AU 9 RUE DES NOUV’AILES #51

9 septembre 2020 § 0 commentaire § permalink

Un été constellé d’arbres.

L’arbre des colères. Après les presque trois mois de strict confinement à l’atelier, j’avais des fourmis dans les roues de ma Twingo et ai beaucoup pérégriné depuis le mois de juin. Cévennes, Savoie, Lot, Tarn & Garonne, Gers, Ariège, Vaucluse… Quelques bises échangées, mélangées d’insouciance et de vigilance, de questions et de doutes, de masques et de sourires libérés. J’ai rencontré beaucoup d’amis et une large palette d’émotions allant de « tout cela c’est de l’enfumage » à « j’ai eu la Covid et j’en suis encore bien fatiguée ». Qu’en reste-t-il ? La certitude qu’il n’y en a plus. Et la prise de conscience que la seule chose que l’on sait des conséquences de cette pandémie est qu’on n’en sait rien. Puisse la mise à jour de cette vulnérabilité et la conscience nouvelle qui en découle infuser toutes les longueurs d’onde de notre réel ! Dans les effets collatéraux de cet événement mondial totalement inédit, la forte abstention électorale – ce qui est certes dommageable et signe le mal être de notre démocratie – a propulsé bon nombre de maires écologistes à la tête de grandes villes. Salve d’applaudissements encouragés !!!

Tout-à-l’égout. Ce terme, appelé aussi assainissement collectif, fut inventé au XIXème siècle. À la veille d’un désastre écologique annoncé, cette appellation a un parfum de sinistre ironie. On aurait peut-être du le nommer Terre-à-l’égout !

L’arbre de la Table de la Lune. Ce fut du pin Douglas avec lequel j’ai fait pour le sentier artistique Léz’Arts en Adret une table de pique nique en forme de croissant de lune. J’ai encore dans les mains le goût et l’odeur de ce bois orangé si beau à travailler.

Savez vous ce qu’est la paréidolie ? C’est l’art de lire les nuages. Pourra-t-on encore le faire quand Elon Musk aura peuplé l’azur atmosphérique de ses fantasmes satellitaires ?

L’arbre des réseaux. Je me questionne sur la création d’un compte Instagram. Followers ou Faux Lovers ? Entre désir d’artiste d’étendre mon réseau au-delà des quelques 1500 abonnés de ces Nouv’ailes, voire de trouver acquéreur pour La Roue du Temps toujours confnée chez son fabricant, et pas très envie d’être encore davantage sur l’écran de mon smartphone, j’hésite. Et suis preneur de vos retours d’expérience si vous en avez.

Ce matin je me suis réveillé de bonne rumeur. Une rumeur de rien. C’était bien.

L’arbre des livres. Dans la forêt des belles feuilles de l’été, Bouches de Cendres d’Alvaro Escobar Molina aux Éditions de la Librairie du Labyrinthe. Deux enfants colombiens pris dans la tourmente d’une guerre civile sont repris par leur mère qui les emporte dans une odyssée d’épreuves et d’espérances au souffe andin puissant et poétique. Une cordillère de plaisir à gravir.

Après Au revoir là-haut et Couleurs d’incendies du puissant Pierre Lemaître, j’ai lu avec délectation Miroir de nos peines, troisième volet de cette trilogie. Cerise sur ce gâteau de lecture, j’ai dévoré cet ouvrage qui se déroule au mois de juin 1940, juste au moment où l’on commémorait l’appel du 18 juin. La débâcle de ce printemps de guerre venait en écho synchrone à cette étrange période d’après confnement, autre genre de débâcle de ce monde d’avant encore si présent.

Lu aussi Arcadie, d’Emmanuelle Bayamack-Tam, prix du Livre Inter 2019. Les utopies communautaires des seventies revues à la sauce contemporaine où s’invitent genre et migrants. La joie d’une belle écriture vive, légère et profonde.

Et puis aussi Leurs enfants après eux, de Nicolas Mathieu, stimulant Goncourt 2018.

Pour changer des romans, je me suis replongé dans l’univers de l’écrivain voyageur Nicolas Bouvier dans la réédition de ces carnets du Japon où il vécut dans les années soixante, intitulée Le Vide et le Plein. Toujours le même plaisir à lire cet auteur. J’avais entendu à la radio grand bien d’un essai de Clément Rosset -Le Réel et son Double, essai sur l’illusion-. Qui m’est tombé des mains tant ses lignes se mirent le nombril occidentalo-centré dans sa propre interrogation philosophique.

La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste (Victor Hugo)

Pensez à noter vos rêves sur le petit carnet de votre chevet. Il est dit que ceux qui écrivent leurs rêves en font plus. Comme ceux qui regardent les étoiles ont davantage conscience qu’elles sont toujours là et que le jour, c’est juste la lumière du Soleil, notre étoile qui nous empêchent de les percevoir.

Quelques flms vus cet été. L’ombre de Staline, d’Agnieszka Holland sur la famine ukrainienne organisée par Staline en 1932. Madre de Rodrigo Sorogoyen. Les Parfums de Gregory Magne avec la toujours impeccable Emmanuelle Devos. Et pour me reconnecter avec la vie en capitale masquée, rien de tel au retour de l’été, que les plans mongols de La femme des steppes, le fic et l’œuf du chinois Wang Quan An. Un régal !

Les enfants jouent à la console… Mais qui consolent les enfants ?

