AU 9 RUE DES NOUV’AILES #5

10 janvier 2016 § 0 commentaire § permalink

Comme en terre.
Comment taire … l’envie de silence face au tumulte et au vacarme du monde et de sa complexité?
En continuant à écrire et à dessiner pour faire remonter l’encre sur les pentes de la joie de vivre…. Peu de temps après les assassinats de Charlie, une amie m’avait demandé de faire un dessin à propos de ces attentats. Sur le coup, j’en fus bien incapable. Et puis, après être allé voir l’Humour à mort, le documentaire de Daniel Leconte et continué à regarder pas loin de mon écran l’autocollant “Je suis Charlie”, est venue dans les pas silencieux de mon crayon cette image que je vous livre avec ces Nouv’ailes. Et j’y ajoute une autre, plus personnelle, liée à la rencontre avec Tignous au Festival du Vent à Calvi en 1997.

Il y a tellement d’urgence dans l’air et dans le climat de l’ère qu’il est urgent de n’en plus parler, mais de faire… Mais comment pourra-t-on réparer les siècles d’humiliation que nous avons commis… “Nous refusons de voir que par notre hauteur, notre suffisance, notre morgue, notre avidité, notre cupidité, notre manière de lâcher les bombes puis de partir tranquillement au cinéma, nous avons nous-mêmes engendré ces monstres. Mais il ne faut pas être candide : ce n’est pas pour les civiliser que nous les tuerons, c’est parce qu’il nous font peur. Ce n’est pas avec nos belles valeurs que nous les tuerons, c’est avec nos armes. Et pour ce faire, il faut embrasser au moins provisoirement les mêmes valeurs “primitives” qu’eux: celles de la survie de soi et de la haine pour l’autre” (Nancy Houston , dans le journal Le Un du 6 janvier 2016).

Je me souviens du 9 janvier 2015. Au moment de l’assaut de l’Hyper Casher, je faisis quelques courses dans la supérette de mon quartier. Quatre jeunes gens, barbus et djellabah, faisaient quelques courses et riaient haut et fort. Je me souviens des regards quelque peu gênés des autres clients dont une bonne part de religion musulmane… Un silence se creusa sur le tapis roulant de la caissière.

Comment sculpter des nuages d’encens dansants?

Je me souviens du premier Noël qui m’offrit mon premier train même pas électrique, resplendissant sur la couverture rose fuschia du paquet cadeau. Je fus, sans oser le dire, tout déçu en soulevant le couvercle qui révéla quelques rails métalliques et une locomotive en plastique qui n’avaient pas grand chose à voir avec l’image sur l’emballage. Ce fut là sans doute mon premier vaccin anti pub…

Comment s’appelle la femelle du hamster?

Vu avec intérêt l’exposition “Une Brève Histoire de l’Avenir” au Louvre d’après le livre de Jacques Attali… Ou comment l’homme a toujours cherché à deviner de quoi sera fait le temps demain. Avez-vous remarqué qu’on ne vérifie jamais la justesse des prévisions météo d’hier et d’avant hier. Comme si on avait davantage besoin de l’existence de ce moderne oracle plutôt que de son exactitude.
Dans les pièces de toutes époques exposées, figuraient trois fragments de bronze de Rodin retrouvés dans les décombres du World Trade Center, qui abritait la collection Cantor, plus important groupe nord américain d’œuvres du sculpteur. Ces fragments appartenaient aux Ombres, groupe sculpté qui domine La Porte de l’Enfer. Ce groupe symbolise le désespoir qui étreint les Damnés et incarne la célèbre phrase du poète Dante “Vous qui entrez, laissez toute espérance”.
Alors je suis allé au Musée du Quai Branly voir les expositons “Sépik, arts de Papouasie-Nouvelle Guinée” et “Esthétique de l’Amour” qui présente les beaux objets de ceux qui vivent sur les bords de ce fleuve d’Asie Extrème Orientale.

La femelle du hamster s’appelle … Amsterdam.

Je me souviens qu’au sommet des films du mois, j’ai vu le bien nommé “Au delà des Montagnes” de Jia Zhang-Ke, dont j’avais déjà adoré l’an passé “A Touch of Sin”. Et qui m’a donné envie de relire “Le Dit de Tian Yi” de François Cheng.
J’ai vu et aimé aussi Back Home, Le Grand Jeu et La vie très privée de Monsieur Sim. Et le soir du réveilon de Noël, le très beau noir et blanc de “L’Étreinte du Serpent”, film colombien de Ciro Guerra, une histoire de deux explorations de l’Amazone qui se répondent à 40 ans d’intervalle, au début et au mitan du XXème siècle.

“Il faut pacifier” dit l’explorateur.”Il ne faut pas s’y fier” répond l’indien.

Je me souviens, c’était un lundi matin, je prenais le train en gare de Brétigny-sur-Orge et j’appris à la Une d’un journal qu’il venait d’être assassiné par un extrèmiste juif. . Et avec lui les accords d’Oslo. Alors je suis allé voir “Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin”, le film d’Amos Gitai et ai été effaré en voyant comment déjà, à l’époque le cynique Netanyahou attisait la haine dont on voit les résultats vingt ans plus tard.

Dans les lectures du passage du solstice, quelques nouvelle de Raymon Carver et de Russel Banks, mais surtout les retrouvailles avec Harry Hole dans “Police” de Jo Nesbø. Cela me valut un beau moment de complicité et de partage dans un wagon du métro parisien et quelques nuits heureusement longues à “page-turner” cette belle mécanique de précision policière et littéraire.

Continuez moi l’envoi de poèmes, ils sauront comment dire l’écho de ce comment taire…

Pour faire revenir à la première personne du singulier le présent indicatif du verbe ouïr.

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AU 9 RUE DES NOUV’AILES #4

8 décembre 2015 § 0 commentaire § permalink

Désorienté.

