QUOI DE NEUVE ? (18)

9 octobre 2023 § 0 commentaire § permalink

Si le printemps fut plutôt silencieux dans les pinceaux de l’atelier, l’automne qui se prend pour l’été fait entendre de nouveau ses bruissements colorés. Quelques rangements sous la verrière ont fait un (petit) peu de place pour accueillir ardoises, papiers de soie collés, branches peintes en jaune lumière et autres aiguilles d’acupuncture piquant la toile de mon monde de peinture… C’est à suivre… et à laisser venir doucement. Il s’agit toujours de Peindre Le Ciel, même si au cours de l’été ce tableau-programme-d’une-vie a quitté l’atelier et trouver refuge ami pas loin des bords de l’Atlantique. Et d’autres sont en quête d’éventuels acquéreurs sur le site de vente en ligne Artsper, celui-là même qui avait permis l’heureux voyage en Belgique de La Roue du Temps.

https://www.artsper.com/fr/oeuvres-d-art-contemporain?query=do%20delaunay

J’ai eu récemment l’honneur et le plaisir d’être juré dans le festival de documentaires Écrans de Chine. Belle immersion le temps d’un long week-end dans les regards multiples et croisés sur ce pays. Dans les membres du jury, il y avait un journaliste français d’origine chinoise auteur d’un livre paru cette année aux éditions de l’Aube : La société de surveillance made in China. Vertige ! Au palmarès: Ayi, et deux mentions spéciales à H6 et Chine, une histoire intime. https://www.ecransdesmondes.org/ecrans-de-chine/

Vous souvenez-vous de l’éruption du volcan Hunga Tunga survenue le 15 janvier 2022 dans le sud-ouest du Pacifique, la plus puissante jamais enregistrée depuis que l’humain mesure l’activité volcanique de la planète. Non ?

Pour vous rafraîchir la mémoire allez à https://www.arte.tv/fr/videos/111679-000-A/hunga-tonga-la-colere-du-volcan-des-abysses/ Impressionnant !!!

Cessons de parler de climato-sceptiques ! Ce sont tout bonnement des climato-j’m’en-foutistes. J’ai encore en mémoire le bruit de la chute d’un bout de montagne lors de la randonnée tarentaise. Vous pouvez l’entendre dans la quatrième image de cette chronique.

Je vous avais laissé en septembre au seuil de la lecture de La Plus Secrète Mémoire des hommes, roman de Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021. Cette lecture parfois difficile mais néanmoins d’une profonde et dense richesse m’a embarqué dans ses multiples méandres et abîmes. Plus aisée fut celle de De purs hommes, du même auteur qui aborde le motif de l’homosexualité au Sénégal. Dans le foisonnement abyssal de La plus secrète mémoire… j’ai bien aimé ce passage : « Alors tu sais aussi que dans notre tradition sérère, aucun nom n’est donné par hasard ( …) Il n’est pas seulement un symbole, mais un signe pour l’existence. Il dit quelque chose de l’être qui le porte… il le guide, il montre le chemin… »

Ce soir je pourrai m’appeler « D’eau, de l’eau naît ». Une soif de création sans faim et sans fin.

Parce que La Roue du Temps tourne toujours dans un coin de ma tête (et hélas aussi dans mes lombaires ou mes genoux), je suis toujours intéressé par ce que la science dit du Temps, de sa perception et de son écoulement. J’ai prêté l’oreille à une émission avec Carlo Rovelli, éminent physicien et philosophe des sciences qui vient de publier un livre intitulé Trous Blancs. Je me souviens avoir écrit dans les lignes de ces Nouv’ailes, il y a quelques années, une phrase en forme de blague qui disait « les trous noirs, c’est troublant ». La réalité a rattrapé l’humour de la fiction. Mais avant de plonger dans ce trou blanc, je vais ouvrir les pages d’un de ses ouvrages précédents : L’Ordre du Temps. Tout un programme… Au fil de cette émission, j’ai eu écho d’une proposition que ce scientifique italien vivant à Marseille avait fait avec d’autres confrères : « Si l’on réduisait simultanément de 2% chaque année sur 5 ans, les budgets militaires de tous les pays, on aurait de quoi financer les remèdes à la problématique climatique de notre époque ». Mais cette utopique proposition émise juste avant la guerre d’Ukraine a fait long feu. Ou plutôt non, tant cette expression qui signifiait à l’origine « durer longtemps » peu aussi se traduire par « ne pas durer longtemps ». Bel exemple d’énantiosémie, soit deux sens opposés pour une même expression.

Vibré à la lecture de Dans la lumière des peintres d’Adrien Maeght qui conte la belle aventure de cette galerie et de sa fondation à Saint Paul de Vence. Plaisir d’y croiser le quotidien et l’amitié des quelques grands peintres comme Braque ou Miro, avec une tendre préférence pour l’homme et l’artiste majeur qu’est pour moi Pierre Bonnard.

Découvert la belle écriture d’une jeune autrice, Laurine Roux, professeur de lettres dans les Hautes Alpes à travers son premier roman Une immense sensation de calme, belle et intense histoire de mort et d’amour dans ce qui pourrait être une Sibérie lointaine où une guerre n’aura laissé debout que des parias et des Invisibles. Son plus récent, L’autre moitié du monde nous entraine dans les années 20, dans le delta de l’Ebre, entre révolte et servage. Et séduit par cette langue sensible, imagée, réaliste et poétique :  « …Elle est saisie de panique, se met à courir veste serrée contre elle, comme si le tissu pouvait retenir les caresses et la nuit (…) Le sang tombe dans les jambes de Toya. »

Le silence et la colère. C’est le deuxième tome de la tétralogie de Pierre Lemaître consacrée aux Trente Glorieuses. Dans les années 50, l’histoire d’un village inondé pour cause de barrage hydroélectrique s’entremêle avec la chasse aux femmes qui pratiquaient clandestinement des avortements et à celles qui les subissaient. Cette actualité qui n’en est plus une en France, mais hélas l’est encore dans bien des pays du monde, est venue percuter les émotions intenses ressenties à la vision de l’exposition de Nicolas de Staël qui se tient au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris jusqu’au 21 janvier prochain. Jeannine, la première femme de ce peintre d’origine russe, est décédée en 1946 des suites d’un avortement. Et il est probable que l’avortement d’une de ses dernières compagnes, Jeanne, l’ait poussé à sauter du rempart de la vieille cité d’Antibes un matin de mars 1955. Heureusement il nous reste sa peinture à laquelle cette ample exposition rend merveilleusement grâce.

