DES NOUV’AILES DU NEUF n°52

9 avril 2014 § 0 commentaire § permalink

9 avril 2014
Vendredi 14 mars : après une journée à construire des totems à base de papiers Canson et de tubes de Sopalin, je fais halte aux Galeries du Grand Palais pour voir l’exposition Bill Violla. Moi qui continue à ne pas avoir la télé et qui n’est en général pas trop fan des vidéos en exposition, je suis resté scotché aux écrans pendant trois heures, sans tout voir et avec l’envie immédiate d’y revenir. Je l’avais découvert en 2007 lors de la Biennale de Venise et je suis subjugué par son travail vidéo sur le temps qui est comme chacun sait le seul matériau de la peinture… Dans cette soirée sous le signe de la lenteur, je filerai ensuite voir « Chiens errants » du taiwanais Tsai Ming Liang. Une errance aux longs plans-séquences qui impriment durablement la rétine…

Samedi 15 mars : La gorge pique de pollution, la lumière sur Paris est jaune brouillard. Seul avantage, on goûte pendant quelques heures le plaisir de prendre à bras le corps la gratuité des transports en commun sans avoir à valider… Ça semble un détail mais change vraiment la perception du réel et de son contrôle. Ça a un petit goût de L’An 01 (« On fait un pas de côté et on réfléchit ») et donne soudain l’envie d’un vrai moment de radicalité : supprimer TF1, interdire la F1 et même éradiquer la publicité pour la F1 et TF1… Rajoutez à la liste le choix de votre radicale envie.
Je n’ai pas encore lu La Liste de Mes Envies, qui a fait connaître l’écrivain Grégoire Delacourt, mais ai adoré son deuxième roman, La Première Chose qu’on Regarde, qui rencontre la belle Johansson qui n’est pas tout à fait Scarlett.
Je file voir « Son épouse » de Michel Spinosa, belle dérive d’Inde et de folie avec Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal.

Mercredi 19 mars : à la descente du train qui me ramène des boîtes à rêves de Touraine, je file voir La Cour de Babel de Julie Bertucelli. T’es belle, Babel !

Vendredi 21 mars : Deuxième jour du printemps. J’en profite pour voir défiler le XXème siècle dans l’œil de Cartier-Bresson au long de la rétrospective qui lui est consacrée au Centre Georges Pompidou. Je me régale de ses instants décisifs, de ses mots engagés et de ses dessins, lui qui disait qu’on pouvait changer sa perception du monde par un léger fléchissement des genoux.

Quels sont les effets des fées sur les faits ?

Lundi 24 mars : « La minéralisation osseuse est globalement homogène en dehors d’un petit élément micro-géodique sous chondral en regard de la convexité du condyle fémoral interne comportant une condensation périphérique régulière…. La rotule est normalement centrée sur les incidences axiales sans signe de sub-luxation comportant une ébauche de condensation ostéophytique de l’aileron rotulien externe… » Ce n’est pas de la poésie d’avant garde (quoique…) mais le diagnostic d’une radio de mon genou gauche qui clignote de douleur par caprice épisodique. J’ai conté à mon médecin allopathe comment j’avais l’été dernier fait disparaître un hygroma (inflammation du coude) par applications alternées de cataplasmes d’argile et de feuilles de choux, ce qui l’a évidemment fait sourire non sans une bienveillante tolérance. Devant l’absence de remède à ce qui n’est pour l’instant qu’un léger bobo aléatoire, je vais quand même me tartiner de quelques couches d’argile qui au moins me soigneront les genoux de la tête et peut être aussi les trop rares je/nous de la fête !

Est-ce là l’âme du couteau ?

« Il faut choisir, se reposer ou être libre » a dit Thucydide, né vers 460 avant JC et mort, peut-être assassiné, en 397 av JC, cité par Cornélius Castoriadis – dans l’émission de Mermet du Mardi 25 mars.

Dimanche 30 mars : Les électeurs ont-ils vraiment choisis ? Ou sont-ils restés libres de se reposer (les bonnes questions) ? Il appert que nous avons de nouveau atteint un pic de PEN (Pollution Électorale Nationale) !

« Halte à la baisse du pouvoir du chat ! « 

Mardi 1 avril : Journée d’information à l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence pour préparer mon diplôme de VAE (Validation des Acquis par l’Expérience) qui se déroulera en septembre prochain. Une rencontre intéressante avec deux enseignants de l’école qui m’incite à porter regard sur 30 ans de peinture et le mettre en perspective pour en faire une présentation de 45 minutes devant un jury… À suivre…

L’anagramme de créativité, c’est réactivité.