Pourquoi la langue française ne connaît pas le mot « désoccidenté » pour dire le désarroi de l’époque ? Parce que c’est à l’Est que se lève le soleil ? Au moment où j’écris ces lignes, un acteur cite à la radio une phrase de Samuel Beckett « Les mots sont des trous dans le silence ». Que dire de plus quand l’écho des explosions près du Stade de France à deux pas de mon atelier résonne encore à mes oreilles… Dévasté. Démonté. Dépité. Déprimé. Démuni. Mais Déterminé. Je n’ai rien changé à mes habitudes, je continue à sortir pour rester vivant, pour rester debout. Mais je me suis assis à chaudes larmes lorsque avant l’énumération des noms et âges des victimes pendant la cérémonie des Invalides, Yaël Naïm, Camilla Jordana et Nolwenn Leroy ont chanté « Quand on a que l’amour » et Nathalie Dessay « Perlimpinpin » de Barbara « pour retrouver le goût de vivre / le goût de l’eau, le goût du pain / et celui du Perlimpinpin / dans le square des Batignolles ».

Alors continuer à peindre, à créer pour résister, pour dire la vie. Et penser aussi aux victimes à Beyrouth, Ankara, Bamako, Londres ou San Bernardino… Bannir de ses neurones tout ce qui fait de l’étranger un bouc émissaire et ressasser comme un mantra trop vite oublié cette phrase de Romain Gary : « le patriotisme c’est l’amour des siens, le nationalisme c’est la haine des autres »

Pas d’autres commentaires entre les deux tours des élections régionales que cette anagramme attrapé au détour d’une conversation radiophonique : MARINE LE PEN = AMENE LE PIRE.

« La vraie provocation aujourd’hui c’est de faire ressortir la douceur, la poésie qui est en nous, face à la violence et la vitesse du monde. » Bartabas, parlant de son cheval Le Caravage, merveilleusement filmé par Alain Cavalier dont je vous ai déjà dit grand bien dans la précédente Nouv’Aile.

Sur les 150 chefs d’état qui étaient à l’ouverture de la COP 21, une dizaine de femmes seulement… Comme disait Boris Vian « y’a quelqu’ chose qui cloche là d’dans… » ! Pendant ce temps-là, l’alerte rouge à la pollution est déclenchée à Pékin. « Alerte rouge à Pékin ! », le petit livre du président Mao doit se retourner dans son mausolée.

Doit-on dire « des si beaux décibels » ou « des si belles décibels » ?

Dans le cadre du prix de l’appel à projet lancé par l’ANDRA pour « imaginer la mémoire des sites de stockage de déchets radioactifs pour les générations futures », j’ai visité fin novembre, avec la dizaine d’artistes nommés, le laboratoire souterrain à Bure dans la Meuse. Huit minutes d’ascenseur pour descendre à 500 m sous terre au cœur de la couche d’argile qui devrait, si le projet est voté en 2017, accueillir en 2030 et pour quelques siècles les premiers déchets hautement radioactifs. Sous forme de containers d’inox noyés dans des blocs de béton. En remontant de ces galeries d’études, véritable royaume de la techno-science, une impression mitigée et contradictoire domine : les déchets sont une réalité et c’est plutôt réconfortant que leur enfouissement soit géré par un organisme indépendant des producteurs de déchets. Mais effrayant de penser que ce projet est à horizon 300 ans et que ce n’est vraiment pas un cadeau que nous laissons aux générations à venir.

Pourquoi empire, ça rime avec vampire ?

Carpe diem (quam minimum credula postero) : Cueille le jour présent (sans te soucier du lendemain). Cette sentence qu’il est parfois difficile de mettre en acte en cette période vient d’un vers du poète romain dans ses Odes à Leuconoé écrites en 22 avant JC.

Le pluriel de coucou, c’est couscous ?

Au cinéma ce mois-ci vous pouviez choisir entre Les Suffragettes, Les Anarchistes ou Les Cow-boys, de Thomas Bidegain. Avec, en écho avec l’actualité, une nette préférence pour ce dernier qui conte sur une vingtaine d’années les dégâts que provoque le départ d’une adolescente vers les rivages délétères de l’islamisme.

À voir aussi La peau de Bax, thriller hollandais décalé et jouissif d’Alex van Warmerdam, 21 nuits avec Pattie des Frères Larrieu et le magistral Mia Madre de Nanni Moretti. Et si vous aimez les OFNI, objet filmique non identifié, allez voir « Maesta, la passion du Christ » d’Andy Guérif, plan fixe d’1h10, tourné en 7 ans et inspiré par une peinture religieuse du début du XIVe siècle de Duccio di Buoninsegna. Dans les cases de l’écran qui deviennent les bulles d’une BD animée, les acteurs font vivre les derniers jours du Christ en passant de l’une à l’autre.

J’aime faire de ce billet mensuel un moment d’humour, de poésie, d’art, un modeste espace de vie et de partage. Un lien ténu dans la continuité du temps, le vol périodique d’un oiseau de passage, un neuf tendu vers un nouveau à sans cesse (ré)inventer. Puis-je vous avouer ce soir que mon optimisme naturel a pris un coup dans les (nouv)ailes. Et pourtant il le faut : continuer à voler en restant debout, semer des graines d’orient dans l’horizon du monde et garder serrer les poings cardinaux.

Prenez soin de vous et dîtes « je t’aime » à qui vous aimez.

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AU 9 RUE DES NOUV’AILES #3

9 novembre 2015 § 0 commentaire § permalink

Shaku hachi.
C’est sur les notes graves et sensuelles de cette flûte japonaise et d’une clarinette basse, que s’est terminée le 18 octobre dernier mon exposition « À la Vitesse de la Peinture ». Merci à l’ami Jean-Yves qui a si bien marié ses notes improvisées aux couleurs et aux matières dans cet instant de finissage avec les amis partageurs de regards. En bilan de ces dix jours d’exposition, environ deux cent cinquante visiteurs, six gravures et un tableau vendu. « Le Mouvement du Ciel ». Dont vous avez vu un détail dans la photo n°1 des précédentes Nouv’ailes. Et, ce qui n’a pas de prix, la lumière des sourires et l’étincelle d’énergie dans les reflets des pupilles.
Le prix est venu deux jours plus tard avec l’annonce de ma nomination pour l’appel à projet lancé par l’ANDRA pour « imaginer la mémoire des sites de stockage de déchets radioactifs pour les générations futures » (voir photo jointe n°4). Suivie quelques jours plus tard par le retour de Paul Employ qui après m’avoir annoncé la fin de mes droits, m’a attribué un bonus d’Allocation de Retour à l’Emploi ! Les voies de ce pôle sont décidément bien mystérieuses. Cette petite manne imprévue apaise quelque peu l’horizon financier à court terme et va me permettre de continuer mes recherches de jobs et d’expos… Et aussi poursuivre la saison des réponses à appel à projets qui vient de redémarrer… Un bol d’air funambule sur le fil du rasoir…

Une grande chaîne de librairies britanniques vient de retire de ses rayons les liseuses Kindle pour les remplacer par des… livres ! Va-t-on assister au retour de la sensualité du papier face à la froideur digitale ?