Côté cinéma, beaucoup de films vus ce mois-ci mais il en est un, reçu dans les yeux et le cœur hier soir, qui plane haut dans le ciel de mes écrans. Je n’en dirai rien de plus, pas trouvé de mots à la hauteur, si ce n’est cette formule impérative : allez le voir ! C’est Le Règne Animal de Thomas Cailley.

Si vous redescendez du Règne Animal, vous pouvez y ajoutez Nos Corps de Claire Simon, Toni en Famille de Nathan Ambrosioni et Le Procès Goldman de Cédric Kahn.

J’espère que ces quelques lignes vous auront été Bonnes Nouv’ailes.

do 91023

QUOI DE NEUVE ? (17)

1 septembre 2023 § 0 commentaire § permalink

Pour cette rentrée, le Neuf prend un peu d’avance pour cause de randonnée savoyarde. Mais peut-on raisonnablement se plaindre que le Neuf prenne un peu d’avance en ces temps qui semblent en recul et ont rimé cet été avec canicule. Quinze millions d’hectares sont partis en fumée dans le ciel canadien. Mais comme en Australie, on redécouvre les techniques ancestrales des amérindiens et des aborigènes pour combattre le feu … par le feu !

Mais je vais cesser là le tour d’horizon enfumé des brûlantes actualités, pour ne pas trop consumer votre attention. Après un printemps aride en projets artistiques, la pluie bienfaitrice vint en juin sous la forme d’un appel de la MJC de Torcy me proposant dans le cadre des Olympiades Culturelles une intervention avec des jeunes ados d’Île-de-France. Ainsi naquit en six après-midis partagés LE PAGAYER sur les bords de la Marne, pas loin de la base nautique de Vaires-Torcy où auront lieu l’année prochaine les épreuves olympiques d’aviron.

On voir sur beaucoup de bus ou camions l’avertissement « prenez garde aux angles morts ! » Verra-t-on un jour sur de doux véhicules le conseil  « Merci de porter attention aux angles vivants »

Je n’ai pas lu le roman de Philippe Labro intitulé « Tomber sept fois, se relever huit », mais ai songé à le faire lors de l’obtention de mon 3ème dan de Kyudo après sept tentatives et quatorze ans d’attente persévérante. La huitième fut la bonne et m’a ensoleillé la mi-août.

L’été fut randonneur, baigneur, un peu naturiste, beaucoup lecteur… Après avoir aimé La Religion de Tim Willocks qui contait le siège de Malte (à ce propos, savez-vous situer cette île sur une carte ? Comme beaucoup, je l’imaginais entre Grèce et Italie, alors qu’elle est plutôt entre Sicile et Tunisie… Et pourquoi beaucoup de migrants se dirigent vers l’île italienne de Lampedusa et bien peu vers les rivages maltais, pourtant eux aussi européens ? ) j’ai poursuivi cette lecture par Les Douze Enfants de Paris qui raconte la journée du 24 août 1572 plus connue sous l’intitulé Massacre de la Saint Barthélémy… Sang pour sang guerres de religion et guère de religio…

Peut on marier un matelot las avec un lot de matelas ?

Puis je suis parti avec Pete Fromm passer sept mois dans les Rocheuses. C’est Indian Creek, formidable récit d’un camp sauvage, solitaire et hivernal entre Montana et Idaho.

Pour changer de registre, j’ai suivi 555 d’Hélène Gestern sur les traces enquêtrices de la (peut-être) 556ème sonate de Scarlatti… Belle intrigue entre baroque et lutherie qui me donna envie de poursuivre sur les énigmes dans le monde de l’art et m’y fit découvrir un diamant, une perle, un trésor. Je l’avais depuis, longtemps noté dans mes carnets et son temps est venu cet été : c’est L’Affaire Arnolfini de Jean-Philippe Postel aux éditions Actes Sud, véritable et abyssale plongée dans le tableau de Jan Van Eyck, peint en 1434 et exposé depuis 1842 à la National Gallery de Londres. Presque 600 ans de mystères qui ont fait coulé beaucoup d’encres et de salives dans l’huile de ce panneau de bois de 82,2x 60cm. Une merveille !

Il ne faut pas saboter sa beauté.

En continuant de flâner en terre flamande et hélas toujours en guerres de religion, ce fut La couleur bleue de Jörg Kastner autour des derniers jours de Rembrandt.

Puis La Tempête du trop bavard et suranné Juan Manuel de Prada me ramena entre faussaire et restauratrice à Venise devant le tableau éponyme de Giorgione.

Mais la rentrée approchait et je repris le RER en compagnie du premier roman de de Jean Paul DidierLaurent, hélas décédé en 2019 intitulé Le liseur du 6H27. Un conte moderne, drôle sur la vie de la lecture et la mort des livres.

Pour glisser vers septembre je me tissais dans les pages de Mes intimes, de Jérôme Garçin, témoignage touchant sur les décès de sa mère et de son frère autiste, croisés furtivement lors de l’achat de la presse à graver de ces artistes.

Et aujourd’hui, j’entre doucement dans La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021. Et dans son labyrinthe de l’inhumain…

Au milieu de toutes ces pages il y eut quelques toiles : Oppenheimer (où j’appris que la ville de Kyoto qui faisait partie en 1945 des onze cibles atomiquement possibles fut écartée de la liste parce que le président américain Truman y avait effectué son voyage de noces…), Il Boemo, Love Life, Une Nuit, Les Filles d’Olfa, Les Algues Vertes, Les Herbes Sèches, Rendez Vous à Tokyo, Yannick… Et pour clore cette moisson estivale, évidemment la palme cannoise de Justine Triet, Anatomie d’une chute et plus discrètement, Fermez les Yeux, étrange titre du film du trop rare espagnol Victor Erice, joyeux octogénaire dont je garde le souvenir ébloui de son film précédent Le Songe de la Lumière sorti en …1992.

Au moment de clore cette chronique et cette floraison de livres et de films, je reçois sur mon écran la Une de Libé qui titre « Peur sur le Livre » en référence à la main mise de l’ogre réac Bolloré sur l’édition française.

Lire, c’est résister !

Mes théories sont-elles des météorites ?

Je vous souhaite un septembre d’ambre tendre.

