°3).

Per escoundu que fugue lou fus, toujours lou fum pareis (Si bien caché que soit le feu, il faut toujours que fumée sorte).

En période de prix littéraires, je n’aime pas lire les ouvrages en courses. Mais comme il était en première place sur les étagères de la médiathèque de mon quartier, je l’ai emprunté et lu avant qu’il reçoive le prix Fémina. C’est Triste Tigre de Neige Sino, récit non fictionnel d’un inceste qui entre autre acuité, interroge la notion même de récit d’un tel événement.

La enguo n’a ges d’os mai n’en fa roumpre (La langue n’a pas d’os, mais elle peut en briser).

Les phrases que vous lisez en brun sont extraites d’un réjouissant livre historico-provençal en forme de conte poétiquement réaliste paru chez Le Tripode et intitulé Le Dit du Mistral. L’auteur s’appelle Olivier Mak-Bouchard.

Dans les films du mois, n’essayez pas de tout comprendre mais laissez-vous emporter par la féérie fantastique des dessins et des couleurs du (dernier?) film de Miyazaki « Le Garçon et le Héron ». Moi, qui ai une affinité particulière pour ce volatile, a été émerveillé comme un petit garçon qui grandit encore entre les ailes d’un film.

Pas très emballé par La Fiancé du Poète ni par Une année difficile, j’ai bien aimé L’Air de la Mer rend Libre, The Killers of the Flowers Moon. Détesté Second Tour d’Albert Dupontel. Adoré le Ravissement. Subjugué par la puissance de L’Enlèvement de Marco Bellochio inspiré de l’Affaire Mortara (l’enlèvement d’un enfant juif par les soldats du Pape et l’Inquisition italienne au milieu du XIXème siècle). Séduit par Le Théorème de Marguerite, brillante élève mathématicienne faisant une thèse sur la conjecture de Goldbach. Et je termine cette liste cinéphile par Good Bye Julia dans un Soudan déchiré entre Nord et Sud, entre musulmans et chrétiens. Cain et Abel, foutez l’camp de cette planète et foutez nous la paix !!!

J’ai commencé cette chronique d’automne par un traducteur de russe, je la clos par un proverbe indien entendu dans la bouche de Michel Jonasz :

« Si tu vois tout en gris, déplace l’éléphant ».

Do 91123

QUOI DE NEUVE ? (16)

9 octobre 2023 § 0 commentaire § permalink

Quarantaine.

Nous n’y sommes plus, mais c’est pourtant ce mot qui a imprégné pour moi ces semaines printanières. Non pas en référence pandémiaire, mais en mémoire calendaire d’une quarantaine d’années. En écoutant les balbutiements médiatiques du tournoi de tennis de Roland Garros, je ne me souvenais plus de la joute victorieuse de Yannick Noah sur la terre battue de la petite balle jaune ! Était-elle tombée dans un trou de neurone vieillissant ? Que nenni ! Je ne m’en souvenais plus parce qu’à cette époque, en juin 1983, j’étais au pays dont la devise est « Je me souviens »…

Arrivé à Montréal le 27 octobre 1982 avec comme seules envies Danser et Dessiner, j’étais en ce juin-là au bout de mes réserves financières. J’avais claqué mes dernières piastres pour verser les arrhes d’un retour en Stefan Batory, paquebot polonais qui m’embarquera pour la France le 28 octobre 83. J’allais même jusqu’à songer faire gogo boy pour gagner quelques thunes, quand un matin, parti avec 5 dollars en poche voir des amis pour leur montrer mes premiers dessins encadrés, je rentrais le soir avec 500 dollars et deux peintures en moins. Je m’autorisais ce jour-là à y voir un heureux présage !

Ce fut une période ébouriffante, pleine de rencontres, d’inspirations, de projets… Cet instant québecois fut une bascule, une charnière de vie qui me fit décider d’entrer en peinture.

Alors comme la production de l’atelier va piano piano, je vous joins quelques images de gouache et d’aquarelle de ce temps-là, peintures qui furent exposées quelques mois plus tard, juste avant le retour transtalantique, au coin de Saint Laurent et Prince Arthur dans un bar si bien nommé L’Eau à la Bouche.