L’Arbre des amis. Ce fut assurément le plus généreux des arbres de l’été. Celui qui ft se rencontrer des amis nantais chez une amie gersoise sous une pluie d’étoiles flantes, des toulousains autour d’un abreuvoir et d’une bergerie en Ariège, une voisine de banlieue chez des amis des bords de la Garonne… L’arbre des chants des cinq femmes du groupe La Mossa, tellement ravies de pousser leurs chansons napolitaines, argentines ou gaéliques qu’elles n’avaient pas jouées depuis près de six mois… Et aussi une séance de cinéma cubain (Epicentro, documentaire d’Hubert Sauper, auteur du fameux Cauchemar de Darwin) à la Ciotat, ville du plus vieux cinéma du monde, les descentes en canoë de l’Allier de la Vézère, où repose désormais le jonc d’or de ma maman que le courant a fait glissé de mon auriculaire droit, la balade aux jardins topiaires d’Eyrignac, les joyeuses et somptueuses randonnées en Ariège près d’Aulus les Bains où les genoux ont encore conjugué le « je-nous » de la marche en altitude. La revoyure sous une belle lumière des vitraux de Pierre Soulages dans l’abbaye de Conques qui ne m’avait pas séduit il y a plus de vingt ans mais qui là ont enchanté cette visite en compagnie de mon ex- médecin dionysien et de sa femme. Il œuvre désormais dans une maison médicale du Grand Figeac. Je fus son patient et ces nouv’ailes dont il est lecteur fidèle ont permis de transformer cette « patience » en amitié. Merci pour l’accueil dans la si belle maison lotoise au toit à double pente !

L’automne s’en vient doucement. Faites qu’il pleuve 30 tonnes d’eau par hectares et par jour (soit une lame d’eau de 3mm d’épaisseur sur les 10000m2 de cet hectare) pour que cessent ces arbres aux feuilles déjà calcinées croisés sur la route du retour. Retour magnifé par les quatre jours de fêtes, de rires et de musiques à célébrer le mariage des amis nantais Bertrand et Doumé, leurs trente années de vie commune, leurs enfants et la ribambelle d’amis qui donnent tant de baume aux cœurs des pommes d’amour de l’automne.

J’écris cette chronique en écoutant Les Failles de la délicieuse chanteuse Pomme.
Avançons avec précaution vers le devenir qui s’en vient. Et faites que votre voyage en soi soit aussi un voyage en soie.

do 9920

AU 9 RUE DES NOUV’AILES #50

1 juillet 2020 § 0 commentaire § permalink

L'alarme à l'œil.

C'est désormais le masque aride après la mascarade des masques en rade. À moins qu'il ne faille dire le masque à rides. Dans la rue des espaces publics, tous les visages ne cachent pas les lèvres de leurs sourires. Mais dans les transports en commun, l'obligation sanitaire, sans doute nécessaire (mais qui le sait vraiment et dans quelle mesure remplit-elle la case hypocrite d'un formulaire ? Essayez la distance sociale, pardon la distanciation physique dans une rame de métro à l'heure de pointe !), cette obligation prend des allures orwelliennes de bâillonnement. L'image qui s'inscrit sur la rétine – tous ces visages sans commissures, tous ces bandeaux sans souffle, tous ces yeux qui n'osent plus se croiser – est celle d'un monde sans voix, un silence contraint, une invitation au cri d'indignation. Un monde à pleurer. Qui vient résonner dans le fil d'actualité de ce printemps avec le « I can't breathe » de George Floyd assassiné sous le genou du policier Derek Chauvin tandis que l'on découvre en France, sur les réseaux sociaux, des groupes privés de gendarmes et policiers où l'insulte raciste est monnaie courante. À quand la chasse à la brebis galeuse, promise par le sinistre de l'Intérieur? Le monde à bout de souffle aurait besoin d'une nouvelle respiration où masque ne rimerait plus avec matraque...

Lu sur une vitrine : « on ne peut plus se serrer les mains, ça n'empêche pas de se serrer les coudes »

Alors, après ces quatre-vingts jours de confinement à faire le tour de mon atelier et le voir en peinture et de toutes les couleurs, l'envie est venue de faire un tour de pays de plus de 100km et de transformer le volant de ma Twingo en tapis de visite des amis. Je vous écris des bords du Bassin d'Arcachon. Dans les lectures de ce mai à moitié confiné, l'excellent roman de Jean Michel Guenassia La valse des arbres et du ciel autour de la vie (et la mort) de Van Gogh à Auvers sur Oise. Et si le bon docteur Gachet n'avait pas été ce philanthrope ami des artistes... Et si sa fille avait été l'amoureuse de Vincent qui ne se serait pas suicidé...

Lu aussi la trilogie de la norvégienne Anne Ragde (La terre des mensonges, La ferme des Neshov et L’héritage impossible). Une étrange saga familiale et porcine… Et pour clore cette incursion dans la littérature nordique Le Hibou de Samuel Bjørk. Un chouette polar…

« La vie est un roman mais la vérité de la vie est le conte » a dit la conteuse Bernadette Bricout citant le médiéviste Michel Zink.

Comment écrivez-vous le pluriel de chef-d'œuvre ? Où mettez-vous le s ? Entendu dans la voix de la linguiste Aurore Vincenti qu'il se mit au cours des siècles parfois à « chef », parfois à « œuvre », parfois au deux. Aujourd'hui mon correcteur orthographique me suggère « des chefs-d'œuvre ». Conclusion de ces variations langagières et temporelles: sous votre masque, sentez vous libre de jouer joyeusement avec la langue !

« Les cours de théâtre c'est la traite des planches » (Guitry cité par Luchini).

L'alignement des planètes. C'est devenue une formule journalistique, presque un tic de commentateur sportif avide d'exploits, qui signale une conjoncture exceptionnelle. Mais nulle part ai-je entendu sur les ondes allusion à cette conjonction des quatre planètes Pluton, Saturne, Jupiter et Mars qui signaient leur voisinages astronomiques de ce printemps de chants d'oiseaux. Pourtant elle serait bien opportune cette formule en cette année 2020 qui fait bien l'addition des quarantaines. Vu de notre Terre, le mouvement relatif des autres planètes de notre système solaire semble s'inverser pendant un certain temps puis repartir dans le sens initial. Cette conjonction de fin d'hiver connaît aujourd'hui une phase de ralentissement printanier avant de boucler sa boucle à l'automne prochain. Alors deuxième vague ou second souffle ? Mais je me souviens avoir écrit dans les nouv'ailes d'avril que l'envol de l'horizon, suivant les dires d'André Barbault dans ses prévisions astrologiques pour le XXIème siècle était annoncé pour 2026... Alors gardez votre souffle et nourrissez votre patience...