Do 1923

QUOI DE NEUVE ? (15)

10 mai 2023 § 0 commentaire § permalink

« Ainsi il fallut que vous me piratâtes !» aurais-je pu dire à l’anonyme qui m’envoya un mail signalant un message audio sur mon téléphone fixe, mail sur lequel j’eus le malheur de cliquer et la naïveté troublée de ne pas me rendre compte à temps que c’était un fake… Alors sincèrement je souhaiterais que vous m’excusassiez pour la gêne occasionnée, comme on dit désormais pour un ascenseur en panne ou un train retardé…

Je sors doucement des questionnements et inquiétudes hivernales dans le bateau de l’atelier qui plonge pour se ressourcer dans le temps des tiroirs et des œuvres passées. L’activité prend doucement son temps et reprend forme. Les réponses négatives aux appels à projet ont continué la loi des séries, notamment pour La Forêt Monumentale (voir image 1 de cette chronique) pour lequel je m’étais pour la première fois associé à un ami sculpteur. Il n’y aura pas non plus d’Arbre-en-Ciel dans la vallée de l’Arzon, ni d’installation Entre-Miroirs à la Biennale de Sélestat. Durer, endurer, perdurer… Et juste s’alléger à vous partager les aléas encourageants des «Allez ! Ha !!!».

16 avril : Ahmad Jamal est mort. Tous les pianos du monde et de la nuit sont en tristesse.

J’écris cette lettre après avoir écouté une émission sur la pollution plastique, plus précisément la pollution du plastique qui flingue nos chaînes alimentaires, le lait des nourrissons et le fond des océans… Aujourd’hui 480 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde et les prévisions frôlent le milliard à l’horizon 2050… Depuis le premier janvier 2022, il devrait y avoir 30000 points d’eau dans l’espace public pour remplir nos gourdes et abandonner les bouteilles plastiques… On est loin du compte… Mais ceux des lobbys plafonnent…

Vu le film Les Âmes Sœurs d’André Téchiné. Avec Benjamin Voisin et l’impeccable Noémie Merlant. Pourquoi ne dit-on jamais les Âmes-Frères ? Devrait-on demander à la Terre Mère ? Vu aussi About Kim Sohee, Sur l’Adamant, A Quiet Girl, Burning Days et Hokusai.

Mais au top de ces étoiles de toiles, vu deux fois l’époustouflant Dancing Pina, où des élèves de la chorégraphe de Wuppertal remontent avec de jeunes danseuses et danseurs deux de ses pièces, Iphigénie en Tauride et le Sacre du Printemps à Stuttgart et dans le théâtre de l’École des Sables au Sénégal. Génial !

Et aussi L’Amitié, du nonagénaire Alain Cavalier qui filme l’intérieur des dialogues et le passage du temps au fil de l’amitié avec trois de ses compagnons de route.

Et aussi, baignez les yeux dans Le Bleu du Caftan de la réalisatrice Maryam Touzani avec la sensible Lubna Azabal.

Au bord de la mer, j’ai vu des sables émouvants…

Shibumi : une tentative maladroite pour décrire une qualité ineffable (…) Shibumi implique l’idée du raffinement le plus subtil sous les apparences les plus banales… On ne l’atteint pas, on le découvre… on doit dépasser la connaissance pour atteindre la simplicité… Ces quelques lignes se trouvent à la page 83 de cet épais roman de Trévarian, un des auteurs les plus mystérieux de ces dernières années. Américain, il a probablement vécu dans le pays basque et serait mort en 2005. Publié aux USA en 1979, édité en France en 1981, réédité en 2008, ce roman d’espionnage mais aussi critique acerbe de l’Amérique vous entraîne du Japon des années 30 au pays basque, du jeu de go aux gouffres de la spéléo, entre terrorisme et surveillance de la CIA. Vivement recommandé !!!

Pour changer d’univers, je suis parti à Malte en 1565 où le conflit entre islam et chrétienté bat son plein. C’est dans le livre La Religion, sous la plume de Tim Willocks, découvert récemment dans La Mort selon Turner.

« Il n’y a rien à espérer du désespoir ». Lacan cité par Sollers dans une rediffusion de l’émission d’Éva Bester Remède à la Mélancolie d’avril 2021. https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/remede-a-la-melancolie/philippe-sollers-le-bonheur-est-un-acte-de-courage-9625060

Savez vous quel est le mot le plus employé dans les chansons de Brassens ? C’est «Dieu» ! Étonnant, non ? J’ai entendu cette information dans la voix de Maxime Le Forestier qui a eu sous les yeux le document word et les statistiques de l’intégrale du chanteur.

Une bonne amie me demandait à combien de personnes j’envoie cette chronique mensuelle qui a vu le jour, et la nuit, en octobre 2001. À ce jour, mes groupes d’envoi de ce modeste et minime réseau social affichent 1468 adresses.

Merci à vous qui lisez ces quelques lignes et zyeutez les images qui les accompagnent, les survolez, les parcourez, les zappez, les oubliez, et peut-être parfois les faites suivre. C’est un bien précieux qui m’est cher, c’est un lien précieux qui m’est chair.

Bon…, mais Bon Mai !

Do 9323

QUOI DE NEUVE ? (14)

13 avril 2023 § 0 commentaire § permalink

Solastalgie.

Madame Wikipédia dit de ce néologisme venu du latin solacium (réconfort, consolation) et -stalgia (douleur morale) inventé en 2003 par le philosophe australien de l’environnement Glen Albrecht, que c’est une « forme de souffrance et de détresse psychique ou existentielle causée par les changements environnementaux passés, actuels ou attendus en particulier concernant la destruction des écosystèmes et de la biodiversité ».

Si, comme disait la grande Simone S. la nostalgie n’est plus ce qu’elle était, il semble que la solastalgie va pouvoir se conjuguer au présent pas simple et au futur compliqué !

Je digère doucement la brochette de réponses négatives à (presque) tous les appels à projets, dont celle (la quatorzième!) à Horizons Sancy. Je crois que je vais en rester là pour cette manifestation. Quelques-unes sont encore à venir, d’autres appels pour l’été et l’automne viennent de paraître…. Mais l’élan créatif est freiné et s’interroge sur les rebonds de la dynamique pérenne lancée par la Roue du Temps… Et pourtant elle tourne, comme aurait dit un célèbre astronome… Alors faire le do rond et un pas de côté, repasser par la case dessin, cesser d’être à côté de la plaque à graver, refaire tourner la roue de la presse avec des monotypes à spirales ou des fragments de corps de lumière jaune… Bref, ne pas trop se laisser à la gamberge, retrouver le goût du faire et le silence concentré de l’agir. Avec un peu de méditation et de qi gong au saut du lit tatami…

Réduire une sensation à l’un des sens, c’est de l’indécence !

« On a longtemps défini le capitalisme comme l’exploitation de l’homme par l’homme. Mais le capitalisme, c’est avant tout une guerre totale à la Nature » a dit le philosophe Frédéric Gros parlant de son récent livre Pourquoi la guerre et citant Bruno Latour, récemment disparu.