Pour ma part, je maintiens mon appel à courts poèmes pour illustrer la cinquième image de ces Nouv’ailes. Que vous avez écrit ou lu, hier ou aujourd’hui. Allez, faites sonner vos sonnets, venez voir un vers avec moi…

Je me suis perdu dans les pages du dernier Modiano, « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier ». Ses méandres du passé m’ont laissé sans fin sur ma faim.
Alors je suis parti au siège napoléonien de la belle Cadix, en 1810 sous la plume précise d’Arturo Perez-Reverte pour une chronique détaillée où se mêlent trajectoires balistiques d’artillerie et enquêtes policières sur meurtres de jeunes femmes. C’est « Cadix ou la Diagonale du Fou ».

Dans le cinéma du mois, il y a deux femmes : Fatima de Philippe Faucon que l’on pourrait aussi nommer Notre Petite Sœur de Hirokazu Kore-Eda. Deux bijoux de merveilles de films…
Et pendant que s’immiscent sur les écrans ces belles sensibilités féminines, Tom Hanks se retrouve Seul sur Mars pour une virile et spectaculaire épopée qui, ouf, ouf, le ramène sain et sauf sur Terre. En écoutant une critique de ce film, j’ai appris que sur Mars le ciel est orange et le coucher de soleil bleu. Ça doit être pour cela qu’on l’appelle la planète rouge !
La Glace et le Ciel est un bel hommage de Luc Jacquet, réalisateur de la Marche de l’Empereur, à Claude Lorius, glaciologue français qui a effectué de nombreuses expéditions en Antarctique. Il eut une intuition géniale lors d’une d’entre elles: glissant un morceau de glace dans son whisky vespéral, il se rendit compte que les bulles contenues dans le morceau de glaçon tiré d’un carottage de la glace polaire étaient faites d’un air appartenant… au passé. Et c’est en exploitant les nombreux carottages faits par les Russes qu’il pût mesurer les taux de dioxyde de carbone et devint ainsi un des premiers lanceurs d’alerte du réchauffement climatique. On pourrait dire que la COP 21 est née dans un verre d’alcool au fond de l’Antarctique.
Le Bouton de Nacre est un film chilien de Patrick Guzman qui fait suite au somptueux Nostalgie de la Lumière. Hanté par le regard d’une disparue dont le cadavre fut rejeté sur la côte patagonienne, ce film fouille le passé de la dictature de Pinochet et étend cette réflexion poétique et politique aux massacres des populations locales. La reconstitution de visu, à l’aide d’un mannequin, de la préparation des corps ficelés à un morceau de rail avant d’être jetés d’un hélicoptère glace le sang de la mémoire.
Qui se retourne dans la tombe de Pablo Neruda dont on attend la confirmation par analyses médicales qu’il aurait bien été assassiné par les sbires du sinistre dictateur.
Pour me réconforter, je suis allé ce matin voir Le Caravage, pas le peintre mais le cheval de Bartabas filmé par Alain Cavalier. Un régal ! L’animal devait lui aussi être très heureux de ce film qu’il clôt en venant… lécher l’objectif de la caméra… provoquant le rire de Cavalier !

C’est Novembre : gardez bien planté votre piolet au sommet de la Montagne du Papillon. Comme une épingle d’argent dans le liège des feuilles de l’automne.

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AU 9 RUE DES NOUV’AILES #2

24 octobre 2015 § 0 commentaire § permalink

Tranquillement, à la Vitesse de la Peinture, je sors tout juste du vernissage.
Près d’une cinquantaine de personnes sont venues partager le punch et la claire transparence de la Galerie du Génie, au carrefour bien vivant de ce quartier du 11ème arrondissement parisien. J’ai beaucoup de plaisir à regarder le regard des visiteurs et écouter les messages que la peinture leur envoie. Pas de points rouges à l’horizon pour l’instant, mais l’envie joyeuse de passer les après-midi à venir dans les paysages et les silences de mon univers pictural. L’exposition est ouverte du mercredi au dimanche de 14h30 à 19h30, jusqu’au dimanche 18 octobre. Ce soir je ne joindrai pas d’images d’ensemble de cette exposition, tellement je mesure le fossé entre la présence devant la peinture et sa reproduction dans les miroirs électroniques. Juste quatre détails comme autant de petits cailloux mystérieux posés sur le chemin qui vous mènera au coin de la rue de Charonne et Léon Frot. Welcome ! Je vous y attends de pied doux…

« Pour voir il ne faut rien savoir. Il faut juste savoir voir » citation d’un peintre expressionniste allemand captée au vol d’une émission de radio

Merci aussi à celles et ceux qui m’ont envoyé un court poème suite à mon appel à recevoir de la poésie lancé dans le #1. Je réitère cet appel à vers, strophes ou autres alexandrins avec l’idée « saugrenue, forcément saugrenue » de vous envoyer à la fin de la saison, en juin prochain, cette compilation aléatoire des poèmes du Neuf. Ce mois-ci, un sonnet de Garcia Lorca envoyé par Janie R.

Savez-vous où a été inventé le triathlon ? C’est en banlieue : Tu vas à la piscine en vélo et tu reviens à pied.

