Un été constellé d’arbres.
L’arbre des colères. Après les presque trois mois de strict confinement à l’atelier, j’avais des fourmis dans les roues de ma Twingo et ai beaucoup pérégriné depuis le mois de juin. Cévennes, Savoie, Lot, Tarn & Garonne, Gers, Ariège, Vaucluse… Quelques bises échangées, mélangées d’insouciance et de vigilance, de questions et de doutes, de masques et de sourires libérés. J’ai rencontré beaucoup d’amis et une large palette d’émotions allant de « tout cela c’est de l’enfumage » à « j’ai eu la Covid et j’en suis encore bien fatiguée ». Qu’en reste-t-il ? La certitude qu’il n’y en a plus. Et la prise de conscience que la seule chose que l’on sait des conséquences de cette pandémie est qu’on n’en sait rien. Puisse la mise à jour de cette vulnérabilité et la conscience nouvelle qui en découle infuser toutes les longueurs d’onde de notre réel ! Dans les effets collatéraux de cet événement mondial totalement inédit, la forte abstention électorale – ce qui est certes dommageable et signe le mal être de notre démocratie – a propulsé bon nombre de maires écologistes à la tête de grandes villes. Salve d’applaudissements encouragés !!!
Tout-à-l’égout. Ce terme, appelé aussi assainissement collectif, fut inventé au XIXème siècle. À la veille d’un désastre écologique annoncé, cette appellation a un parfum de sinistre ironie. On aurait peut-être du le nommer Terre-à-l’égout !
L’arbre de la Table de la Lune. Ce fut du pin Douglas avec lequel j’ai fait pour le sentier artistique Léz’Arts en Adret une table de pique nique en forme de croissant de lune. J’ai encore dans les mains le goût et l’odeur de ce bois orangé si beau à travailler.
Savez vous ce qu’est la paréidolie ? C’est l’art de lire les nuages. Pourra-t-on encore le faire quand Elon Musk aura peuplé l’azur atmosphérique de ses fantasmes satellitaires ?
L’arbre des réseaux. Je me questionne sur la création d’un compte Instagram. Followers ou Faux Lovers ? Entre désir d’artiste d’étendre mon réseau au-delà des quelques 1500 abonnés de ces Nouv’ailes, voire de trouver acquéreur pour La Roue du Temps toujours confnée chez son fabricant, et pas très envie d’être encore davantage sur l’écran de mon smartphone, j’hésite. Et suis preneur de vos retours d’expérience si vous en avez.
Ce matin je me suis réveillé de bonne rumeur. Une rumeur de rien. C’était bien.
L’arbre des livres. Dans la forêt des belles feuilles de l’été, Bouches de Cendres d’Alvaro Escobar Molina aux Éditions de la Librairie du Labyrinthe. Deux enfants colombiens pris dans la tourmente d’une guerre civile sont repris par leur mère qui les emporte dans une odyssée d’épreuves et d’espérances au souffe andin puissant et poétique. Une cordillère de plaisir à gravir.
Après Au revoir là-haut et Couleurs d’incendies du puissant Pierre Lemaître, j’ai lu avec délectation Miroir de nos peines, troisième volet de cette trilogie. Cerise sur ce gâteau de lecture, j’ai dévoré cet ouvrage qui se déroule au mois de juin 1940, juste au moment où l’on commémorait l’appel du 18 juin. La débâcle de ce printemps de guerre venait en écho synchrone à cette étrange période d’après confnement, autre genre de débâcle de ce monde d’avant encore si présent.
Lu aussi Arcadie, d’Emmanuelle Bayamack-Tam, prix du Livre Inter 2019. Les utopies communautaires des seventies revues à la sauce contemporaine où s’invitent genre et migrants. La joie d’une belle écriture vive, légère et profonde.
Et puis aussi Leurs enfants après eux, de Nicolas Mathieu, stimulant Goncourt 2018.
Pour changer des romans, je me suis replongé dans l’univers de l’écrivain voyageur Nicolas Bouvier dans la réédition de ces carnets du Japon où il vécut dans les années soixante, intitulée Le Vide et le Plein. Toujours le même plaisir à lire cet auteur. J’avais entendu à la radio grand bien d’un essai de Clément Rosset -Le Réel et son Double, essai sur l’illusion-. Qui m’est tombé des mains tant ses lignes se mirent le nombril occidentalo-centré dans sa propre interrogation philosophique.
La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste (Victor Hugo)
Pensez à noter vos rêves sur le petit carnet de votre chevet. Il est dit que ceux qui écrivent leurs rêves en font plus. Comme ceux qui regardent les étoiles ont davantage conscience qu’elles sont toujours là et que le jour, c’est juste la lumière du Soleil, notre étoile qui nous empêchent de les percevoir.
Quelques flms vus cet été. L’ombre de Staline, d’Agnieszka Holland sur la famine ukrainienne organisée par Staline en 1932. Madre de Rodrigo Sorogoyen. Les Parfums de Gregory Magne avec la toujours impeccable Emmanuelle Devos. Et pour me reconnecter avec la vie en capitale masquée, rien de tel au retour de l’été, que les plans mongols de La femme des steppes, le fic et l’œuf du chinois Wang Quan An. Un régal !
Les enfants jouent à la console… Mais qui consolent les enfants ?
L’Arbre des amis. Ce fut assurément le plus généreux des arbres de l’été. Celui qui ft se rencontrer des amis nantais chez une amie gersoise sous une pluie d’étoiles flantes, des toulousains autour d’un abreuvoir et d’une bergerie en Ariège, une voisine de banlieue chez des amis des bords de la Garonne… L’arbre des chants des cinq femmes du groupe La Mossa, tellement ravies de pousser leurs chansons napolitaines, argentines ou gaéliques qu’elles n’avaient pas jouées depuis près de six mois… Et aussi une séance de cinéma cubain (Epicentro, documentaire d’Hubert Sauper, auteur du fameux Cauchemar de Darwin) à la Ciotat, ville du plus vieux cinéma du monde, les descentes en canoë de l’Allier de la Vézère, où repose désormais le jonc d’or de ma maman que le courant a fait glissé de mon auriculaire droit, la balade aux jardins topiaires d’Eyrignac, les joyeuses et somptueuses randonnées en Ariège près d’Aulus les Bains où les genoux ont encore conjugué le « je-nous » de la marche en altitude. La revoyure sous une belle lumière des vitraux de Pierre Soulages dans l’abbaye de Conques qui ne m’avait pas séduit il y a plus de vingt ans mais qui là ont enchanté cette visite en compagnie de mon ex- médecin dionysien et de sa femme. Il œuvre désormais dans une maison médicale du Grand Figeac. Je fus son patient et ces nouv’ailes dont il est lecteur fidèle ont permis de transformer cette « patience » en amitié. Merci pour l’accueil dans la si belle maison lotoise au toit à double pente !
L’automne s’en vient doucement. Faites qu’il pleuve 30 tonnes d’eau par hectares et par jour (soit une lame d’eau de 3mm d’épaisseur sur les 10000m2 de cet hectare) pour que cessent ces arbres aux feuilles déjà calcinées croisés sur la route du retour. Retour magnifé par les quatre jours de fêtes, de rires et de musiques à célébrer le mariage des amis nantais Bertrand et Doumé, leurs trente années de vie commune, leurs enfants et la ribambelle d’amis qui donnent tant de baume aux cœurs des pommes d’amour de l’automne.
J’écris cette chronique en écoutant Les Failles de la délicieuse chanteuse Pomme.
Avançons avec précaution vers le devenir qui s’en vient. Et faites que votre voyage en soi soit aussi un voyage en soie.
do 9920