Vous avez de difficultés pour écrire l’ordre de voyelles dans le mot « accueillir » ? Pour s’en souvenir, pensez à Un Enfant Intelligent. Merci à N. qui m’a glissé ce joli clin d’orthographe.

Attrapé au détour d’une interview radiophonique, la question d’une journaliste à son invitée : « êtes vous croyante ? ». Cela m’a rappelé quelques aberrantes références religieuses de mon enfance où d’aucun se qualifiait de croyant mais non pratiquant… Étonnant, non ? Je n’en finirai pas d’interroger ce mot « croire » et ses imprégnations séculaires dans nos cerveaux judéo-chrétiens… Faut-il croire à l’écran sur lequel je vous écris ? Je me souviens d’un projet couvé mais non réalisé qui s’intitulait « Je crois qu’une croix croît ». Faut-il continuer de croire en lui ?

J’ai bien ri au flm Mon crime de François Ozon avec l’inénarrable et tonitruante entrée en scène d’Isabelle Huppert. Mais mon préféré ce mois-ci, c’est Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry, flm très documenté sur la justice restaurative qui met en paroles des faces à faces entre des victimes et des auteurs d’infractions. Instauré par Christiane Taubira en 2014 ce dispositif vise à recréer du lien, à soigner, voire à réparer. Film à la parole forte, fort bien joué par une pléiade d’excellents acteurs et actrices, avec mention spéciale à Adèle Exarchopoulos jouant avec finesse la victime d’un inceste « fraternel ».

Vu aussi le flm de Laura Poitras, Toute la beauté et le sang versé, Lion d’Or à Venise en 2022, sur la photographe Nan Golden et son combat contre la famille Sackler, mécène de beaucoup de musées dans le monde mais surtout promoteur de l’Oxycontin, opioïde responsable de la mort de centaines de milliers de personnes aux Etats-Unis.

Dans les lecture du mois : Et la lumière fut. Très beau livre de Jacques Lusseyran, devenu aveugle accidentellement à 8 ans, résistant, déporté puis professeur d’université aux États-Unis. La cécité vue de l’intérieur, ou la formidable puissance de la vue (et de la vie) intérieure.

« J’aurais bien voulu t’écrire une chanson d’amour » chantaient Higelin et Areski dans les années 70. Je les aurais plagiés avec plaisir pour vous écrire une nouv’aile de joie, « mais par les temps qui courent, ce n’est pas chose commode » comme le dit la suite de son refrain.

Au soir d’une longue route de retour du Sud qui vient déposer dans vos pixels quelques œufs en noir & blancs, j’espère néanmoins que vous aurez trouvé dans les jardins de vos cœurs quelques coquilles de joie et de chocolat en forme de Neuf de Pâques.

Mais pas que.

do 9423

QUOI DE NEUVE ? (13)

12 mars 2023 § 0 commentaire § permalink

La syndicaliste et Fenua.

La syndicaliste, c’est un film de Jean Paul Salomé inspiré du livre-enquête de Caroline Michel-Aguirre sur l’affaire Maureen Kearney, syndicaliste d’Areva violemment agressée en décembre 2012, puis accusée d’avoir organisé elle-même cette agression, et finalement relaxée en 2018 par la Cour d’Appel de Versailles sans pour autant avoir été reconnue victime et sans que les auteurs de cette agression aient été identifiés. Remugles vertigineux des coulisses de l’empire nucléaire et de ses lobbys qui font froid dans le dos au moment où le gouvernement s’apprête à mettre en œuvre « le projet de démantèlement de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire [qui] constitue une dérive technocratique dangereuse » comme l’a titré le journal Le Monde. Alors que l’on vient de trouver d’importantes fissures dans le circuit d’injection de sécurité du réacteur nucléaire de Penly en Seine Maritime. Site qui devrait recevoir un des 6 EPR que le Méprisant de la République – comme l’ont bien nommé quelques pancartes syndicales des manifs contre la réforme des retraites – a décidé sans le moindre débat démocratique. Vous qui me lisez peut-être depuis longtemps, connaissez mes obsessions anti-nucléaires nées au cœur des années 70, indissociables de l’effroi, non pas du nucléaire en lui-même – il est hélas là- mais de son éternité radioactive léguée à nos descendants. 

Et quel lien avec le Fenua dans tout cela ?

Aucun (ou presque). Fenua, c’est le titre d’un roman de Patrick Deville, emprunté par hasard à la médiathèque de mon quartier, mais Fenua c’est surtout le nom du territoire fait de toutes les îles, atolls et autre archipels de la Polynésie, qui rassemblés ne feraient même pas la surface de la Corse. L’auteur nous emporte dans le temps et dans l’espace de ce monde, autrement dit dans son histoire et sa géographie. Entre La Pérouse et de Bougainville, Cook et Darwin, Jack London et Robert Louis Stevenson, Melville et Julien Viaud, plus connu sous le nom de Pierre Loti. On y apprend que Gauguin s’embarquant pour Tahiti aurait pu croiser dans le port de Marseille Rimbaud revenant d’Abyssinie. On y rencontre aussi Victor Segalen et Georges Simenon, Elsa Triolet et Alain Gerbault, Moitessier et Romain Gary et c’est un formidable voyage que tracent les pages de ce beau roman.

Et le lien avec la syndicaliste ? À chercher du côté de Moruroa et Fangataufa, lieux de sinistres essais pas très pacifiques …

8 mars. Journée internationale des Femmes, des Droits des Femmes, de la Femme? Comment nommer cette journée en attendant idéalement que tous les jours de l’année le soient ? Alors juste citer Beaumarchais dans l’acte III du Mariage de Figaro : « Nous sommes traitées en mineures pour nos biens et punies en majeures pour nos fautes ».

« Je ne repartirai pas », de Nat King Cole. C’est le swing en français de la musique entendue autour du cercueil d’Agnès Lasalle, professeur d’espagnol tuée par un de ses élèves le 22 février dernier dans un lycée privé de Saint Jean de Luz. Au milieu d’une foule attristée assistant aux obsèques sur le parvis de cathédrale de Biarritz, un homme, seul, danse en portant dans le vide de ses bras l’absence de silhouette de celle qui était sa compagne. La vidéo n’est pas très bien captée, mais l’émotion de l’indicible deuil est là, dans ces quelques secondes de grâce. Prenez temps de les voir.