Vendredi 4 avril : La toux m’épuise. Je vais quand même voir « Her » de Spike Jonze. Et regarde en sortant avec un soupçon d’effroi dans les yeux tous ces gens métropolitains les iris rivés à leur écran. Rivés, j’ai bien dit rivets. Vite, revoir Les Temps Modernes ! Ou la légèreté un peu surannée d’Aimer, Boire et Chanter du jeune Alain Resnais qui vient de nous quitter du haut de ses 91 printemps.

Il est tant de solitude en cet or
La lune des nuits ce n’est pas la lune
Que vit le premier Adam. Les longs siècles
De la veille humaine l’ont rassasiée
De vieux pleurs. Regarde. C’est ton miroir.
(La lune. Jorge Luis Borges.)

Au vent en emporte le temps !

Bon fil d’avril…

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DES NOUV’AILES DU NEUF n°51

24 mars 2014 § 0 commentaire § permalink

9 mars 2014
Osé.
C’est un pari qui n’a pas été gagné. Les deux tableaux passant en vente aux enchères à l’hôtel Drouot n’ont pas atteint leur prix de réserve et donc pas trouvé acquéreur. Ils demeurent –maigre espoir- en vente pendant un mois sur le site www.lotprive.com … S’ils ne sont pas vendus, me resteront à débourser les 400€ de frais de dossier et de catalogue… C’est sans doute ce que l’on peut nommer la vente osant chère…

« Manet, c’est un peintre. Il a peint le collège, c’est pour ça qu’il porte son nom ».

Veillance : pourrait se dire d’un état d’attention suspendu, à mi-chemin entre distance et transparence.
Ensuite il y aurait la bienveillance ou la malveillance… À vous de choisir…

« C’est vrai, m’sieur qu’on est une classe érogène ? »

Connaissez vous la sérendipité ? Le correcteur d’orthographe de votre ordinateur le soulignera sans doute de petites vaguelettes rouges pour signaler son absence du dictionnaire… Pourtant ce mot existe bien, il est même apparu au 17ème siècle dans une lettre du sieur Horace Walpole en date du 28 janvier 1754. Il définit le phénomène de trouver quelque chose sans réellement le chercher. Comme Marie Curie qui découvrit la radioactivité en oubliant des plaques sensibles à proximité d’un morceau de radium. La pénicilline, le post it ou le velcro sont aussi des produits issus de cet anglicisme que les québécois traduisent par « fortuité ». À l’heure des surfs électroniques et des liens hypertextes, ce concept a un bel avenir à trouver devant lui. Et vous, avez vous trouvé ce que vous ne cherchiez pas ?

« Madame, je peux venir en cours avec vous ? J’ai deux heures de sperm ».
Si vous passez par Tours avant le 1er juin, faites un détour par le Château pour voir la belle exposition de photos consacrée à Vivian Maier (1926-2009), nounou photographe qui a capté l’Amérique du XXème siècle sans jamais se revendiquer photographe et a légué dans le dénuement de sa mort un héritage de 120000 négatifs.

On vous a peut-être déjà dit de ne pas dire « au jour d’aujourd’hui » pour cause de pléonasme. Alors répondez que « aujourd’hui » en est déjà un puisque « hui », qui vient du latin hodie signifie déjà « en ce jour » dont on trouve trace dans l’espagnol « hoy ».

« Il m’énerve celui-là, avec ses grands airs de ne pas aimer le passé simple ».

Connaissez vous le crowdfunding, ce mode de financement participatif qui fait appel à un grand nombre de gens pour collecter des fonds ? Un ami photographe voudrait éditer un beau livre sur les Faux de Verzy, des hêtres tortillards uniques au monde. Aujourd’hui, il ne reste que 16 jours pour boucler la collecte… Alors n’hésitez pas à soutenir ce beau projet. Pour voir des photos du livre consultez: www.fauxdeverzy.fr.
Et pour tout savoir sur le crowdfunding : www.kisskissbankbank.com/les-faux-de-verzy

Dans les films du mois, voir absolument « Ida » du polonais Pawlikowski . La finesse et le sensible du  » Sens de l’humour » de et avec Maryline Canto, je ne suis en rien objectif, je suis inconditionnel de cette actrice qui passe derrière la caméra pour la première fois. J’avais adoré « Moonrise kingdom » de Wes Anderson, mais suis resté un peu sur ma faim et me suis perdu en route dans le trop virtuose  » The Grand Budapest Hotel ». Vous pouvez aussi vous laisser tenter par « Arrête ou je continue », de Sophie Fillières avec les impeccables Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric.

« Alors cette année, on va étudier le Médecin malgré lui » –Malgré nous »
Ces interlignes en gras sont tirés de « Mes élèves sont formidables », recueil de perles d’enfants de Dominique Resch aux Éditions Autrement.