Dans les lectures du mois, Le Nouvel Amour de Philippe Forrest dont j’avais adoré Le Chat de Schrödinger qui poursuit avec une formidable acuité l’exploration de ses émotions suite à la disparition de sa fille et à la résurgence du sentiment amoureux et de ses aléas.
Le poids du papillon. Dense petit livre d’Erri de Luca, vous savez, cet écrivain italien qui risque 5 ans de prison pour avoir appelé au « sabotage » de la ligne TGV Lyon Turin. Bien plus qu’un face à face entre un chasseur et un vieux chamois…
À ne pas lire dans le métro « Suite à un accident grave de voyageur », court et brillant essai d’Éric Fottorino sur les suicides dans les transports en commun. À ne pas lire non plus en vélo.
Et aussi Les Nuits de Reykjavik d’Arnaldur Indridasson, où l’on retrouve l’inspecteur Erlendur à ses débuts.
Sans oublier, vrai régal, le dernier Vargas, Temps Glaciaires. Miam….
Je venais de commencer à lire « Daisy Sisters », premier roman d’Henning Mankel publié en Suède en 1982 et récemment traduit en français quand est lourdement tombée la nouvelle de sa mort en ce lundi 5 octobre suite à une longue maladie nommée cancer. Il faut lire et relire ce grand humaniste, pour ses polars bien sûr, qui sont bien plus que des policiers mais aussi ses romans et ses ouvrages pour la jeunesse que ce gendre de Bergman avait tissés au fil de sa vie partagée entre Suède et Mozambique. Salut l’ami et grand merci !
Je n’ai pas eu le temps de me remettre de cette bad news que tombait tout aussi sombre celle de la disparition de Chantal Ackerman. Alors j’ai, comme Aurore Clément dans les Rendez vous d’Anna en 1978, fredonné tout bas : »Moi j’essuie les verres au fond du café… »

Les femmes raisonnables vont au paradis, les autres vont où elles veulent.

Et je me suis souvenu que ce mois-ci j’ai vu avec grand plaisir Dheepan, Youth, Les chansons que mes frères m’ont apprises, Marguerite, Much Loved. Et revu le génial Tampopo, chef d’œuvre japonais érotico-culinaire sorti en 1987. Et aussi L’odeur de la Mandarine. Et que c’est bon en ces temps plus que troubles d’avoir cette autre fenêtre sur l’actualité du monde.

« Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit ». Mais savez-vous où est l’œil de la nuit?

Les prochaines élections régionales vont avoir lieu en même temps que le grand raout de la COP 21. Que pourra-t-on dire de cette collision spatio-temporelle entre la vie des (nouvelles) régions et le destin de la planète ?
Et je repense à cette Hypothèse Gaïa énoncée à la fin du siècle dernier par l’écologue anglais James Lovelock qui, je résume, voyait l’ensemble des êtres vivants sur la Terre comme formant un super organisme doué d’une intelligence propre. Et il m’arrive parfois d’avoir envie de hurler en pensant aux milliards que la science dépense pour découvrir que « tout » est relié. Ah si les colons de race blanche n’avaient pas massacré tous les amérindiens et autres « sauvages »…

« J’aime la photographie parce que ça ne ressemble pas à ce que je vois » a dit Jean Michel Ribes en parlant de son autobiographie qu’il vient de publier sous le titre Mille et un morceaux.

Dans une année-lumière, il y a 9 454 254 955 488 000 kilomètres. Pensez-y en regardant les feux des feuilles de l’automne qui tombent des étoiles suspendues aux branches des arbres.

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15 septembre 2015 § 0 commentaire § permalink

Les Nouv’ailes se renouvellent…

Et repartent pour la construction d’un immeuble de 64 étages qui nous mènera au terme de 2021, avec toujours quelques mots et quatre images pour dire les petits bonheurs de la création, de la lecture, du temps qui passe et des humeurs qui le parfument. Zone franche et libre sans aucune obligation de quoi que ce soit.

En bonus, et en mémoire de Stéphane Hessel que la poésie a sauvé lorsqu’il était dans les camps nazis, une cinquième image, en noir et blanc, qui pourra accueillir un poème que vous m’aurez envoyé. Ceci est donc bien un appel à poèmes : au gré de votre envie, sans urgence ni pression, envoyez-moi un (court) poème que vous aimez et qui viendra glisser ses ailes de mots dans le bal de la Rue des Nouv’ailes. Pour ce premier numéro, j’ai choisi Ulysse de Joachim du Bellay sur une photo de ma série « Peupleraie la Bourgogne » variations saisonnières autour d’une plantation de peupliers réalisées dans l’Yonne en 1994. Pour tisser et faire rimer solitude avec multitude.

« Ne te courbe que pour aimer » (René Char, cité par Guillaume Gallienne dans son émission « Ça peut pas faire de mal » sur France Inter le samedi à 18H15.)

L’été fut travailleur et vadrouilleur. Après les aventures luxembourgeoises et solognotes (La Biennale de Sologne se tient jusqu’au 20 septembre, avec en ce moment, sur la place du joli village de Chaumont sur Tharonne cinq sculpteurs qui taillent en direct de belles billes de séquoia ou de cèdre – c’est à voir !) ce fut intense activité à l’atelier pour préparer l’exposition à Paris à la Galerie du Génie qui se tiendra « à la vitesse de la peinture » du 8 au 18 octobre prochain. Je vous en reparlerai en temps utile.

Mais ne vous dirai rien des affres courtelinesques de Pôle Emploi qui me promis en février une prolongation d’allocations de chômage de cinq années pour m’annoncer mi-août que cette mesure ne s’adressait qu’aux personnes au seuil de la retraite nées en 52-53. Et je suis né en 54…. Administration du vertige auquel j’ai décidé de ne pas céder. Enfin, d’essayer …

Il se sent sûr ou il se censure ?

Puis il y eut la belle visite de la Saline Royale d’Arc-et-Senans dans le Doubs, et la balade aux gorges de la Loue près d’Ornans (mais le musée Courbet était hélas fermé ce mardi-là) sur la route de Suisse et où j’ai encore raté mon troisième dan de Kyudo pour cause de trop grande fébrilité en situation d’examen.« Si tu veux tirer une flèche de vérité, trempe sa pointe dans du miel ». Il me reste encore des cordes à butiner !

Puis déconnection totale avec les amies randonneuses dans les Pyrénées centrales. Cirque de Gavarnie, Brèche de Roland… Que ces moments de paix et de camping, de chants et d’échanges, de rires et de silence me sont chaque année de plus en plus nécessaires. Pour faire rêver solitude avec altitude…

« Savoir ce que l’on fuit, oublier ce que l’on cherche » (Montaigne)

Et enfin la remontée vers septembre et le nord, les haltes amicales chez les amis d’Oloron (avec l’incroyable visite de la grotte de Laverna < www.laverna.fr > près du gouffre de la Pierre-Saint-Martin dont la salle principale peut contenir dix fois la cathédrale Notre Dame). Sans oublier ceux de Pau, du Gers, ou de Sologne où il m’a fallu redresser quatre des sept lettres de NATURES que le vent malin avait fait choir.