Le printemps s’approche et comme chaque année je participe à l’exposition Le Printemps des Poètes à la Galerie du Génie de la Bastille avec le tableau La Frontière Carrée que vous pouvez voir en image 1 de cette chronique. Pour toute info : https://www.legeniedelabastille.com/evenement/le-printemps-des-poetes-2023-frontieres/

Je continue tant bien que mal à répondre aux appels à projets malgré l’avalanche d’échos tous négatifs à ce jour. Alors comment continuer ? Chercher encore des réponses…

Et puis filer dans quelques salles obscures pour éclairer l’humeur légèrement dépressive de cette fin d’hiver.

Outre La Syndicaliste, le formidable La Montagne de et avec Thomas Salvador. Comme un énergétique et poétique baptême de pierre en altitude. Vu aussi La Famille Asada, les délicieuses pâtes à modeler de « Interdit au Chiens et aux Italiens « , Le Retour des Hirondelles ( c’est de saison!), Empire of Light, The Son et El Agua.

Puis reprendre une lampée de pages de Jón Kalman Stefánsson avec À la Mesure de l’Univers, suite poétiquement savoureuse de « D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds ».

Mais les vers des poèmes, si ! Puissiez-vous en glisser quelques uns dans les marches de votre équinoxe.

do 9323

QUOI DE NEUVE ? 11

10 janvier 2023 § 0 commentaire § permalink

Trois sourires.

C’est ainsi qu’a débuté l’année 2023 : c’est le titre d’un de mes tableaux vendu le jour de l’An dans le cadre des Minis du Génie, traditionnelle exposition de petits formats à Galerie du Génie de la Bastille. Galerie qui organise du 9 au 15 janvier une exposition JAUNE & BLEU en soutien solidaire à l’Ukraine, dont je ferai l’accrochage avec ma «collègue» et amie artiste Nadya B. Vingt cinq artistes ukrainiens exposent chacun une œuvre avec autant d’artistes français. Pour info https://www.legeniedelabastille.com/exposition/jaune-bleu/

ll n’y aura pas de Miroir aux Baleines à Dinard, la manifestation Les Arts au Clair de Lune pour laquelle j’avais présenté ce projet a été annulée pour l’étrange raison que « la commission Culture de la Ville n’a pas pu s’accorder sur une sélection d’œuvres faisant l’unanimité »!!! Je remets ce projet dans mes cartons et planche comme chaque année sur d’autres appels… Les jours rallongent, c’est le temps de planter quelques petites graines créatives pour les saisons à venir… Posté aujourd’hui un projet de sculpture monumentale et pérenne pour le parc de la Fontaine au Fées, dans la commune de Talant, près de Dijon… À suivre (ou pas!) …

Je vous écris de Saint Denis. Mais que diriez-vous si je vous disais, à l’instar du Maire de Pantin qui a décidé d’appeler pendant un an sa ville « Pantine », que je m’adresse à vous depuis Sainte-Denise ? Ça rajouterait un sourire à cette chronique et ferait sans doute « piquer une crise » de rire à Jacques Higelin !

Pourquoi le temps du passé est-il appelé l’imparfait ? Et quid alors du plus-que-parfait ? Tous deux sont du mode indicatif… Je comprenais, j’avais compris… Mais pourquoi la langue a-t-elle retenu les étranges appellations de ces temps du passé ? Réponses bienvenues… Merci !

Dans les films du mois, Le Lycéen de Christophe Honoré avec le remarquable Paul Kircher. L’austère mais puissant Godland dans l’Islande de la fin du XIXème siècle. Caravage de Michele Placido. Tirailleurs de Mathieu Vadepied, avec le grandissime Omar Sy. Film qui comme Indigènes en 2006 aura, dès le jour de sa sortie une répercussion politique puisque il va (enfin) permettre à 37 nonagénaires anciens combattants d’Algérie ou d’Indochine d’être dispensés de résider au moins six mois en France pour toucher leur maigre pension. Grande est la générosité de la France qui n’arrive toujours pas à regarder son passé colonial en face !!!

J’avais beaucoup aimé son précédent film Three Bilboards. Il en est de même pour The Banshees of Inisherin de Martin McDonagh, une histoire d’amitié qui n’en est plus une dans une petite île de la côté occidentale d’Irlande. Un film à couper non pas le souffle mais les doigts…

Et évidemment Avatar, vu comme le précédent en famille un soir de 24 décembre. Que me reste-t-il des 3h12 de ces prouesses techniques et diluviennes ? Des images plein les lunettes 3D et … ?

Dans ces Nouv’ailes, je ne parle en général que des films que j’aime. Exception sera faite pour Le Parfum Vert de Nicolas Pariser. À éviter de toute urgence !

J’ai poursuivi la découverte de Jon Kalman Stefansson avec les deux premiers volets de sa trilogie, Entre Ciel et Terre et La Tristesse des Anges. Le troisième volume -Le Cœur de l’Homme – étant très demandé (ce qui est très bien) dans les médiathèques de mon quartier, je vais devoir patienter un peu avant de replonger dans le monde si particulier de la langue de cet auteur. En attendant je retourne dans l’univers policier et corrompu de l’Afrique du Sud sous la plume de Deon Meyer pour son récent roman Cupidité. 

À ces lectures, il me faut ajouter deux cadeaux de fêtes : Le Manifeste Intemporel des Arts de la Préhistoire du paléoanthropologie Pascal Picq (un régal des yeux et des mots) et une formidable BD parue l’an passé de Lupano et Chemineau intitulée La Bibliomule de Cordoue (une savoureuse épopée d’histoires et de livres dans l’Al Andalus de la fin du Xème siècle).

Souriez, je vous souhaite de beaux voyages de lecture !

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QUOI DE NEUVE ? (10)

11 décembre 2022 § 0 commentaire § permalink

J’aurais voulu écrire des mots roses mais ceux de l’automne sont plutôt moroses. Le plomb de la guerre en Ukraine pèse depuis neuf mois et un psycho-tsar de foi mauvaise poursuit son insatiable et mortifère désir d’anéantir et sa folie meurtrière. Indicible écœurement. Impuissante colère. Alors pour la taire, je vous partage quelques fils de quotidiens tissés aux brumes de novembre.

Jeudi 10 novembre : La marée républicaine américaine n’est pas trop forte, les russes quittent Kherson et il y 600 lobbystes des énergies fossiles à la COP 27. Scandaleux. Comme chaque mois, quelques échos de ma chronique viennent embellir ma boite mail. Réjouissant.

Vendredi 11 : Marine, petite nièce dont je parlais dans la première série du Journal du Neuf est majeure aujourd’hui. C’était en 2004. Nous avons un demi-siècle d’écart et ça ne me rajeunit pas !!!