Comme chaque année, les Nouv'ailes vont faire un break estival pour se retrouver au neuvième jour du neuvième mois, autrement dit le 9 septembre ! Après le printemps confiné, souhaitons nous un été raffiné !

Respirez, vous serez démasqués !

do 9620

AU 9 RUE DES NOUV’AILES #49

9 mai 2020 § 0 commentaire § permalink

Empathie.

Car je n’en pâtis pas. De ce confinement dans ces semaines de solitude isolée mais reliée et somme toute assez heureuses. Pas d’urgence en ma bulle d’atelier dans ce monde en état d’urgence prolongé sans notre avis jusqu’au 10 juillet. Plutôt du fourmillement tous azimuts. La première image jointe à ces nouv’ailes vous donne échos colorés des silences créatifs qui jalonnent ces heures de printemps. Et les détails cadrés serrés des peintures prises dans la matinée de ce samedi font germer de nouvelles idées d’œuvres.

Un grand espace, la possibilité de sortir un peu dans le square attenant, un wifi capricieux mais activable à volonté, une radio accompagnatrice pour suivre ou stopper les bruits du monde, un replay pour revoir quelques films ou documentaires sans horaires, tout cela concourt à un mode à mi-chemin entre méditatif et créatif qui rythme les longues journées de travail, cette période de mises à jour et d’achèvement de nombreux travaux. Seuls manquent les présences physiques, les regards sans écran des amis, les courses sans fin aux chemins des montagnes, les rires sans filtres des bords de mer, les joies partagées aux touchers du soleil. Je mesure à sa juste valeur le privilège raffiné d’être ainsi confiné et pense avec beaucoup de douceur et d’empathie à tous celles et ceux qui n’ont pas ce possible. Et apaise les craintes des lendemains par cette phrase de Théodore Roosevelt citée par Tonino Benaquista :

«Il n’y a rien à craindre sinon la crainte elle-même.»

Dans deux jours, le 11 mai, qui devrait plutôt s’écrire en région parisienne « le 11, mais !!! » sonnera non pas la fin de la récréation mais celle de la « confination ». Je crois que je vais la prolonger un peu, ayant peu d’obligations et encore moins d’appétence pour les correspondances masquées entre métro et RER. Peut être qu’un peu de vélo….

Quel plaisir de réécouter quelques morceaux choisis d’interviews : Robert Linhart, Edgar Morin, Michel Pastoureau ou encore l’intense, l’intime et l’universelle Annie Ernaux dont le très recommandable Les Années vient de paraître en poche et qui en citant Laurent Terzieff ouvrait l’abime et les portes du monde d’après :

« Chaque époque a un avenir qui meurt avec elle ».

Les équipes de foot auront droit à cinq joueurs remplaçants au lieu de trois lors de la reprise des matches car ils seront fatigués, n’ayant pas pu s’entraîner normalement!!! Il est de ces nouvelles dont le dérisoire saute soudain aux oreilles confinées qui se demandent ce qu’une telle information vient faire sur les ondes d’une radio nationale…

Savez vous ce qu’est un gogol, souvent orthographié en anglais« googol ». C’est le nom d’un nombre, 10 100 qui peut s’écrire à l’aide d’un 1 suivi de 100 zéros, soit 10 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000. Ce nombre baptisé en 1938 par le mathématicien américain Edward Kasner a explicitement inspiré les fondateurs d’un célèbre moteur de recherches que vous pourriez avantageusement remplacer par un qui ne trace pas vos données !

Pas de conseils de lecture ou de cinéma ce mois-ci pour ne pas alourdir la somme de tous les suggestions et hautes recommandations culturelles qui ont abreuvé cette peur du temps vide qui a empli l’atmosphère. Juste le plaisir de réaffirmer ici le bonheur de cette petite fenêtre épistolaire que je m’offre au 9 de chaque mois et que je vous partage en toute liberté. Lisez, regardez, répondez, partagez.. Ou pas… Au delà de l’appui sur la touche « enter », ces mots envoyés sont à vous comme une petite bouteille de mémoire lancée aux flots fragiles de la fugacité.

«Promettez la flamme» a dit le titan Prométhée aux humains à qui il fit don du feu qu’il avait volé aux dieux.

On devrait peut être le contacter demain, non ?

do 9520

AU 9 RUE DES NOUV’AILES #48

10 avril 2020 § 0 commentaire § permalink

Le virus et le squelette.

J’ai travaillé il y a une vingtaine d’années comme illustrateur pour, entre autres les éditions Dangles. En 1998, je reçus commande d’un dessin pour la couverture d’un livre intitulé Prévisions astrologiques pour le nouveau millénaire d’André Barbault, auteur que j’avais lu à la fin des années 70 quand je commençais à m’intéresser à cet univers et qui est décédé à l’âge vénérable de 98 ans en octobre dernier. Une fois cet ouvrage édité, je le feuilletai brièvement puis le rangeai dans ma bibliothèque, n’étant pas très porté sur le prédictif et préférant cheminer avec les astres comme une manière poétique de se relier par l’esprit au système solaire dans lequel nous vivons et m’en servant surtout comme horloge chronologique permettant d’observer ou d’anticiper les différentes phases et rendez-vous importants de mon chemin de vie. Mais confiné strictement dans mon grand atelier dionysien – à ce jour trois sorties courses et deux sorties boulangerie, merci le congélo – pour un temps éminemment et forcément créatif, je suis allé voir la table des matières de l’ouvrage ci-dessus mentionné.

Et là, surprise, sous le titre du chapitre XV intitulé « Les trois caps du premier tiers du siècle » je lus :

1-La fracture de 2010

2-La chute de 2020

3-L’envolée de 2026.