En cette année de centenaire de la grande boucherie, lisez « 14 » de Jean Echenoz, petit roman mais dense moment de lecture paru aux Éditions de Minuit. Lu aussi une belle nouvelle de Murakami, « Sommeil » et une troublante et poétique évocation japonaise de la guerre par Hubert Mingarelli, « L’homme qui avait soif ».
Picoré au seuil de l’endormissement quelques notes sauvegardées (1952-2005) que Philippe Jacottet a publié sous le titre « Taches de soleil, ou d’ombres » aux Éditions Le Bruit du Temps.
Le 21 janvier 1991 il écrit « Guerre, immonde à tous égards. Guerre, qui nous fait tomber la plume des mains ».
Le 24 janvier 1994, « Il y a eu ce matin dans l’air de rares et infimes flocons, comme des moucherons de neige ».
Le 26 décembre 1960, « Le monde toujours plus profond que le regard ».

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DES NOUV’AILES DU NEUF n°50

14 février 2014 § 1 commentaire § permalink

Soi. Sente.

C’était dimanche de Chandeleur, ce fut un moment doux et suave sur le sentier de mes ans. Entre crêpes et bougies, gravures et photos, peintures et papiers, trente-cinq personnes sont venues trinquer d’amitié, partager un regard, un verre de cidre et même acquérir quelques œuvres. De quoi dire à Saturne de ne pas mettre trop de grains de sel dans mes cheveux. Et faire hennir de plaisir le début de l’année chinoise du Cheval de Bois et celui de mon copain Zacharie, petit chevalier de quatre ans à la fière épée… aussi de bois.
J’aime ouvrir l’atelier, ce lieu de liberté où je peux faire ce que je veux, comme je veux quand je veux. Cet intime chaudron où mitonnent les mues de mes mains, les ports de mes yeux et qui sans cesse cherche ce qui ne se trouve pas pour trouver ce qu’on ne peut chercher. Certes, ainsi ordonné, prêt à l’accueil, il n’a pas le même visage que dans le joyeux désordre du quotidien solitaire et créateur, mais ouvrir sa porte, c’est aussi partager un peu de cette liberté intérieure… Et renvoyer aux abîmes tous les assassins de la curiosité dont notre époque abonde.
Une semaine après, j’ai décroché quelques aquarelles, réinstallé sur les cimaises les tableaux en cours et l’apparent désordre va doucement reprendre le fil de ses méandres. Prochain rendez vous au pays des portes ouvertes au mois de juin !

ATTENTION : LA VENTE DE DEUX DE MES TABLEAUX ANNONCÉE DANS LES PRÉCÉDENTES NOUV’AILES POUR LE 13 FÉVRIER A ÉTÉ REPORTÉE AU JEUDI 20 FÉVRIER à 14H. C’est au 3 rue Rossini, 75009 Paris (9ème) face à l’Hôtel Drouot, sous l’égide de Maître Bertrand Fraisse, commissaire-priseur à Tours. L’exposition de la vente aura lieu le mercredi 19 février 2014 de 9h30 à 19h. On peut suivre la vente en direct en s’inscrivant sur Drouot Live http://www.drouotlive.com/

Il n’y aura pas d’expo chez Philomuses, pas de Roue du Temps à Baie Saint Paul ni de « d du hasar » sur les étangs de Brocéliande. Pas plus que de « L’Igne de Feu » à Hautecour en Savoie ni d’ »Envol des Remparts »» à Ypres ni de « Fourchettes et Coquillères » à Pontault-Combault. Les réponses négatives à divers projets sont tombées en rafale en cette fin janvier, comme une pluie de marteaux sur une tête d’épingle, me faisant réclamer quelques jours de répit avant de repartir en campagne pour de nouveaux horizons de projets.
Le premier qui s’est présenté fut l’acceptation de mon dossier de VAE (Validation des Acquis par l’Expérience) par l’École des Beaux Arts d’Aix-en-Provence, en vue d’obtenir un DNSEP (Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique). Passer un diplôme à l’entrée des sixties, voilà qui fera écho à l’activateur de jeunesse qu’a offert ma chère nièce à son joyeux tonton.

Quand je pense que l’on est en 2014 et qu’il y a encore des écoles en France qui n’ont pas de salle d’arts plastiques, ça me révolte. Depuis décembre, celle de l’École Charles Péguy de Rueil sent bon le savon. Inspirés par les sculptures inuit, les enfants ont découvert la taille directe dans les blocs de savon de Marseille qu’ils avaient apportés. Penser avec les doigts dans les trois dimensions n’est point chose aisée pour de si petites mains mais quel régal dans leur yeux enthousiastes !

Si les poissons avaient des ailes, ils deviendraient polissons.