Quel est le propre de l’homme ? Le rire, a dit Bergson. La saleté, réplique Daech en pulvérisant Palmyre.

La nuit nuit-elle ?

Dans les films de l’été, La Isla Minima, Lena, Love, Floride, Sur la Ligne.
Dans ceux de la rentrée, avant d’aller voir Dheepan, j’ai aimé La Belle Saison de Catherine Corsini et surtout Le Tout Nouveau Testament de Jacob Van Dormael. Un joyeux et poétique délire belge où Dieu finit par aller fabriquer des lave-linge en Ouzbékistan. Fortement réjouissant et vivement conseillé !

Dieu est un crime parfait. Quand le crime est parfait, nul ne le sait et il n’existe pas !

Dans les lectures estivales, Confiteor du catalan Jaume Cabré, roman érudit, bouillonnant d’espace et de temps où l’auteur réussit le prodige de passer du « je » au « il » dans la même phrase. À la fois déroutant et envoûtant.
Et aussi Americanah, de Chimamanda Ngozi Adichie, américano-nigériane qui tisse et tresse des histoires d’immigration et de cheveux entre Nigéria, Angleterre et États-Unis. Un éclairage littéraire qui trouve troublant écho dans les migrations tragiques de l’actualité. On peut aussi à ce propos lire ou relire Eldorado de Laurent Gaudé. Et se demander pourquoi on dit « expat » quand des français partent à l’étranger et « migrants » quand des étrangers viennent en France…

Que l’arrivée de l’automne vous murmure dans le vent des feuilles dorées la Bienvenue sur les chemins qui migrent par la Rue des Nouv’ailes…

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LES (dernières) NOUV’AILES DU NEUF n°64

11 juin 2015 § 0 commentaire § permalink

Le Temps du Neuf.

Combien de battements de cœur l’ont rythmé?

Il y eut d’octobre 2002 à février 2009 LE JOURNAL DU NEUF et depuis mars 2009, LES NOUV’AILES DU NEUF. Deux fois 64 chroniques qui murmurent l’erre des créations, les traces de pinceaux, les pages tournées, les films rencontrés, les mots jetés au bout du quai du clavier, tout ce qui fait aimer et douter, croire et chanter, peindre et caresser, assaisonner et relever…. Sans cesser de se demander à quoi ça sert… de se demander à quoi ça sert ….Et puis aux détours d’une belle fête sous les murs du château de Grignan, l‘échappée d’une confidence qui dit l‘assiduité aux lectures silencieuses des Nouv’ailes… Une bouffée de chaleur à grappiller tous les raisins de la vie….

Alors, douter encore puis vite redescendre à l’atelier continuer à préparer l’exposition de l’automne « À LA VITESSE DE LA PEINTURE », du 8 au 18 octobre prochain… Oyez, Oyez, je vous y convierai!

Pourquoi Enfant, ça rime avec Éléphant ? Parce que Histoire, ça rime avec Mémoire !

Pendant l‘escapade ardéchoise, il y eut le crochet par Chauvet, voyage dans le temps de l’avant et de l’après histoire….

Dans quelques jours je pars en Sologne créer « Les Anagrammes de Saturne » dans le cadre de la biennale Sculpt’en Sologne (voir Nouv’ailes n°60). Et surprise de juin, je file début juillet vers le Grand Duché du Luxembourg réaliser LE LABYRINTHE VERTICAL, sculpture pérenne dans le parc Ouerbett dans la petite ville de Kayl. Gardez le fil du dédale de l’Art…

« Ma mamy est couturieuse » m’a dit un des bambins du mercredi de la MJC de Ballan-Miré…

Et dire qu’il faudrait se réjouir, au nom du sacro-saint emploi, de la rafale de ventes de Rafales qui fait assaut de joie chez la maison Dassault et consorts… Mieux vaudrait capter les rafales de vent avec de pâles éoliennes et faire de délicieuses hydroliennes avec des hélices de sous-marins… Cela refroidirait un peu le climat de guerre qui s’étend sur la planète… Mais restons sérieux : ce ne sont là que billevesées d’artiste et utopies de pouèt-pouèt… Et surtout veillons soigneusement à bien vérifier les soupapes de l’EPR de Flamanville….

« Un amour qui finit est un amour qui n’a jamais commencé » Cette phrase a été prononcée à la radio un jour, ou peut être une nuit, par le chanteur belge Philippe Lafontaine, il y a sans doute une vingtaine d’années… Pourquoi m’est-elle restée gravée dans le creux de l’oreille ? Sans doute parce que, comme le chante Juliette Gréco : « Aimez vous les uns les autres ou disparaissez » !

Il faut mettre un peu de temps entre chaque livre de Murakami pour en déguster tous les charmes de sa fantastique poésie du quotidien très légèrement décalée et ainsi vertigineuse de puissance et de plaisir… Ce mois-çi, ce fut « L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage ». Miam miam…

« J’ai pelé une pomme et ne suis pas coupé le doigt » a dit Ève. « Normal, tu n’étais pas coupable, a répondu Adam. C’était pieux mensonge que ce Jugement Dernier ». « Il va falloir repeindre la Sixtine », a conclu Michel-Ange.

S’il n’y avait qu’un film à voir ce mois-ci, ce serait « Trois souvenirs de ma jeunesse » d’Arnaud Despleschin avec de si bons et beaux acteurs qu’on en oublierait de vieillir. Mais on peut voir aussi La Tête Haute, Titli, chronique indienne, Le Labyrinthe du Silence, et Une Femme Iranienne. Et aussi La Thérapie du Bonheur et bien sûr, La loi du Marché qui ne sont pas les deux faces d’une même pellicule !

Comme à chaque mois de juin, je clos cette chronique dans le cocon des souhaits d’un bel été… Et quand septembre s’en viendra, la chrysalide renaîtra, porteuse de nouvelles ailes qui vers vous s’envoleront.

Pour que dure le doux temps du Neuf.