Je vais porter à la Galerie du Génie les cinq photos que je vais y exposer dans le cadre du Mois de la Photo.

Henri Anglade, deuxième du tour de France cycliste en 1959 est décédé ce jour à 89 ans. Son nom feure bon la mémoire d’enfance.

Je vais acheter du thé. Je porte encore à la boutonnière de mon manteau d’hiver les rubans jaune et bleu épinglés au printemps dernier lors de la manif pour l’Ukraine. À la caisse de la boutique, une jeune femme blonde m’interroge en anglais « it’s for Ukraine ? » J’acquiesce, elle me sourit et me remercie.

Samedi 12 : Après la séance dense et concentrée de kyudo hebdomadaire, je vais voir Pacifiction d’Albert Serra avec Benoît Magimel, (un peu trop) longue dérive dans l’univers pas si pacifique de Tahiti. Puis je fle au théâtre, invité par mon amie Marie qui empêchée, me donne sa place. C’est Une histoire d’amour d’Alexandre Michalik et moi qui vois beaucoup de films, me régale de voir le jeu des comédiens « en vrai » comme on disait quand j’étais petit.

Dimanche 13 : Jour de Taikai. C’est le mot japonais pour dire tournoi. C’est un jour sans. Une flèche dans la cible sur 20. La pratique d’hier me semble loin. Je reviens légèrement down de cette pratique sisyphienne. Demain sera une autre flèche.

Lundi 14 : Je dévore La Face Nord du Cœur de Dolores Redondo, enquête policière qui se passe à la Nouvelle Orléans pendant l’ouragan Katrina. Et vais voir Armageddon Time de James Gray, chronique autobiographie de son enfance new-yorkaise. J’envoie un projet – Le Miroir aux Baleines – pour un parcours artistique Les Arts au Clair de Lune dans la ville de Dinard, sur le thème « Animal ».

Mardi 15 : Je découvre dans mon petit magasin bio qui s’appelle Le Champ des Rêves une variété de pommes qui s’appelle Pattes de Loup. Variété ancienne, délicieuse, originaire de mon pays d’Anjou ! Je garde l’expo du Mois de la Photo à la galerie du Génie. Puis je file à un cours de dessin de modèle vivant, essayant sans cesse de mettre la ligne d’un corps dans les deux dimensions d’une feuille de papier. Jamais acquis, toujours en recherche… Passionnant !

Mercredi 16 : Travaillé sur un projet pour Horizon-Sancy, festival de land-art dans la région du Puy de Sancy. Il pleut. Je vais voir et aime Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi qui sort aujourd’hui.

Jeudi 17 : Je reste au chaud dans l’atelier face au rhume qui s’approche. En soirée, c’est vernissage de l’expo du Mois de la Photo à la galerie du Génie. Après la rencontre avec les artistes exposants, je vais voir La Maison, flm d’Anissa Bonnefont d’après le roman d’Emma Becker. La vie d’une prostituée vue de l’intérieur d’un bordel de Berlin d’après une expérience vécue par l’autrice.

Vendredi 18 : Je vais me faire dévitaliser une dent. 472€ ! Puis je vais voir Couleurs d’incendies d’après le deuxième tome de la trilogie de Pierre Lemaitre. Pas du grand cinéma, mais un bon moment. Comme une grande BD efficace qui me réjouit. La toile des écrans ouvre des fenêtres d’évasion dans le gris froid de novembre.

Samedi 19 : Concert de Hadouk Duo au Triton, avec Didier Malherbe et Loy Ehrlich. Moment suspendu, hors du temps, magie pure de la matérialité de la musique dans la communion et le silence d’une écoute partagée. Qui me fait revivre l’intense émotion d’avoir eu Didier au finissage de mon exposition de septembre. Merci et gratitude.

Dimanche 20 : Magnifique flm que « Plus que jamais » de Emily Atef avec Vicky Krieps et Gaspard Ulliel. Film sur la fin de vie d’une jeune femme atteinte d’une maladie incurable dans lequel la présence de Gaspard Ulliel, disparu en janvier dernier, trouble et amplifie le motif et les émotions du flm. Profond !

Lundi 21 : Belle expo Préhistoire au Musée de l’Homme conjointe à celle des photos de Lekha Sinh « Les femmes portent le monde ».

Mardi 22 : Walter Sickert au Petit Palais. Découverte de ce peintre anglais (1860-1942) quasi inconnu en France. À la palette un peu trop terne à mon goût. Puis Ariaferma. Somptueux film italien de Leonardo di Costanzo. Film de prison très original et d’une densité de jeu intense et remarquable. Avec Toni Servillo et Silvio Orlando. J’ai voté pour lui pour le palmarès du flm étranger de l’émission Le Masque et la Plume.

Jeudi 24 : Neuf mois de guerre en Ukraine. Un océan de minutes de silence et de compassion ne suffirait pas…

Vendredi 25 : J’ai vu cet été quelques-unes des installations de L’Art dans les Chapelles, dans la région de Pontivy. Je souhaite postuler en envoyant au directeur artistique, par wetransfer, un pdf avec CV, démarche artistique et une cinquantaine d’images de mes installations. Le dossier est téléchargé à 7h32 et je reçois un mail daté de 7h34 disant que «je vous remercie (…) mais votre travail ne correspond pas à l’orientation que je souhaite donner à notre manifestation». Dégouté, je ne peux que répondre en félicitant cet éminent directoire artistique pour la célérité de son regard et de sa réponse !

Christian Bobin s’en est allé. Mon ami artiste Patrick Demazeau dit « Made » aussi. Une triste croix de plus dans l’agenda amical. Mais pour se souvenir https://fr.calameo.com/accounts/626557

Samedi 26 : Week-end de Coupe de France de Kyudo à Eaubonne dans le Val d’Oise. Aux plaisirs de la douce compétition des flèches s’ajoute celui de retrouver les amis kyûdôjins.

Dimanche 27 : Un bel arc-en-ciel troue le gris du matin et me souhaite une bonne journée. Mon club – Kyudo Art & Pratique – termine troisième du tournoi par équipe.

Lundi 28 : Après un long travail de dessin et de rédaction, j’envoie mon dossier pour Horizon-Sancy. Il s’appelle Cratère-Lumières. C’est ma treizième candidature en quinze ans. Vu l’impressionnant Saint Omer d’Alice Diop.

Mercredi 30 : J’envoie ma candidature pour une résidence de deux semaines en avril prochain dans le désert du Karoo en Afrique du Sud. Mon intention se conjugue en trois mots : Pierre, Œuf, Plume. Une version land-art de Shi Fu Mi ? Je file voir Annie Colère, avec Laure Calamy pour me plonger dans les débuts du MLAC à l’orée des années 70. Salutaire.