Pour échanger un cadeau de pull un peu juste, je suis passé aux Galeries Lafayette que je n’avais pas traversées depuis bien longtemps. J’y ai croisé l’insolence, voir l’indécence de ce luxe que l’on dit à la française dans les boutiques de marque où ne circulent qu’une majorité de touristes étrangers. Quoi de neuf depuis le veau d’or et les marchands du temple ?

« La photographie est une manifestation de la distance de l’observateur qui enregistre et qui n’oublie pas qu’il enregistre ». Pierre Bourdieu cité par Depardon dans la belle expo qui vient de lui être consacré au Grand Palais à Paris.

Découvert l’univers de Dominique Barberis à travers son récent roman « Une vie en marge ». Une belle langue où la narration se tisse sous des angles si variés que l’on est entraîné avec force et plaisir dans ce labyrinthe de mots. J’ai emprunté à ma médiathèque préférée « Correspondances des routes croisées » de Nicolas Bouvier et Thierry Vernet aux Éditions Zoé, dont le récit de leur voyage de Yougoslavie en Inde en 1954 a donné ce livre fameux qu’est « L’usage du Monde ». Ces correspondances sont en quelque sorte l’envers de ce chef d’œuvre, puisqu’elles rassemblent les lettres que ces deux artistes se sont envoyées pendant de nombreuses années. Je n’ai bien sûr pas tout lu, mais en ai picoré de savoureux extraits au seuil de l’oreiller et c’était comme les coulisses du voyage.

« Au clair de lune, rencontrer l’Autre ».

Au ciné, moi qui aime beaucoup le jeu de Karin Viard, ai été gaté avec « Lulu, femme nue » de Solveig Anspach et « L’amour est un crime parfait » des frères Larrieu. À voir aussi le très émouvant et juste « Philoména » de Stephen Frears, et aussi « Twelve Years A Slave » de Steve McQueen ainsi que « Le Vent se lève », dernier et somptueux opus du japonais Miyazaki.

Et pour clore ce numéro 50 qui commence la traversée des 60, je vous livre cette sentence reçue comme une petite lumière de bougie et de sagesse :
« À cet âge, sois sans temps et réjouis-toi du temps qui passe. »

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DES NOUV’AILES DU NEUF n°49

12 janvier 2014 § 0 commentaire § permalink

Deux dates, un marteau et des crêpes.

C’est le menu du début, la mise en bouche de l’année 2014, qui rime avec zucre d’orze quand on en a un sur le bout de la langue.
La première, c’est le dimanche 2 février, jour de la Chandeleur, où je ferai rimer « Portes ouvertes à l’atelier » avec « Travaux sur papier ». Je vous enverrai d’ici là une invitation plus précise.
La seconde, c’est le jeudi 13 février où deux de mes tableaux « Le Destin des Destinations » et « Le Partage des Eaux » passeront en vente aux enchères à l’Hôtel Drouot sous le marteau de Maître Bertrand Fraisse. Ces deux tableaux ont été sélectionnés par un expert, Dominique Stal à qui j’avais envoyé cinq photos sur les conseils d’une amie (Merci Ariane). Enjeu : gagner quelques euros si les enchères dépassent le prix de réserve et à la clé une première cote « officielle » dans le grand marché de l’Art…À mi-chemin entre pari et folie, il faut oser puisqu’il paraît que c’est le temps des vœux (même sans étoiles filantes)… À suivre dans ce rendez-vous mensuel du Neuf dont je vous remercie à cœur ouvert de suivre le fil qui tisse la complicité des toiles et du temps qui passe….

Mardi 10 décembre, je lis quelques retours des Nouv’ailes 48 que j’ai envoyées la veille, j’écoute la radio, l’adieu à Mandela et j’ai des frissons.

« On ne peut pas reproduire le temps »

Citez-moi le nom d’un banquier du XXème siècle… Difficile, n’est-il pas ? Quels sont les noms qui surnagent dans l’écume des temps ? Quelques grands hommes comme Madiba, quelques artistes… Quelles sont les choses les plus chères au monde aujourd’hui ? Des tableaux… Preuve que la première des valeurs universelles c’est bien l’Amour. De l’Art. À moins que ce soit l’Art de l’Amour, ce qui est sans doute la même chose. En aucun cas ce n’est l’argent…

« Hâtez vous d’aimer » a dit Charles Juliet en parlant de son livre « Lambeaux », que je croyais être « L’Ambo », comme le nom mystérieux d’un rituel lointain. Cet homme a une parole qui éveille comme le disait si justement son premier livre L’Année de l’Eveil.

Hypothèse sans doute invérifiable : les premières peintures pariétales auraient été peintes par des femmes. Chez les Ndebele, tribu d’Afrique du Sud que je fais découvrir à mes élèves de primaire, les hommes construisent les maisons mais ce sont les femmes qui les décorent. De ces peintures géométriques et colorées que l’on découvrit lors de ce tournant du regard contemporain que fut en 1989, l’exposition « Les Magiciens de la Terre » au Centre Pompidou et à la Grande halle de la Villette.