J’avais mentionné dans les Nouv’ailes de février dernier la conjonction des planètes Pluton, Saturne et Jupiter dans le signe du Capricorne traditionnellement associé dans le corps aux genoux et à l’ossature . Il semblerait que l’on puisse résumer cette période inédite dans l’histoire de l’humanité comme l’attaque par un virus microscopique du squelette macrocospique de notre planète.

Le mal a dit la maladie. Il nous faut maintenant gai rire.

Est-ce une bonne nouvelle que l’envolée soit prévue pour 2026 ? Oui parce que c’est une envolée, non parce que cela veut dire qu’il va falloir être patient… Mais comme bon nombre d’entre nous disait que l’on allait droit dans le décor, nous voilà bel et bien stoppé au pied du mur et cela est plutôt de bonne augure. Depuis que l’humain a joué avec le feu nucléaire et a la possibilité de s’autodétruire, voyons s’il est capable d’enfin écouter et de réparer le vivant comme l’a si bien titrer Maylis de Kerangal.

Dont j’ai beaucoup aimé le livre Un monde à portée de main. Une histoire de peinture et de regard. Pas beaucoup d’autres conseils de lectures ce mois-ci, n’ayant pu aller m’abreuver à temps le samedi 14 dans l’après-midi à la médiathèque de mon quartier qui a fermé ce jour-là… à midi. Alors j’ai fini de lire l’excellent Par les Routes de Sylvain Prudhomme, prix Femina 2019, puisé dans quelques ressources non encore lues de ma bibliothèque et plongé dans la correspondance d’Albert Camus et Maria Casarès publiée dans la collection Blanche de Gallimard en 2017. Gros pavé de 1300 pages qui retrace leurs échanges épistolaires entre 1944 et 1959. À lire par petites touches passionnées et passionnantes.

Ce livre m’avait été offert par mon amie Suzanne qui s’en est allée au matin du 5 avril après deux mois de soins palliatifs. J’avais pu la visiter et la serrer dans mes bras dans sa clinique le vendredi 13 mars. Nos derniers échanges furent téléphoniques avec une visite de mon atelier par Whatsapp grâce une gentille infirmière qui rendit cela possible. Ce n’est pas son départ qui est triste. Elle était totalement lucide, apaisée et désormais libérée de ses insuffisances respiratoires que le covid a accentué dans les derniers jours. Ce qui m’est douloureux, c’est de ne pas avoir pu lui tenir la main, lui baiser le front après le dernier souffle, partager avec ses amis les nécessaires rituels funéraires qui ouvrent le deuil et servent un verre à boire pour dire que la vie continue. Alors je poste chaque jour jusqu’à sa crémation sur un petit groupe Whatsapp une photo d’elle et de son mari Maurice, tendres et chers amis à qui j’avais dédié la Roue du Temps.

Un allemand a promené 99 téléphones connectés à Google Maps. Google a indiqué qu’il y avait là un embouteillage.

Je me suis mis en mode « ermite créatif » et occupe mes journées à peindre, à dessiner, et à graver de nouvelles plaques après avoir pris le temps d’apprivoiser ma presse, tel un Sisyphe obstiné à vouloir encore œuvrer à la tentative de la beauté du monde. En cuisinant, en écoutant la radio, quelques concerts et films sur arte.tv, en relisant quelques albums d’Astérix au son de Manu Dibango et en faisant suivre avec modération les nombreuses blagues reçues sur mon téléphone. Quelques skypes transatlantiques ou vietnamiens, quelques flèches tirées à la makiwara (c’est une botte de paille qui permet l’entraînement au Kyudo), quelques brèves sorties dans la partie close du square qui jouxte mon atelier… L’État est en urgence et curieusement, il n’y en a plus dans le fil du quotidien. Le temps est suspendu comme dans les jardins intérieurs d’une Babylone post moderne. Je me souviens d’une retraite de méditation Vipassana faite en 1993 et me reconnecte à la mémoire de ce temps.

Courage est un mot qui vient de cœur.

Courage est un mot qui vient du cœur.

Il reste à attraper le fil de l’horizon pour en découdre l’adversité. Avec vous. Avec Liberté, Égalité, Fraternité.

do 9420

AU 9 RUE DES NOUV’AILES#47

10 avril 2020 § 0 commentaire § permalink

C’est Le Printemps des Poètes ! Une salutaire bouffée d’air dans cette période qui étouffe. Dans le cadre de cette manifestation nationale (https://www.printempsdespoetes.com) je vais participer du 18 au 23 mars à une exposition collective dans la Galerie du Génie de la Bastille, Paris 11. Le thème de cette année est Le Courage. Opportun, non ?

La saison des appels à projets bat son plein. Je n’irai toujours pas au Sancy cette année mais espère le Chili, Chicago, l’Estonie, Saumur, Charente ou Eguezée en Belgique. À suivre…

J’ai appris récemment que la sculpture monumentale en pin Douglas – Le Labyrinthe Vertical – que j’avais faite au Luxembourg en 2015 vient de rendre l’âme. L’Escalier Perpétuel, réalisé à Matour en Saône & Loire en 2010 a été démonté en 2017 car devenant dangereux pour le public. J’en conclus que la durée de vie d’une sculpture en Douglas en extérieur va de 5 à 7 ans. Envie d’acier…

Paroles de révolution par trois fois

Entreprendre est infortune Persévérer est dangereux

Alors confiance.

Tel le texte de la troisième ligne de l’hexagramme 49 du Yi Jing, figure dite «La Révolution, la Mue». Une autre version du 49/3, article de loi passé soudain en arrière-plan sous les « corona » de l’actualité.