Jeudi 1 Décembre : Je finis le roman La Volonté de Marc Dugain. Roman sur la vie de son père écrit pendant le confinement. Roman ? « La plus belle des fictions est celle qu’on entretient sur ses proches dans des souvenirs qui jalonnent une mémoire flottante. » dit l’auteur. Grand plaisir à cette lecture du lien entre père et fils. Je vois She Said, le flm sur les deux femmes journalistes du New-York Times qui ont fait tomber Harvey Weinstein. Impeccable.

Vendredi 2 : Belle exposition au Musée Cernushi : L’Encre en mouvement, une histoire de la peinture chinoise au XXème siècle. J’avais adoré Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux mais suis resté à l’écart de Fumer fait tousser.

Samedi 3 : Je commence Le Grand Monde, nouvel opus de Pierre Lemaître, à l’écriture fluide et efficace qui prolonge Au-revoir là-haut dans la France, le Liban et le Vietnam de l’après deuxième guerre mondiale.

Dimanche 4 : Je renoue doucement avec l’activité peinture dans l’atelier en préparant de nouveaux supports à base de papiers de soie collés et de sables colorés comme celui de l’image n°1 jointe. Histoire de juguler les nœuds de doute et de réchauffer le froid des pinceaux.

Lundi 5 : J’envoie une « Arche-Miroir » pour un projet de sculpture dans un parc de la ville du Puy en Velay.

Mardi 6: Là où les choucas nichent, y a t-il des choux-caniches ?


Mercredi 7: Je sélectionne les photos qui accompagnent cette nouv’aile…
Jeudi 8 : … que j’écris entre deux touches d’aquarelle.

Merci d’avoir marché jusqu’au bout sur le fil de cette chronique. Je vous souhaite la paix d’un solstice de neige et le feu de joie d’un flocon de bois.

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QUOI DE NEUVE? (9)

10 novembre 2022 § 0 commentaire § permalink

Meadows, you know ?

C’est le nom d’un homme, Dennis Meadows, co-auteur d’un rapport commandé par le Club de Rome en 1972 intitulé The Limits to Growth (Les limites de la croissance) qui simulait par ordinateur les conséquences de la croissance économique et de nos systèmes humains, techniques, économiques sur le Système-Terre. Ce texte préconisait alors sur le plan démographique la limitation à deux enfants par couple et sur le plan économique la taxation de l’industrie pour lutter contre la pollution…Tout était dit dans ce Rapport Meadows qui refait surface dans le flot de l’actualité, 50 ans plus tard… Mais tout fut tu et foutu avec l’arrivée de Thatcher et Reagan ! Combien sommes-nous à avoir eu raison d’avoir raison trop tôt ? Synchrone, ce rapport émerge à la page 106 de l’émouvant livre de Camille de Toledo Thésée, sa vie nouvelle, quête sensible d’identité familiale qui contraint à rouvrir les fenêtres du temps…

Lire. Lire. Lire. Remède au dé-lire de l’époque. Bouclier contre ce monde d’écrans à cran, asphyxié par les effluves mortifères du gaz russe et les actualités ombrageuses qui mettent à nu et questionnent la fragilité de nos mondes et les énergies de nos modes de vie. Lire pour prendre la hauteur des auteurs, pour ne pas penser l’irréparable. Comment faire pour supporter l’insupportable ?

«Que la force me soit donné de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre.» (Marc Aurèle).

Alors dans les pages d’octobre, quelques autres feuilles de lecture :

David Diop, La Porte du Voyage Sans Retour. Belle langue et beau récit testamentaire d’un naturaliste du 18ème siècle qui tombe en amour avec une jeune femme promise à l’esclavage.

James A. McLaughlin Dans la Gueule de l’Ours. Un gardien d’une forêt de Virginie recherché par les cartels mexicains aux prises avec des chasseurs d’ours…

Donna Leon, Mort à la Fenice. Qu’il est bon de temps en temps de se (re)laisser bercer par la plume vénitienne du commissaire Brunetti.

Peter May, Quarantaine. Peter May a écrit ce roman épidémique et prémonitoire en 2005, opportunément publié en 2020 pour cause de vous savez quoi !

Pas vraiment accroché à la langue d’Alain Mabanckou dans Petit Piment, mais essaierai d’autres ouvrages de cet auteur. Si j’ai bien aimé jadis les aventures policières de Camilla Läckberg, j’ai détesté ce court texte Sans passer par la case départ, plat comme un reliquat d’impôt à payer et sans aucune envergure.

Écouté avec plaisir la série d’émissions de La Terre au Carré « À la recherche des Origines ». Qui n’existent pas car alors qu’y aurait-il avant l’Origine. Question-Vertige du Temps… qui se perd dans la Nuit des Temps… et dans les spirales de mes tableaux !

https://www.radiofrance.fr/franceinter/grille-programmes?date=31-10-2022

Je participe à une exposition collective dans le cadre du Mois de la Photo à la Galerie du Génie de la Bastille avec quatre photos noir et blanc (dont l’image n°5 de cette chronique) et une photo couleur. Le vernissage est le jeudi 17 novembre à 18h. J’y serai de permanence le mardi 15 et vendredi 25 novembre de 14 à 17h. Pour toute info :

Dans les films du mois : Un beau matin, L’innocent, La Conspiration du Caire et un premier flm ukrainien d’avant la guerre, fort, brut et puissant : Le serment de Pamfir.

Moi qui n’ai pas d’enfant, je suis toujours ému quand se tisse une relation d’amitié avec les enfants d’amis. Belle émotion aussi quand cela se passe avec les parents d’amis. J’aime ces amitiés qui font fi de l’âge. Je dédie cette chronique à la mémoire de Monick, maman de Nathaly, Stanislas et Cécile. Et à cette jeune femme inconnue qui a présidé à la cérémonie de crémation avec humanité, sensibilité et douce empathie. Ce qui n’est hélas pas toujours de cas, me confiait une amie comédienne qui anime des sessions de formation auprès des personnels funéraires.

Je dédie aussi cette missive automnale à Michel C., amoureux des belles lettres et complice d’arc dont la corde a lâché pour tourner la page de l’au-delà des cibles.

J’écris ces lignes dans un silence d’automne, relié à votre écran par quelques minutes de lecture et d’images qui viennent de fêter leurs 20ans : les premières colonnes du Journal du Neuf prirent leur envol en octobre 2002.

Puisse cette durée donner encore complicité à ce temps de partage. Et vous remercier jusqu’au bout de cette ligne.