« Un tableau n’est pas une image ».

Quand on dit d’un humain que c’est un original, c’est souvent un compliment. Quand on dit d’une œuvre d’art que c’est un original, c’est une preuve d’unicité. La naissance de l’humanité est indissociable de la naissance de l’art (et réciproquement).
Que nous réserve le monde des imprimantes 3D dont on sent poindre les balbutiements de leur imminente arrivée dans nos univers quotidiens ? Il semblerait qu’aucun auteur de science-fiction n’ait imaginé le téléphone portable, cette petite boîte électronique capable de nous relier à presque tous les coins de la planète ! Peut-on imaginer un monde où tout serait reproductible ? Il manquerait sûrement d’originalité…

« Les besoins sont faits pour être satisfaits, les désirs pour être reconnus ».

Si l’on la rapporte à la durée d’une journée, l’espérance de vie d’un Français a augmenté de 3h depuis la dernière guerre. Trois heures et des poussières, c’est la durée moyenne pendant laquelle ce Français regarde la télé chaque jour… Nautivy demeure donc un vrai geste de résistance… Et que vivent la radio, le ciné, la lecture… Dans celles du mois, un livre qui ne vous posera pas de lapin puisque c’est « Le Dernier Lapon” , polar arctique d’Olivier Truc, correspondant du Monde à Stockholm. Et « Nue », dernier opus de la tétralogie de Jean Philippe Toussaint.
Dans les films, cap à l’Est ! Ne ratez surtout pas « A Touch of Sin » du chinois Jia Zhangke. À voir aussi l’indien « The Lunchbox » et le japonais « Tel père, tel fils ». Vous pouvez aussi rendre visite à « Suzanne ».

Le rituel des vœux peut parfois sembler quelque peu vide de sens, surtout pour les jeunes générations. Mais c’est pourtant, même léger et furtif, un moment d’attention à l’autre, un geste d’intention vers autrui. Il importe de faire attention à l’intention. Une amie apprentie acupunctrice doit, pour cultiver son geste de piquer et nourrir l’acuité de son Qi, traverser une feuille de papier tendue sur un bol. Puis en ajouter une chaque jour. Et ce, jusqu’à cent feuilles tendues sur le vide du bol. Notre langue est parfois bien pauvre pour dire les forces qui animent l’intention, la part d’indicible et d’irrationnel qui sous-tend la beauté du geste, le son de l’impact ou l’éclat d’un rire. (En kyudo, le tekichu – le son de la flèche qui perce la cible- résonne de l’intention et du souffle de l’archer).

Malgré l’apparente opacité du monde, ses bruits de guerre et ses relents nauséeux de brochettes de quenelles qui ne sont pas de brochet…. je vous souhaite l’intime intention d’être heureux.

Nichi nichi kore kōnichi.
(Chaque jour est un bon jour).

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DES NOUV’AILES DU NEUF n °48

9 décembre 2013 § 0 commentaire § permalink

9 décembre 2013

DES NOUV’AILES DU NEUF n°48

 

Poser son regard.

 

Une quinzaine de personnes sont venus poser le leur dans l’huis de mes portes ouvertes de la mi-novembre. Qu’elles en soient ici remerciées. La complicité qui se tisse là caresse le pinceau dans le sens du poil et réconforte un instant le peintre toujours trop gourmand de visites, voire évidemment de ventes. Attrapé à la radio ce dilemme : être artiste, c’est avoir envie de se cacher pour le rester et de se montrer pour le dire. Insoluble contradiction qui m’a fait souvenir du Vent Paraclet de Michel Tournier lu sur les routes autostoppeuses de Gaspésie en octobre 81, où il décrit comment l’œuvre s’écrit à travers lui. À mettre en regard des Lettres à un Jeune Poète de Rilke au panthéon des indispensables. Alors garder au cœur le plaisir de créer sans autre but que la joie de respirer la spirale euphorique du processus créateur. Sans cesse chercher une liberté à inventer et laisser le temps faire son œuvre… En être à la fois l’acteur, le témoin et le regard.

Que ce soit dans une coquille d’œuf ou un tube de peinture, ma créativité se nourrit d’origine. Puisque « si l’on ne sait pas où l’on va il faut regarder d’où l’on vient » comme dit le proverbe africain. Chercher dans l’originel la source d’un universel . Ou l’inverse. Lier Lascaux et Schrödinger. Peindre la Terre Native, il n’y a pas d’autre alternative.

 

« L’Art, c’est tout l’Univers recréé dans un homme » (Bourdelle).