Entendu de nouveau dans le fil des radios l’hypothèse GAÏA, théorie énoncée en 1970 par le climatologue anglais James Lovelock. «…L’ensemble des êtres vivants sur Terre formerait ainsi un vaste super organisme appelé Gaïa…». En bref, et bien que cela soit une évidence, la Terre serait une cellule unique. Force est de constater aux rythmes des alertes météo, des invasions de virus et autres abîmes abyssaux de l’état écologique de notre petite bulle bleue que Gaïa n’est plus … une hypothèse. Dans Intelligence Artificielle, il y beaucoup d’artificiel. Y a t’il de l’intelligence ? Qui, n’oublions pas, vient du latin inter ligere, que l’on peut traduire par «lire entre les lignes». En tapant «chapelle sixtine» dans un moteur de recherche commençant par G, je n’ai pas trouvé d’images des scènes centrales du détail représentant «Adam et Ève chassés du paradis terrestre». L’omniprésente image qui défile sur l’écran est celle de «La Création d’Adam» quand «Dieu» s’apprête à le toucher du doigt. (Oui, on dit Adam & Ève, non pas Ève et Adam, on entendrait Ève est à dent. Même si ça sent le dentifrice, cela peut aussi dire qu’elle est capable de mordre). Ave César !!! Dans les lectures de ce début de printemps qui s’avance masqué, Le Dynamiteur, premier roman du regretté Henning Mankell, une dose de Petit Piment (qui en réalisté s’appelle Tokumisa Nzambe po Mose yamoyindo abotami namboka ya Bakoko) d’Alain Mabankou, le jubilatoire (en poche) Serrurier Volant de Tonino Benaquista illustré par Tardi, le roman romanesque et historique La révolte, de Clara Dupont-Monod, qui conte l’histoire d’Aliénor d’Aquitaine, mère de Richard Cœur de Lion et les guerres de rivalité de chaque côté de la Manche à la fin du douzième siècle. Échos lointains de notre moderne Brexit, bonne méditation sur les violences d’hier et celles d’aujourd’hui… Et aussi le fantasque La Loi du Rêveur de Daniel Pennac, auteur entre autres en 2012 du formidable Journal d’un Corps. À l’heure où j’écris, les cours du brut plongent sous les coups de la lutte pétrolière entre Russie et Arabie Saoudite. Pendant ce temps-là, à la frontière turco-syrienne, des tirs à balles réelles sur les civils qui tentent de s’enfuir…. Vivement les balles non réelles !

Dans les films du mois, une belle comédie dramatique allemande «Deux» de Filippo Meneghetti avec les sensibles Barbara Sukowa et Martine Chevallier, un beau voyage avec «Jin Pa, un conte tibétain» de Pema Tseden,, le touchant singapourien «Wet season» d’Antony Chen, l’écologiste Dark Waters de Todd Haynes et pour les petits et les grands aussi, même en DVD, «La fameuse invasion de la Sicile par les Ours» de Lorenzo Mattoti d’après une nouvelle de Dino Bugatti. On peut aussi voir avec intensité «La fille au bracelet» de Stéphane Demoustier, frère d’Anaïs, et avec humour et sourire Un divan à Tunis de Manele Labidi avec la belle Golshifteh Farahani.

J’ai reçu la la traduction française d’un texte italien intitulé Lutter intelligemment contre l’épidémie de corona virus. Faire suivre ou pas ? Je joins le pdf en pièce jointe de ces Nouv’ailes avec les cinq photos qui accompagnent chaque numéro d’icelles. Faites en l’usage que vous voulez et portez vous belle attention.
Courage !

do 9320

AU 9 RUE DES NOUV’AILES #46

10 avril 2020 § 0 commentaire § permalink

« Un Monde plus Grand » ? Je vous ai déjà parlé de ce film, inspiré des récits de Corine Sombrun et ses expériences chamaniques. Je viens de lire ses livres. Journal d’une apprentie chamane et Mon initiation chez les chamanes. Récits toujours étranges de ce monde des esprits qui semble si loin de nous et des quelques centimètres cube de papier que l’on tient entre ses mains. À son livre publié en 2004 sous-titré Une Parisienne en Mongolie, elle a ajouté une postface en 2019, où elle conte ce que sont devenus les territoires qu’elle traversait lors de ces premiers voyages sous le ravage du tourisme « chamanique »et évoque les recherches en neurosciences qui ont été impulsés par ses expériences. Dans son journal d’une apprentie, elle relate sa rencontre avec un chaman péruvien et ses transes hallucinatoires. Quelques jours après la fin de cette lecture, écoutant un poète de la chanson française commenter à la radio ces univers d’exploration de l’esprit, il confia avoir tiré de ce genre d’expériences que «le réel n’est pas aussi solide qu’on le croit». Au même moment, à l’autre bout du monde, un germe sur le marché de Wu Han mettait à l’arrêt la deuxième puissance économique mondiale tout en faisant accroître le risque de pandémie mondiale. Ou comment le réel et son imprévisible hasard, ses concordances de temps (ou pas), peuvent venir avec une incroyable célérité – signature de notre époque – se fracturer sous les coups d’un minuscule virus. Puisse cet événement planétaire accélérer les sauts quantiques de notre prise de conscience mondialement cellulaire. Pluton, Saturne et Jupiter se sont donnés rendez-vous ce printemps sous le Capricorne du Ciel.

Depuis septembre dernier les chroniques boursières ont disparues de l’antenne de France Inter. Le radio se féminise, on ne parle plus des bourses !

Appris avec horreur que bien des tortionnaires d’Amérique du Sud de la fin de XXème siècle, auteurs de l’Opération Condor et autres atrocités, avait été formés par … des militaires français de la guerre d’Algérie. Révélé au public en même temps que le scandale américain de la prison d’Abbou Ghahib en pleine guerre d’Irak, ce scandale bien français n’a guère eu d’échos… J’ai appris cela en écoutant Affaires Sensibles sur Inter l’après midi de 3 à 4. Fécond panorama de mémoires.

J’accompagne mon amie Suzanne, belle dame de 88 printemps, vers les rivages de sa fin de vie. Je lui ai lu quelques pages des CINQ MÉDITATIONS SUR LA MORT, autrement dit sur la Vie du très inspiré et inspirant François Cheng….