Je n’avais jamais réalisé que le verlan de « verrou » est « ouvert ». Ce fut fait pendant un savoureux concert que donna le souffleur de sons Didier Malherbe au Triton des Lilas avec Alexandre Cellier autre virtuose facétieux… Reste à savoir « vers où » va ce verrou ouvert ?

J’écris ces lignes dans un atelier où la chaleur pas encore estivale s’immisce doucement sous la verrière… Il semble bien que le réchauffement du climat va « plus vite, plus fort, plus chaud » que les plus alarmistes prévisions… En Arctique, le premier été sans glace de mer – en clair la disparition de la banquise d’été de l’océan du Nord – pourrait advenir dès 2030. Alors Un degré ? Deux degrés ? Quatre degrés ? Faites vos jeux … d’eaux à moins que ce soit des jeux… d’os ! On ne peut même pas dire « après nous le déluge » puisqu’il n’y aura peut-être plus d’eau … À moins qu’un volcan…

« Qu’est-ce que le désir ? La goutte de néant qui manque à la mer » écrivit Stéphane Mallarmé. Désirer, c’est constater l’absence, dit l’étymologie.

J’aime beaucoup les livres qui mêlent peinture et intrigue. Je me souviens encore avec émotion de la lecture du Tableau du Maître Flamand d’Arturo Perez-Reverte, lu au milieu des années 90. Alors quand j’ai entendu à la radio Adrien Goetz parler de son livre La Dormeuse de Naples où en trois nouvelles il conte la genèse et la disparition de ce pendant de La Grande Odalisque de Ingres, je l’ai aussitôt réservé dans ma médiathèque préférée. Et j’ai aimé. Dans la foulée, j’ai emprunté deux volumes de sa série « Intrigue à… ». Je me suis régalé dans celui consacré à la Normandie et à la tapisserie de Bayeux et bien ennuyé dans la dernière parue, tissée au Fort de Brégançon, où une accumulation d’érudition alourdit une pseudo énigme présidentielle, confuse et sans véritables ressorts.

J’avais il y a trois ans essayé sur les conseils d’une amie de lire Sandrine Collette et n’avais pas réussi à entrer dans la dureté noire de son univers. L’amie a récidivé en m’offrant son récent roman On était des loups. Et là j’ai embarqué à fond et à cheval dans cette intense relation père-fils au cœur d’un monde sauvage. Ce livre m’a remis en mémoire La Route, chef d’œuvre de Cormac McCarthy qu’il faut lire et relire et ne jamais voir le film qui en a été inspiré.

Quand je serai grand (dans) Le Cours de la Vie (j’irai voir) L’ile rouge

(pour faire) L’Amour dans les Forêts (et dans) L’Odeur du Vent …

Tel est mon mantra cinématographie de ce mois de Mai… auquel on peut aussi ajouter 99 moons…

Un jour de coupure de courant générale à l’atelier, je me suis fait un petit marathon d’expositions : Matisse à l’Orangerie (je continue à lui préférer Bonnard), le velouté du Pastel à Orsay voisinant avec le couple Manet/Degas. Puis je refis un saut dans les Song Lines aborigènes au Quai Branly, pour terminer en pure beauté dans les lumières magnifiques de la norvégienne Anna-Eva Bergman au MAM de Paris. Juste avant cette illumination j’ai cédé à la curiosité d’aller en face, au Palais de Tokyo, voir les peintures de Myriam Cahn dont une a été vandalisée le 7 mai dernier. Ce qui est parfaitement scandaleux. Et éminemment publicitaire pour la pauvreté plastique de cette exposition. Heureusement qu’il y eut juste après les somptuosités métalliques de celle qui fut compagne de cœur et de peinture d’Hartung.

Comme chaque été, cette nouv’aile se met en vacance et vous donne rendez-vous au jour Neuf du neuvième mois.

Portez vous un bel été !

do 9623