 

La prochaine fois que vous voyez en pleine campagne un TGV traverser le paysage, regardez sa vitesse et imaginez les vents qui ont soufflé sur les Philippine, il y a un mois à peine… Vous souvenez-vous ou avez-vous déjà oublié?

Incroyable nouvelle : on vient de découvrir que la pollution est dangereuse ! Les gaz d’échappement des moteurs diesel, les particules polluantes de l’air ambiant viennent d’être classées dans la liste des cancérogènes avérés pour l’Homme, favorisant l’apparition de cancers du poumon et de la vessie. Mais de qui se moque-t-on pour oser annoncer comme nouvelle cette information qui tombe sous le (bon) sens ? Vous reprendrez bien un peu de saumon d’élevage en ces veilles de fêtes ? Celui de Norvège semble le plus fourni en métaux lourds ou autres perturbateurs endocriniens…

 

Quand un sourire manque d’ère, il soupire…

 

« Cette pomme est rouge du sang des noirs victimes de l’apartheid blanc en Afrique du Sud. » C’était, sous une pomme Granny Smith verte, la légende d’une affiche prônant le boycott des oranges Outspan rencontrée lors d’un stage de découverte de la non-violence au milieu des années 70. Merci Monsieur Mandela d’avoir fait sortir un arc-en-ciel de cette pomme empoisonnée.

 

Au jour d’annonce du départ de Madiba, je suis allé voir Zulu, film tiré du livre de Caryl Férey dont je vous ai parlé récemment. Polar efficace dans la violence de l’Afrique du Sud avec l’excellent Forest Whitaker. Dans la cinéphilie de ce décembre, il y a le brillantissime et très intelligent Vénus à la fourrure de Polanski qui nous emporte dans les différents jeux entre un homme et une femme, un metteur en scène et une comédienne à moins que ce soit entre deux acteurs de cinéma…

Moi qui rêve d’arriver à New York en bateau me suis régalé avec The Immigrant de James Gray avec l’émouvante Marion Cotillard. D’immigration il est question aussi dans le beau noir et blanc subtilement tacheté de couleurs du film Heimat. Nous ne sommes plus dans l’Amérique de 1921 mais dans l’Autriche de 1843.  Beaucoup ri à la vision de Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier avec un Thierry Lhermitte en Villepin flamboyant mais surtout avec le formidable vieux matou Nils Arestrup. De quoi effacer le spleen un peu tristoune de Inside Llewyn Lewis des frères Coen. Rajouter une couche de Guillaume et les Garçons, à table ! et vous avez ainsi mon ciné menu de ces dernières semaines.

 

Connaissez vous un chanteur qui aurait des tuyaux pour faire un tube ?

 

J’ai conté jadis mon arrivée à Paris ( https://blog.dodelaunay.com/2003/) il y a maintenant trois décennies. Dix ans plus tard, pour passer de 93 à 94 je m’offris une expérience que chacun devrait à mon sens faire une fois dans sa vie : une retraite de dix jours dans un centre de méditation Vipassana. Dix jours de silence avec pour seul but de porter son regard  dans l’infime et infini intime  de soi…. Au sortir de cette randonnée intérieure, un vol de neuf hérons salua l’an nouveau. Depuis, chaque héron qui croise à portée de mes cils me relie à cette danse de silence.

 

« Un enfant qui ne tient pas en place est un enfant qui n’a pas sa place ». Le contact avec les enfants via les arts plastiques est parfois formidable (comme cette séance de pose où je leur ai demandé de me dessiner, voir la troisième pièce jointe de ces nouv’ailes) parfois affolant à observer comment certains tiennent leur crayon. Aux États-Unis, certaines écoles envisagent de ne plus apprendre aux enfants à écrire à la main, mais directement sur clavier ! À voir comment est organisé le marketing des jeux vidéo et autres outils numériques (la pénurie est planifiée pour susciter la peur du manque et les consoles sont ainsi réservées des mois à l’avance) je me dis que le capitalisme, jamais à court d’idées récupératrices a trouvé là un inépuisable filon pour satisfaire la console du je.

 

Lors de mon année sabbatique et quebécoise au début des années 80, je pris en pleine face la lecture du « Monde selon Garp » de John Irving que je prolongeai par L’Hôtel New Hampshire ». Puis il y eut « L’œuvre de Dieu, la part du Diable ». J’en lus d’autres qui me laissèrent sur leur fin, mais viens de retrouver ce grand romancier dans sa dernière parution « À moi seul bien des personnages ».

 

Qu’est ce que le regard ?

 

Un dard plus aigu que la langue

la course d’un excès à l’autre

du plus profond au plus lointain

du plus sombre au plus pur

 

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Je vous souhaite un œuf de noël tout en plumes.