Le Tao d’origine engendre le Un L’Un engendre le Deux Le Deux engendre le Trois Le Trois engendre les Dix Mille Êtres Les Dix mille Êtres d’adossent au Yin Et embrassent le Yang Ils obtiennent l’harmonie par le Vide médian (Livre de la Voie et la Vertu, châpitre 42)

Faisant suite aux Cinq Méditations sur la Beauté parues en 2008, ces cinq courts essais publiés en 2013 sont une merveille de sagesse, d’humilité et de poésie qui ne cherche pas à obtenir la Vérité mais simplement désire être « dans » la Vérité. « … l’homme réalise et se réalise pour se signifier : il donne sens à sa vie, tant il est vrai qu’il ne peut jouir de la vie de façon plus totale que par une jouissance qui soit un joui-sens…. »

« Je ne perds jamais : soit je gagne, sois j’apprends » Nelson Mandela, libéré il y a 30 ans, cette année.

Je vous avais parlé de ses photos parues dans Reporter Sans Frontières, et sa quête de La Panthère des Neiges, relatée dans l’éponyme récit qu’en a fait Sylvain Tesson. Prenez 50 minutes de votre temps et visionnez les images de ce lien qui vous emmène dans l’œil de Vincent Munier. https://pages.rts.ch/emissions/passe-moi-les-jumelles/10731100-vincent-munier-eternel-emerveille.html?anchor=10846815#10846815 C’est une émission de la télé suisse et c’est un pur moment de « Magnifique ! ».

« Umuntu ushyigikiye abagore bwihaze ».

C’est la langue kinyarwanda parlée au Rwanda, petit pays grand comme la Bretagne et peuplé de 1 millions d’habitants, tristement célèbre par le génocide de 1994. Cela veut dire « celui qui soutient les femmes profondément ». Féministe !

Mieux vaut faire l’Amour que taire l’Amour.

Un porc-épic au Printemps. Ce sera début mai, dans le cadre du sentier artistique Léz’Arts en Adrets, à Hautecour, près d’Albertville avec en prime le plaisir d’y retrouver des amis artistes. Je vous enverrai ce projet « Les Métamorphoses du Porc Épic » dans notre épique époque dans de prochaines Nouv’ailes. La saison automne /hiver des appels à projets bat son plein… et occupent de longues heures à la planche à dessin et à l’écran des écrits. Des rêves à coucher sur le papier de la réalité. Dans l’atelier, je reconnecte à la gravure et à la presse qui a trouvé place dans la nouvelle configuration de mon antre, mais désormais en solo dans l’atelier, et non pas dans les cours de la ville de Saint-Denis. Un nouvel apprivoisement… à défricher et déchiffrer. Dans les autres lectures du mois, deux enquêtes de Peter May, l’un en Chine et l’autre en Massif Central et une petite perle de Benoit Groult, l’auteure d’Ainsi-Soit-Elle qui dans Les Vaisseaux du Cœur nous trame une belle étoffe d’histoire d’amour. Prenez en quelques brins pour tisser la soie de l’instant.

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AU 9 RUE DES NOUV’AILES #45

10 janvier 2020 § 0 commentaire § permalink

Un pieu dans les vœux.

C’était au matin du 3 janvier, après quelques jours aux bords de l’estuaire de la Loire. Avec des amis joyeux de chansons et de rires. .

(J’ai rencontré un homme qui a cinq zizis. Son slip lui va comme un gant)

Après le réveillon simple et délicieux accompagné de quelques bulles, il y avait eu des parties de Chromino, une autre de Dixit, encore d’autres chansons, quelques scrabbles, puis le lendemain une journée bois dans le jardin de l’amie Sylvie pour débiter un vieux saule qu’une tempête avait couché avant la Saint Sylvestre. En reprenant la route de potron-minet, ce matin du 3, j’allume la radio, histoire de se connecter avec le monde de la nouvelle décennie. Et là j’apprends, qu’un drone américain vient de tuer un général chef de guerre iranien. À peine le temps de formuler quelques vœux de bonne année que le pieu de la guerre vient se planter dans le feu de l’actualité ! Feu qui va abattre dix mille dromadaires sauvages australiens dangereux car trop assoiffés ! Bienvenue dans la décennie des années 20 qui il y a un siècle s’appela… Les Années Folles !

Rappelez vous, il y a vingt ans le monde flippait sur le bug de l’An 2000, se demandant si la technologie numérique allait passer ce cap entre neuf et zéro. L’inquiétude fit pschittt, mais pas les tempêtes Martin et Lothar qui malmenèrent une grande part de la forêt française et firent plus de 130 morts. Les tempêtes venaient de Terre Neuve, mais le message n’a, semble-t-il pas été bien compris !

L’absence de transports parisiens m’a cloîtré à l’atelier une bonne partie du mois de décembre. Peu de cinéma, sauf le formidable Seules les bêtes de Dominik Moll. J’en ai profité pour réorganiser mon atelier et mettre en branle sa section « gravure » en commençant à apprivoiser la belle et vieille presse que j’ai pu acquérir au printemps dernier, juste avant de partir en Corée. À suivre… Et toujours dans le sommeil hivernal de l’atelier qui rime quand même avec soleil, les dossiers pour répondre aux appels à projets, les toiles qui se trament lentement et les sculptures qui sortent leur tendre essor. Et toujours dans la longue marche de La Roue du Temps, les prospections tous azimuts pour cette sculpture qui fut installée il y a un an sur le rond-point de Cologny, près de Genève. Ne rien lâcher…

On appelle souvent sciences humaines celles qui s’occupent de l’esprit, des langues, de la philosophie, etc… Est ce à dire que les autres seraient «inhumaines»?

C’est toujours un plaisir de voir apparaître le soleil d’un nouvel Arnaldur Indridasson sur les rayons de ma médiathèque. Cette fois, c’est Ce que savait la nuit. Une guide islandaise promène des touristes allemands sur un glacier de son pays. Soudain elle voit un visage qui émerge de la glace… Dès les premières lignes de ce livre, on est happé par l’influence… du réchauffement climatique sur la fonte des glaciers et conséquemment sur les romans policiers islandais !