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DES NOUV’AILES DU NEUF n°63

13 mai 2015 § 0 commentaire § permalink

13 mai 2015

Un beau moment d’humanité avec de vrais humains dedans.

C’est la raison pour laquelle ces Nouv’ailes voyageuses paraissent avec quelques jours de décalage horaire. C’était le week-end dernier, sur la côte de Jade, la fête à Mimi. Il serait impropre de dire que c’est une vieille amie, tellement ce vocable ne lui sied pas au teint. Disons plutôt une amie de longue date, même si l’amitié n’a pas grand-chose à voir avec les dates. Ils étaient venus de Vendée, de Grenoble, des Cévennes, de Montpellier, de Nantes, de Paris, de Londres et d’ailleurs pour danser, rire, blaguer, chanter et même pour certains se baigner… 😉 Un doux mélange explosif d’émotions qui n’a pas fait la une des journaux, et comme dit la chanson « c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi çà veut dire beaucoup » ces parfums d’amimitié qui se moque du temps qui passe…

Nicolas Hénin, qui fut otage en Syrie raconte dans son livre Jihad Academy que ses gardiens étaient grands fans de Game of Throne… Du bienfait des modèles véhiculés par ces déferlantes de séries dont il est convenu et convenable de dire le plus grand bien….

La pluie ne m’a pas permis d’honorer mon cadeau box avec un survol du Mont Saint Michel en ULM. Mais j’ai pu me balader sur les magnifiques plages et côtes du Cotentin, alternant les émotions entre la douce maison de Prévert, l’imposante et funèbre usine de la Hague, le tumultueux raz Blanchard défilant sous le Nez de Jobourg pendant que l’EPR de Flamanville fait exploser son budget et hypothèque l’avenir des générations qui viennent…

Que faire sans être ni Cassandre ni tomber dans le « on vous l’avait bien dit » ? Choisissez votre catastrophe préférée (un accident nucléaire majeur dans la vallée du Rhône, une crue centennale à Paris, un tremblement de terre sur la Côte d’Azur, la pollution généralisée des nappes phréatiques ou la réouverture des permis de recherches de gaz de schiste…) En Bonus, relisez la Route de Cormac McCarthy pour me consoler de mon trop plein d’idéalisme artiste à voir le monde aller comme il va mal …

N’oubliez pas que vous êtes en train d’activer quelques-uns de vos cent milliards de neurones, que nous sommes cent milliards d’humains à être passés sur Terre, qu’il y a au moins cent milliards de galaxies dans l’Univers. Et relire quelques-uns des sonnets du fabuleux livre de Raymond Queneau intitulé « Cent mille milliards de poèmes ». Fait de languettes de 14 lignes d’alexandrins qui peuvent se combiner entre elles, c’est aussi une belle image de l’infini puisqu’il est certain que vous ne viendrez jamais à bout de ces lignes.

Parfois les citations entendues sur les ondes se font écho entre elles. Ainsi « De toutes les vicissitudes de la vie, on peut faire ce que l‘on veut » (Novalis cité par Wouajdi Mouad, auteur des pièces de théâtre Incendies et Sœurs) rebondissait sur « Il faut toujours transformer les coups du destin en instruments de la Providence «  qui était une des devises de Jean Louis Barrault.

Écouté avec délectation Fabrice Arfi, journaliste à Médiapart parler de son livre « Le Sens des Affaires » à propos de celles de Monsieur Nicolas S. confirmant une intuition que j’ai depuis longtemps. À savoir que son retour n’est qu’une manip destinée à faire un maximum de bruit pour noyer dans les décibels médiatiques les échos de ses démêlés judiciaires… Et ça marche bien… http://www.franceinter.fr/reecouter-diffusions/953576

Dans les fils du mois, l’argentin Jauja, le japonais La Maison au Toit Rouge, le Wenders Every thing will be fine et Le Rappel des Oiseaux, étonnant et troublant documentaire sur le rituel tibétain des funérailles célestes des corps offerts aux becs des vautours lorsque l’esprit du défunt s’est déjà envolé….…

Je participe à un club de lecture dans la médiathèque de mon quartier. Échange convivial de conseils, partage d’impressions de lecture… Au menu de ce mois, l’Afrique du Sud. Outre Deon Meyer dont j’ai déjà vanté les mérites dans ces colonnes, lu un très beau roman de Nadine Gordimer, prix Nobel 1991, « Un amant de fortune », contant la relation entre une blanche et un immigré qu’elle suit quand il est expulsé d’Afrique du Sud et retourne dans son village d’origine. Un roman de 2001, toujours d’universelle actualité. Et je dévore dans le train qui me ramène à l’atelier « Les Imaginations du Sable », belle saga du grand écrivain André Brink récemment décédé.

Je retrouve bien secs les fonds préparés avant les pérégrinations printanières. Le temps a fait son œuvre et la préparation de mon exposition parisienne d’octobre prochain va se poursuivre « à la Vitesse de la Peinture » …. En passant par « Les Anagrammes de Saturne », fin juin dans le cadre de la biennale Sculpt’en Sologne.

En ce mois qui plaît, je vous souhaite une belle huMainité.

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DES NOUVAILES DU NEUF N°62

9 avril 2015 § 1 commentaire § permalink

« À la Vitesse de la Peinture »

Ce sera le titre de mon exposition en octobre prochain, du 8 au 18, à la Galerie du Génie, là où j’ai exposé à l’automne dernier. C’est bonheur que d’œuvrer aujourd’hui dans cette perspective et l’atelier se remplit de toute cette promesse. Le bois se fait sabler, la toile se colle aux papiers de soie à travers le grillage à maille carrée et la main vibre entre préhistoire et mécanique quantique. Si « la mesure de l’amour c’est aimer sans mesure », alors je peux ici affirmer que j’aime de tout mon cœur « ce beau métier qui est le nôtre » comme me l’a écrit récemment une amie et collègue artiste.