 

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DES NOUV’AILES DU NEUF n°47

24 novembre 2013 § 0 commentaire § permalink

Comme un sous-marin.

Je compare souvent mon atelier à un navire aux cales labyrinthiques avec des motifs, des obsessions, des signes qui s’enfouissent puis remontent à la surface, des marées de couleurs qui écument ou échouent sous les plages des pinceaux, des vagues de sables qui s’aiment sur les étales des rives ou se déchirent dans la toile des algues.

Pendant ces vacances de la Toussaint, ce fut plutôt un sous-marin, avec immersion totale sous le pont de la peinture. Dix jours sans heures entre réveil et sommeil, avec dans le périscope quelques films et les expos de Braque et de Vallotton dans les galeries du Grand Palais. Et aussi celle, somptueuse, de Fabienne Verdier à la galerie Jaeger Bucher.

Vous pourrez venir accoster aux portes de ce bateau libre qui sont grandes ouvertes les samedi 16 et dimanche 17 novembre prochain de 15 à 20h.

(J’ai écrit cette phrase en caractère un peu plus gros mais, s’il vous plait, lisez la à voix basse car vous êtes peut-être écouté par la NSA !)

On est toujours sans nouvelles de la matière noire qui occupe au moins un bon quart de la masse de l’univers mais dont on n’arrive pas à trouver trace. C’est pourtant simple : elle est cachée dans l’envers des châssis ! Chaque tableau est la face émergée d’un invisible cube rempli de cette mystérieuse matière …

À notre époque qui pratique assidûment la chasse aux boucs émissaires, pourquoi actionnaire rime trop souvent avec réactionnaire ?

« L’amour est la meilleure leçon d’économie du monde, dixit Mathieu Ricard dans son livre « Plaidoyer pour l’altruisme : La force de la bienveillance », il double à chaque fois qu’on le donne ». On accuse très souvent notre époque d’être hyper individualiste. Cliché rebattu par le storytelling déprimant des grands médias alors que d’autres études plus confidentielles ont montré qu’en cas de catastrophe, le premier réflexe est souvent l’aide, la solidarité (comme lors de l’accident ferroviaire de Brétigny en juillet dernier). Peut-être faudrait-il sérieusement revisiter le concept d’individuation que définit Carl Gustav Jung, comme étant (je simplifie) un individualisme qui aurait intégré la notion de collectif… Vous avez dit altruisme ?

Il paraît même que l’art favoriserait l’empathie, comme l’a démontré Jean Claude Ameisen dans son émission Sur les épaules de Darwin du samedi 2 novembre.

Peut-on être hostile au style ?

Lu dans le journal l’annonce de la candidature à la mairie de Paris d’un Gaspard Delanoë qui entre autres s’est prononcé contre le cumul des… pandas. Sans aucun doute une candidature à prendre au sérieux !!!

C’est sans doute un des anthropologues le plus lu au monde mais pas encore très connu en France. Il s’appelle Jared Diamond et vient d’écrire livre « Le monde jusqu’à hier » aux éditions Gallimard. Ses livres explorent les sociétés traditionnelles et se demandent pourquoi certaines sociétés prospèrent tandis que d’autres disparaissent. Je l’ai entendu développer le concept de « paranoïa constructive », l’art d’utiliser cette légère pathologie pour anticiper et se protéger des fâcheux. Je me suis senti moins malade en allant vérifier trois fois que j’avais bien fermé le robinet du gaz que je n’ai pas dans mon atelier…

À la vue des passagers matinaux d’un bus entier lisant Direct matin ou autre 20 minutes, je suis plus que circonspect quant à cette presse que l’on dit gratuite. Aviez-vous observé, comme l’a fait remarqué Cabu récemment à la radio, qu’il n’y a jamais de dessins dans les journaux gratuits ?

Les Turcs ont-ils des trucs pour ne pas se prendre la tête ?

« Qui tue les chiens quand la laisse est trop courte ? » C’est une phrase d’un poème inséré dans « Mapuche » de Caryl Férey que deux réseaux d’amis différents m’ont conseillé en même temps. Alors merci pour le conseil ! C’est un polar qui se passe aujourd’hui en Argentine et qui plonge son intrigue dans les bas-fonds de la dictature et la mémoire des disparus au temps où il eut fallu boycotter la coupe du Monde de foot de 1978. C’est un bouquin qui colle à l’insomnie, qui reste ouvert entre vos mains pour vous obliger à ne pas fermer l’œil de la nuit. Du même auteur, j’ai lu aussi Zulu, qui m’a transporté cette fois en Afrique du Sud. Ambiance aussi dure, mais plaisir de la lecture aussi grand ! Entre ces deux livres, J’ai remonté le cours de l’écriture de Philippe Forrest dont j’ai adoré le Chat de Schrödinger au printemps dernier, avec la lecture de son premier roman, datant de 1997, intitulé L’enfant éternel. Livre lourd à lire puisqu’il conte le récit du cancer qui emporta sa fille âgée de 4ans. Pierre angulaire de son travail d’écriture sur la disparition. Un livre douloureux qui fortifie l’envie de vivre…

Chapitre disparition, également, je suis à la trace Erlendur, héros récurrent de l’islandais Indridason toujours à la recherche de son frère disparu lors d’une tempête de neige quand ils étaient enfants. Le roman s’appelle Etranges Rivages.