Autre bonne nouvelle de lecture : L’inspecteur Harry Hole est de retour et c’est dans Le couteau de Jo Nesbø.

J’ai particulièrement aimé le film Un monde plus grand inspiré de l’aventure mongole et chamanique de Corine Sombrun dont j’ai parlé dans les précédentes Nouv’ailes. Désireux de lire le livre Mon initiation chez les chamanes qu’elle a tiré de cette expérience et qui a donné naissance à ce film, je ne l’ai pas trouvé dans la médiathèque de mon quartier (mais il est paru en poche et va bientôt rejoindre mon chevet), mais ai par contre trouvé celui qu’elle a écrit sur sa rencontre avec l’arrière-petit-fils de Géronimo, intitulé Sur les pas de Géronimo, paru dans la collection Terres Indiennes chez Albin Michel. Elle avait eu en Mongolie une vision de Géronimo et son arrière-petit-fils, lui aussi chaman, savait qu’elle allait le contacter.

Et puis refait quelques pas dans les calle vénitiennes avec l’inspecteur Brunetti de Donna Leon qui enquêtait à Minuit sur le canal San Boldo.

Ne ratez pas les crêpes de la prochaine chandeleur. Elle auront forme de palindrome puisqu’on sera ce jour-là le 02022020. (La crêpe de 20h02 sera sûrement délicieuse, comme celle de 02h20). Pour le prochain palindrome, attendez deux ans et vingt jours jusqu’au 22022022. Et le suivant le 03022030. Fichtre, j’aurai 76 ans ce jour-là, si le grand Manitou le veut bien !

Désormais, le début janvier est davantage sous le signe de la commémoration que des formules de vœux somme toute assez formalistes. Cabu manque toujours autant et cette année s’ajoutait à ces échos du temps le soixantième anniversaire de la mort de Camus sur les routes de l’Yonne, le 4 janvier 1960.

« Quand on parle des morts, sachez qu’ils nous écoutent » a dit Robert Badinter en regard de ces mémoires.

On devrait peut être parler plus fort !

do 9120

AU 9 RUE DES NOUV’AILES #44

10 décembre 2019 § 0 commentaire § permalink

9 décembre 2019

« Quel est le premier son que vous avez entendu ? »

Écoutez la réponse dans deux minutes, en bas de cette page, le temps que vous lisiez ces quelques lignes.

Comme chaque année, à l’approche des fêtes, je participe jusqu’au 15 décembre à l’exposition des Minis à la Galerie du Génie où une quarantaine d’artistes présente des petits formats, forcément à petits prix (la notion de petit prix étant forcément relative à une époque où, à la foire d’art de Miami, l’artiste Maurizio Cattelan vient de vendre cent vingt mille dollars une banane scotchée sur un mur qu’un autre artiste a mangée. La banane, pas le mur. Mais la banane – œuvre d’art en trois exemplaires avec certificat d’authenticité – a vite été remplacée !) Moins scotchant mais j’espère plus émouvant, j’expose deux sculptures dont pouvez retrouver les images sur la première photo de ces Nou’vailes.

Prêtez-moi une minute et trente secondes et vous pourrez jeter un coup d’œil sur la vidéo de ma récente exposition La Chatte de Schrödinger dans cette même galerie en suivant ce lien https://youtu.be/s7xeFb2cO6Q

(Merci à l’Ami Bertrand, fin pourvoyeur de bonnes notes pour colorer les images).

Et pendant que vous êtes sur Youtube, allez voir PLOUF, film d’animation réalisé par l’amie Florence à destination des tout petits et des autres aussi https://youtu.be/KIUsdaTkwdE  

J’ai rencontré un Lézard, il s’appelle Monique.

Les nuits d’Ava. J’ai lu au printemps dernier ce roman de Thierry Froger, mais avais omis d’en faire mention et rattrape ici l’oubli de cette aventure avec la belle Ava et ses images d’icône.

L’épreuve de l’acide. Je suis sorti épuisé de ce polar déjanté et étouffant d’Elmer Mendoza où les dialogues s’enchaînent sans ponctuation mais retranscrivent bien la déliquescente atmosphère du Mexique des narcos. Flippant !

Laetitia ou la fin des hommes. C’est un fait divers sordide qui avait ému la France entière au début de l’année 2011. Une jeune femme assassinée dans la région de Pornic, un président qui tance les juges et toute la misère d’une enfance maltraitée, violée, anéantie. Ivan Jablonka, historien et écrivain, a étudié ce fait divers « comme un objet d’histoire » pour « enregistrer à la surface de l’eau les cerces éphémères qu’ont laissés les êtres en coulant à pic ». Édifiant écho aux mots que crient les murs des villes contre cette violence enracinée au cœur des hommes.

La panthère des neiges. Difficile de résister à l’appel du Tibet où Sylvain Tesson a accompagné le photographe Vincent Munier en quête du regard de ce félin en voie de s’éteindre. À lire en mettant un peu de frein sur l’emphase («l’érosion est la neurasthénie du paysage ») et en regardant à l’infini l’album de photos de Munier paru l’hiver dernier sous l’égide de Reporters Sans Frontières

Sur le clavier du Net la touche « espace » n’est jamais utilisée dans les noms de domaine.

J’accuse Les Misérables Hors Normes et Ceux qui travaillent de Vivre et Chanter une Chanson Douce sur Proxima. Ce n’est pas un slogan lu sur les banderoles qui ne battent pas en retraite dans les rues bouchonnées du pays. Ce fut juste mon programme cinéma de ce cœur de l’automne.

Dans République il y publique.

Je n’y avais jamais vraiment pensé, mais ce fut en suivant une visite musicale de l’exposition permanente du Musée du Quai Branly que je trouvais la réponse à la question du début de cette chronique que je ne m’étais jamais posée. C’était peu de temps après avoir vu Un monde plus grand, film de Fabienne Berthaud inspiré par l’expérience en Mongolie et le livre de Corine Sombrun, Mon initiation chez les chamanes. En écoutant les sons du tambour frappé par le musicien également musicologue qui animait cette visite, ce fut comme une évidence : le premier son qu’entend tout être humain quel qu’il soit, c’est tout simplement … le cœur de sa mère.