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QUOI DE NEUVE? (8)

28 octobre 2022 § 0 commentaire § permalink

Dans l’Entre & la Roue, il y eut le plein et le vide.

Le plein ce sont les 250 personnes qui sont venues donner regard aux couleurs, matières et formes de mon exposition à la Galerie du Génie. (voir l’image 1 jointe). Quels bonheurs pendant ces deux semaines de voir mes créations ailleurs que dans le fouillis trop plein de l’atelier, sur des murs blancs d’espace où l’énergie de la couleur qui rime avec chaleur attire le passant de la rue de Charonne et quelques yeux amis qui me suivent depuis longtemps…

Le vide, ce fut comme un voile de doutes sur le devenir de cette expérience, sur la rareté des ventes – deux dessins, (image 2) + une petite sculpture – me permettant tout juste d’amortir les frais d’exposition. Puis les tableaux ont retrouvé le sommeil de l’atelier comme plein de leurs camarades qui n’ont été exposés qu’une ou deux fois. Dans le même temps l’Arbre à Miroirs fut démonté et les 432 miroirs or & argent montés sur treillis à béton ont eux aussi regagné les pénates de l’atelier, qui sont comme chacun sait les divinités romaines en charge de la garde du foyer et du feu servant à faire la cuisine. Mais je ne me « plein » pas de ce vide, je le fais. L’automne sera repos et décantation. Si la peinture décante pour qu’elle ne déchante point, les projets continuent leurs appels et La Roue du Temps tourne encore dans mes crayons…

L’exposition me fit grâce d’un final inattendu. Souhaitant faire un mini-concert pour le pot de clôture, mais n’ayant pu faire venir et se rencontrer deux amis musiciens, je songeai à inviter Didier Malherbe, contacté par mail il y a 18 ans pour un projet de musique accompagnant une vidéo de mon installation à Saint Lo « Le Tour de l’Arc en Ciel ». Le projet n’aboutit pas mais le lien électronique demeura via ces Nouv’ailes. Raisonnable, je n’osai pas céder à cette envie un peu folle d’inviter ce merveilleux souffleur qui a joué dans Gong, Magma et dont je me suis beaucoup immergé dans son fameux Hadouk Trio. En général, j’aime bien aller au bout de ce genre d’intuition saugrenue, mais finalement pour une fois, timide, je n’y cédai pas. Alors imaginez l’émotion qui me submergea quand le dimanche soir de finissage, je vis entrer dans la galerie un inconnu avec un chapeau qui me dit «  Bonsoir, je suis Didier Malherbe ». Venu avec dans sa besace, son doudouk – hautbois arménien – dont il sortit une variation de Round Midnight qui me couvrit de frissons, un CD et un livre de ses sonnets, il est reparti avec le dessin Deux Noires pour une Blanche pour sceau de cet instant que l’on pourrait qualifier de «magique » si cette pensée existait… Depuis je l’écoute dans Le Cinquième Fruit, Hadouk Quartet et Hadoukly Yours. Pour les parisiens, retenez la date du 19 novembre, il jouera au Triton au Lilas.

Pour ma part, j’ai beaucoup de mal à rester très longtemps devant un écran pour visionner des vidéos, mais si 40 minutes vous semblent supportables, vous pouvez regarder celle de la conférence que j’ai donnée intitulée « Conversation d’Un Œuf avec La Roue du Temps » en suivant ce lien https://youtu.be/eEoucO0P56g

Je guette sur les rayons de la médiathèque les parutions des livres d’Arnaldur Indridasson. Cette fois-ci c’était « Le mur des silences » et toujours un vrai régal. Mes regards de lecture ont continué de se tourner vers cette terre islandaise avec la poursuite de la découverte de Jón Kalman Stefánsson, dont je vous ai vanté dans ma précédente chronique « Ton absence n’est que ténèbres ». Cette fois c’est « Lumière d’été, puis vient la nuit » paru en 2005 et traduit en 2020. Je pourrais vous dire que c’est la chronique d’un petit village des fjords de l’Ouest islandais, mais cela ne dirait rien de la magie de cette écriture fluide mais envoutante dont la réalité des pages touche de près les fictions que sont nos vies. Je préfère vous citer ce qu’en dit le site Babelio : « Le monde déborde de rêves qui jamais n’adviennent, ils s’évaporent et vont se poser telles des gouttes de rosée sur la voûte céleste et la nuit les change en étoiles. »

Pour varier les univers de lectures, et ce terme est si juste en ces temps où les univers jouent à la bascule qui rime avec bouscule, je suis retourné dans celui de Sylvie Germain où dans un faux polar, elle dissèque « La puissance des ombres » dans les dérives d’un cerveau assassin.

Pour souffler un peu, j’ai assaisonné mes endormissements nocturnes avec quelques BD de Bastien Vivès, dont le très beau et épuré Le Goût du Chlore, suivi des aventures chorégraphiques de la danseuse Polina.

Jeudi 6 octobre : la nouvelle tombe en milieu de journée et l’emplit d’une joie à faire tourner les pages et la tête. Annie Ernaux est Nobel ès Littérature. Puisse une mèche de cette nouvelle arriver jusqu’en Iran !

Je viens de commencer la lecture de « S’adapter » de Clara Dupont-Monod, prix Fémina et Goncourt des Lycéens 2021 et je suis happé dès les premières lignes par cet enfant qui n’est ni abîmé, ni inachevé, ni inadapté… Il est handicapé. Émouvant à faire parler les pierres des Cévennes.

Vu dans le flux des sorties de cinéma en manque d’entrées : Chronique d’une liaison passagère, Ennio, bel hommage à Morricone, Revoir Paris avec en parallèle et contrepoint Novembre, Ninja Baby, Les Enfants des Autres, Le Sixième Enfant et La Femme de notre Temps. Mais mon petit bijou préféré fut ce mois-ci L’Ombre de Goya, et la formidable et réjouissante opportunité de revoir et entendre le subtil Jean-Claude Carrière.

Je n’avais pas beaucoup aimé The Square de Ruben Östlund, palme d’or à Cannes en 2017. Même punition pour Sans filtre, la palme de cette année. Lourd et faussement caustique.

J’ai bien aimé la Une de Libé : « Cinéma français : la maison brûle et nous regardons Netflix » (Non, pas moi, attendant que s’épuise cette boulimie chronophage des séries, façonnage mortifère des temps de cerveaux disponibles…). « Notre seul ennemi c’est le sommeil » a déclaré Reed Hastings fondateur de Netflix.

Restons éveillés !

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