Grande réjouissance au Musée d’Orsay à Paris avec la sublime exposition de Bonnard dont la peinture prend avec le temps une magnifique ampleur et l’élève à l’égal des plus grands (Et en parlant d’élève, si je n’avais qu’un maître en peinture, ce serait lui, l’homme et le peintre qui suivit toute sa vie la voix intime de son chemin). Cette visite me ramena au temps du retour du Québec et de mon arrivée à Paris lorsque je découvris cet artiste lors de sa première grande rétrospective à Beaubourg en 1984. J’appris alors que bon nombre de ses toiles avaient été bloquées pour une sombre histoire d’héritage, ce qui expliquait qu’il n’y ait pas eu de grandes expositions depuis sa mort en 1947. À l’occasion de cette lumineuse « Peindre L’Arcadie », j’ai aussi appris que Bonnard était, excusez du peu, le peintre préféré de Bacon et que Picasso n’avait jamais pu s’en faire un ami ou un ennemi. Et je me réjouis à l’avancer de lire prochainement « Bonnard, carnets secrets » d’Olivier Renault qui vient de paraître. À voir en replay sur Arte, Bonnard les couleurs de l’intime : http://www.replay.fr/players/b19f556a20f84347284c682310d211cc

On vient de découvrir chez le fils d’une amie qu’après la chute de ses dents de lait, celles qui poussent sont … sans émail ! Il semblera bien difficile de mesurer les causes de cette malformation…. Mais je pense que l’on a pas fini de découvrir les ravages souterrains des perturbateurs endocriniens, à l’image de ces petites-filles et arrières petites filles des femmes qui prirent dans les années soixante du Distillbène et qui en subissent encore aujourd’hui les conséquences…

Eu récemment le plaisir de renouer avec quelques spectacles de théâtre dont notamment Ligne de Failles d’après le livre de Nancy Huston. Outre la qualité de ce spectacle, ce qui m’a frappé, c’est la sensation de vérité et de présence au réel des acteurs qui émanait de ce moment théâtral et me faisait mesurer la place qu’a prise dans nos vies le « réel enregistré », qu’il soit musique, image, mot, mouvement ou information…. Là cette soirée méritait bien le titre de « spectacle vivant » et invitait à méditer sur la nature et la profondeur des émotions qui naissent de « l’enregistrement du monde ».

Savez-vous ce qu’est la Netarchie ? Grâce à la capacité sans fin qu’a le capitalisme d’inventer des mots nouveaux pour dire encore et encore la sempiternelle propension à cannibaliser l’humanité et infantiliser l’avenir du monde… La Netarchie, c’est la galaxie des « world compagnies » qui règnent sur le Net… Google, Apple, Amazon, Facebook… Tiens ! elles sont toutes from USA…

Lu d’une seule traite Charlotte Salomon, roman de David Foenkinos. Dans ce texte aux allures de poème scandé de phrases courtes, il évoque à travers la trajectoire de cette peintre le sinistre Aloïs Brunner qui œuvra comme chef de la Gestapo à Nice, à qui elle dût sa déportation et qui termina tranquillement ses jours d’assassins nazis… en Syrie. On ne me fera pas croire qu’il n’a pas laissé quelques terrifiantes recettes dans cette contrée qui vit les origines de nos civilisations, aujourd’hui dévastée….

Lorsqu’un véhicule rate un virage, peut-on dire que le fossé a été faussé ?

« Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées » disait Winston Churchill. Il faudra certainement faire un sondage pour savoir combien de Français croient à cette sentence et combien pensent que les sondages ne sont là que pour conforter une vision dominante et formatée de la réalité. On y ajoutera une autre enquête (en quête ?) d’opinion pour savoir combien de nos concitoyens pratiquent l’art du mensonge quand ils répondent à ces questionnaires.

Qui se souvient encore aujourd’hui du nom dont a été baptisé le cyclone qui a ravagé le Vanuatu il y a moins de quatre semaines ? Pam pam pam pam….

Où sont les racines d’un arbre généalogique ? C’est la pensée qui me vint en commençant, il y a deux jours le roman de Pierre Lemaître – Goncourt 2013 – intitulé Au revoir là-haut et qui débute à la fin de la guerre 14-18. Et me poursuivit à travers la figure de mon grand père, Alphonse qui y fut gazé et reçut un éclat d’obus dont j’ai gardé le souvenir intact, les rares fois où je vis la cicatrice qui zébrait la peau diaphane de son dos de paysan aux mains et visage burinés par le soleil des travaux des champs. Quelques centimètres de plus à droite ou à gauche sur la trajectoire de cet éclat de guerre et je ne serai pas dans ce train… en train d’écrire ces quelques lignes.

Pourquoi dit-on un tonnerre d’applaudissement alors que, si l’on écoute bien, ça ressemble plutôt à la pluie ? C’est ce que je me disais à la fin de « Gaspard de la Nuit » de Ravel entendu dans la nouvelle nef parisienne de la musique qu’est la Philharmonie (quel beau mot que celui-ci qui « aime l’harmonie ») et que j’écoute en CD dans la version pour piano d’Anna Vinnitskaya en écrivant ces Nouv’ailes.

« Se rappeler avec plaisir le plaisir d’avoir eu du plaisir ». Lu cette belle phrase à l’annonce de la mort de la journaliste et écrivain (je n’arrive pas à écrire « écrivaine », ça rime trop avec vaine) Michèle Manceaux, belle et lumineuse femme dont je me souviens avoir lu à l’orée des années 80 son livre Grand Reportage. Cela parlait d’intime, de dépression, d’une route vers Avallon qu’elle entendait « avalons » et de repère qu’elle prononçait « re-père ».

Dans les fils du mois de moi, il y a Hacker –thriller qui débute par un piratage d’une centrale nucléaire à Honk-Kong et son pendant documentaire Citizenfour sur Edward Snowden. Un bijou islandais : Paris of the North. Et dans la séquence rattrapage, Sils Maria avec « La » Binoche. À voir aussi L’Antiquaire avec le face à face Bouquet/Hirsch. Le journal d’une femme de chambre de Benoît Jacquot. Et Voyage en Chine avec « La » Moreau (pas Jeanne, mais Yolande).

Il y a une ironie quelque peu amère à constater que la mémoire dysorthographique de l’Histoire a retenu le nom de Christophe Colomb pour la découverte de l’Amérique alors qu’en réalité il s’appelait Christophe Colon.

« La beauté, c’est quand il n’y a plus rien à enlever ».

En avril ne te découvre pas d’un fil. Et le printemps sera beau.

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Pour cause de « Fête à Mimi », les prochaines Nouv’ailes ne paraîtront que le 13 mai.