Entendez vous le cœur de la Terre Mère ?

Il fête le passage du Neuf au Vin.

À la votre !

do 91219

AU 9 RUE DES NOUV’AILES #43

10 novembre 2019 § 0 commentaire § permalink

« Crois-tu une croix qui ne croît plus ? »

Ce sera le titre du projet que je vais présenter cette année pour Horizons-Sancy pour la treizième année consécutive . C’est devenu un rituel d’automne sans trop d’illusions puisque en général plus de 300 projets sont reçus pour 11 places proposées. Mais c’est nourrissant pour la spirale de créativités qui ne cesse de tourner mais qui ne fera pas La Roue du Cap à Varengeville ni la Roue du Temps qui Tourne ou la Roue qui Regarde à Riorges. Mais bien sûr, je continue à œuvrer pour que La Roue du Temps trouve sa place et après avoir suivi en octobre une formation pour peaufiner « comment répondre à un appel de 1% » j’espère pouvoir suivre en décembre une nouvelle formation sur « Mécénat d’entreprise : mode d’emploi » pour alimenter cette spirale de roues et faire tourner mon monde de créations.

Autre rituel de Novembre pour préparer les cadeaux de fête du passage de l’An Neuf : je réitère ma proposition d’Astrale Aquarelle que vous trouverez dans l’image n°3 ci-jointe. Pour que chaque enfant, grand ou petit, aie dans sa chambre une (re)présentation colorée du système solaire où il a débarqué un jour ou peut-être une nuit.

« La femme la plus seule au monde est celle qui n’a pas d’amie femme »Toni Morrisson citée par Mona Chollet dans son livre Sorcières sous-titré La puissance invaincue des femmes.

Interrogé il y a quelques jours sur le quai du RER à propos de mes habitudes de transports, j’ai pu constater à la fin du sondage qu’encore une fois il n’y avait pas « artiste » dans les cases à cocher des catégories socio-professionnelles. Alors je suis « autre ».

« Les possibilités des nouvelles technologies me semblent annoncer une approche superficielle de la réalité sous le contrôle de manipulateurs malins » a dit Joris Ivens, cité par sa femme Marceline Loridan-Ivens décédée à 90 ans fin 2018, dans son livre L’amour après écrit avec Judith Perrignon. Je me souviens avec émotion de sa série d’interviews sur France Inter dont j’avais parlé dans le numéro 33 des Nouv’ailes, en mars 2012. Émotion renouvelée à cette lecture.

Moi qui fut il y a longtemps prof de physique et de maths et navigue toujours entre science et poésie, me suis régalé à la lecture pas trop absconse de L’univers à portée de main de l’astrophysicien Christophe Galfard, élève de Stephen Hawking. Qui vous met aisément dans la peau d’une particule qui vit un milliardième de milliardième de seconde (ou moins!) qui se confronte au mur de Planck (qui lui, en ce 9 novembre n’est toujours pas tombé) et qui en un tour de phrases et de galaxies vous permet d’assister à la fonte d’un trou noir. Au final il en ressort que l’univers n’est pas né lors du Big Bang il y a 13,8 milliards d’années : c’est juste à ce moment là qu’il est devenu transparent à nos yeux. Autrement dit on ne peut pas voir plus loin que le bout de ces années-lumière. En conclusion la marche quantique sur (la théorie des) cordes est un exercice de funambule un peu vain qui s’auto-alimente ad libitum de ces mystères et des questions qu’il n’en finit pas de ne pas résoudre. Mieux vaut s’en tenir à la poésie réelle des mythes qui donne naissance à l’insondable de notre univers.

Un sot portant un seau fit un saut et les trois sceaux tombèrent.

Il aurait aisément pu avoir le prix d’interprétation à Cannes (si celui-ci n’avait été attribué à Antonio Banderas pour consoler Almodovar) tant sa prestation dans Le Traître de Marco Bellochio est époustouflante. Il s’agit du comédien italien Pierfrancesco Favino qui joue le rôle du repenti Tommaso Buschetta dont les confidences permirent de condamner 336 membres de la mafia et causèrent l’assassinat du juge Falcone le 23 mai 1992. La veille, j’avais déjà goûté au bon cinéma transalpin avec l’adaptation du roman Martin Eden de Jack London réalisée par Pietro Marcello.

Et hier soir je me suis régalé avec délectation de La Belle Époque de Nicolas Bedos. Entre Fanny Ardant, Daniel Auteuil, Pierre Arditi, Doria Tillier… une comédie virtuose sur le vrai, le faux, le réel et sa réalité, la vérité et tous les mensonges qu’il y a dedans.

Si vous aimez le cinéma d’animation, ne ratez pas J’ai perdu mon corps, une histoire de main et d’amour écrite et dessinée par Jérémy Clapin. À voir aussi avec plaisir Chambre 212 de Christophe Honoré et L’angle mort du trop rare duo Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic.

Savez vous quelle est la différence entre le clair, le lumineux et le brillant ? Vous pourrez en avoir une idée en parcourant (pour ma part en diagonale) l’érudit L’ours, histoire d’un roi déchu écrit par l’historien Michel Pastoureau ou comment à partir du XIIème siècle le lion a remplacé l’ours comme « roi des animaux » dans l’imaginaire occidental. Comme j’ai emprunté ce livre à la médiathèque de mon quartier, j’en ai profité pour prendre aussi Les couleurs de notre temps, dictionnaire subjectif des couleurs qui montre que leur perception n’a rien de naturelle et est essentiellement culturelle. Et que in fine, on sait peu de chose sur la perception qu’en ont les animaux.

Un peintre c’est quelqu’un qui regarde pour les autres.

En ces temps où le yin va croissant vers un sommet de solstice, je vous souhaite de marcher à l’intérieur du silence de votre regard.

do 91119