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DES NOUV’AILES DU NEUF n°61

30 mars 2015 § 0 commentaire § permalink

Lundi 9 mars, hors réseau.
Je reviens d’une longue balade aux bords des étiers de l’estuaire de la Loire. La lumière est magnifique et j’écris ces lignes à la musique du feu qui chante, chuinte et ronronne en cheminée.

« Plus il y a de poésie, plus il y a de réalité »­ a dit dans le poste Jacques Bonnafé qui préside cette année le Printemps des Poètes. Quand on lui demandait ce que voulait dire un de ses poèmes Paul Valéry répondait : « il ne veut rien dire, il veut faire ». Ne jamais oublier que l’étymologie de poésie vient du latin poesis lui-même issu du grec ancien ποίησις, poíêsis qui signifie « action de faire, création ».
L’an passé, le Centre Pompidou a modestement fêté les 25 ans de l’exposition « Les Magiciens de la Terre » dont je continue à utiliser le catalogue pour faire sécher et aplanir mes tirages de gravures. Et, à chaque fois que je le feuillette, je songe à la transformation du regard qui s’est opéré depuis ce quart de siècle. Cette exposition proposée par Jean-Hubert Martin suscita en son temps polémique et scandale : pensez donc, on osait mettre sur le même plan le regard d’artistes venus de tous les coins de la planète, signant ainsi la fin du regard occidentalo-centré. Ce fut aussi à cette époque que le Musée Dapper pris son essor annonçant Le Pavillon des Arts Premiers au Louvre et ensuite le Musée du Quai Branly. À avoir les yeux au plus près de cette transformation, se rend-on vraiment compte de quelle mutation profonde elle porte le sens ?

Benoît Jacquot à propos de son cinéma : « je conjugue tout à l’inchoatif, ce temps grec qui n’existe pas en français et qui indique que l’action en est à son début : s’endormir plutôt que dormir ». Ce qui se passe en Grèce depuis les récentes élections se décline-t-il à ce temps inconnu de notre langue ? Étrangement indulgent avec le nouveau tsarisme russe qui joue à chambouler le dessus et les dessous des cartes du monde, doit-on y voir l’omnipotente influence de la religion orthodoxe, qui ne l’oublions pas est un des premiers propriétaires grecs ! Une pope-révolution ne serait-elle pas bienvenue pour sortir la Grèce des ornières financières où, gabegie des jeux olympiques aidant, elle s’est enfoncée ?

Quand les parties soit-disant fines sont ainsi révélées, La Justice peut-elle être en Carlton ?

La participation aux séances d’un café littéraire dans la médiathèque de mon quartier m’a amené ce mois-ci à lire deux livres bâtis sur le même procédé, à savoir un écrivain met sa plume dans la vie d’un personnage pour en faire un roman avec toute l’ambiguïté dont est porteur ce terme aux frontières floues des fossés entre fiction et réalité. Qui est probablement aussi celui entre croyance et attention.
Ainsi « Nina Simone, Roman » qui trace non sans une certaine poésie sous la plume de Gilles Leroy le destin chaotique de celle qui, de son vrai nom Eunice Kathleen Waymon (Simone, c’était en hommage à la Signoret) fut une des rares à être virée du Pop-Club de José Arthur pour cause d’insupportabilité chronique et de bipolarité éternellement insatisfaite. Mieux vaut à mon sens en revenir à sa voix et sa musique plutôt qu’à cette lecture somme toute assez déprimante.

Plus réussi est « La petite communiste qui ne souriait jamais », roman de la vie de la gymnaste roumaine Nadia Comaneci par la romancière également chanteuse Lola Lafon. Pages d’échanges épistolaires entre l’auteure et la sportive vivant aujourd’hui aux USA dans lesquelles est mis aussi en scène le processus de création du livre. Ce qui en plus de faire connaître les méandres de cette étoile filante roumaine permet de jouer avec la perception et la restitution de la réalité de cette époque d’avant le mur et de ses données politico-sportives.

S’il n’y avait qu’un film à retenir de cette fin d’hiver, ce serait « Vincent n’a pas d’écailles » de et avec Jacques Salvador. L’histoire belle et tendre, drôle et subtile d’un type ordinaire qui devient super puissant dès qu’il est en contact avec l’eau. Avec en prime la plus longue caresse du monde !
À voir aussi, « Les merveilles » fable italienne autant qu’apicultrice, « Réalité » de Quentin Dupieux pour la jubilation des mises en abîme qui retombent sur leurs pattes cinématographiques et « L’enquête » si vous n’avez pas encore compris les arcanes de l’affaire Clearstream. « American Sniper » si vous n’êtes pas encore persuadé de la connerie de la guerre et en particulier de l’intervention américaine en Irak. C’est parfaitement maîtrisé, indécrottablement aveugle sur les raisons de cette guerre et malsain de troublante apologie de ce personnage qui apparaît dans sa véritable identité au générique de fin de ce film qui a engrangé aux USA plus de 337 millions de dollars de recettes, record de 2014 alors qu’il est sorti le 25 décembre ! Flippant !

Et bien sûr les retrouvailles magistrales avec Inaritu et son époustouflant « Birdman » dont j’ai encore dans les oreilles la percussive batterie qui accompagne la fluidité des images qui courent entre théâtre, cinéma, rêve et réalité.

Mardi 10 mars. Il semblerait que la télé-réalité devienne un sport de plus en plus dangereux. Alors qu’on cesse à tout prix de vouloir divertir le bon peuple pour mieux faire diversion de « telle est la réalité » !

Mercredi 11 mars. Maman perd sa réalité dans les couloirs désorientés de sa maison de retraite. Et quatre sinistres bougies continuent d’irradier les terres dévastées de Fukushima.

Jeudi 12 mars. Retour à l’atelier. Je n’irai pas ce printemps créer une Maison de Plumes sur les pentes du Sancy, ni le Dédale de l’Araignée sur les plages de Ré. Mais les fonds de tableaux préparés avec sables, colles et pigments avant cette vacance de mars, qui ressemblait plus à une convalescence post-grippale ont bien séché. Ils attendent la peinture. Les couleurs de la vie sur la réalité d’une Terre à sans cesse inventer. La lumière dans le feu de l’action qui est poésie.

Que l’aile du printemps soit jolie joie!

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