Côté cinéma, nonobstant l’encombrant tapage médiatique, j’ai passé trois heures de vrai bonheur dans La vie d’Adèle.

Sans pour autant me détourner de celle d’Omar de Hany Abu-Assad. Quant à Gravity, préférez lui une bonne séance dans un planétarium ou à la Géode. Je n’ai pas vraiment ri à 9 Mois ferme. Et vous ?

Comment ne pas le dire ? Je me sens plus angevin que chauvin, notamment pour sa douceur si bien célébrée par Du Bellay dans son « Heureux qui comme Ulysse…» Mais c’est certain, je déteste plus que tout l’odeur nauséabonde des régimes de bananes qui poussent en cette contrée natale… (Allez écouter la chronique de François Morel sur Inter du vendredi 1er novembre: http://www.franceinter.fr/emission-le-billet-de-francois-morel-le-billet-de-francois-morel-48 )

Allez, je sors mes écoutilles et vous attends le week-end prochain, avec douceur et empathie, la porte et le cœur grand ouvert.

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DES NOUV’AILES DU NEUF n°46

14 octobre 2013 § 0 commentaire § permalink

9 octobre 2013

 

« Apprendre à dessiner c’est apprendre à regarder ».

C’est Patrice Chéreau qui le dit en interview citée dans la longue nécrologie que lui consacre le Monde d’aujourd’hui. Je n’ai pas vu ses spectacles de théâtre mais beaucoup vibré à ses films. « La Reine Margot », bien sûr, « Ceux qui m’aiment prendront le train » mais surtout « Intimité », dont la scène d’ouverture faisait à merveille pénétrer sans voyeurisme dans l’infime espace de l’entre-peaux.

Jouer à cache tampon.

L’automne est là. Après un mois de septembre fourmillant dans l’atelier, j’ai repris le chemin des écoles de Rueil et de la MJC tourangelle. Dans les projets des écoles primaires, nous allons apprendre à regarder les univers des arts premiers (aborigène, inuit, amazonien, amérindien pour finir avec les dessins des Nbele d’Afrique du Sud). Et aussi travailler à partir des photos aériennes de la planète: entre autres idées, faire dessiner les enfants à partir d’une photo satellite de leur propre école. Être au cœur du monde et l’observer avec les yeux du ciel pour le couver du regard.

IMPORTANT : Notez la date du week-end des 16 et 17 Novembre prochain : L’ATELIER SERA OUVERT !!! À suivre….

S’expédier chez Montgolfier.

En Occident, QI désigne le quotient intellectuel. En Chine, le qi, c’est ce que l’on peut maladroitement traduire par souffle, vibration, énergie… Ce que Wilhelm Reich avait baptisé orgone, les hindous prana ou les pascuans mana.

Poinçonner son ticket d’arc-en-ciel.

Si j’étais une voix, je pousserais bien un coup de gueule cinéphile et même cynophile contre les block-busters américains qui déferlent chaque été sur nos écrans toilés. Y en a plus que marre de cette daube à sauce violente qui bande-annonce ad nauseam, encombre  nos fenêtres technicolor, gave les neurones adolescents et sature l’imaginaire de notre espace cinéma. Et l’on se surprend à se demander pourquoi tant de fusillades jonchent les colonnes de l’actualité outre-atlantique. Sans parler de l’envahissement des séries télévisées qui squattent nos petits écrans et deviennent des sujets « culture » d’émissions de radio. Même les défilés de couture ne sont plus nommés que sous l’appellation « fashion week » !!! Serait-ce démodé que dire « semaine de la mode » ?

Jouer à la cuillère dans l’assiette à soupe.

Bien aimé la définition d’être de gauche donnée par Michel Piccoli dans son portrait en dernière page de Libé le 12 septembre dernier: « Être en permanence vigilant sur la place que l’on occupe dans le monde ». Imaginez que vous avez en permanence un œuf de lumière qui flotte au-dessus de votre occiput et que dans cet œuf, il y a un œil qui regarde votre place dans le monde. Pour mémoire, et c’est la matière d’un projet en gestation, je vous rappelle que chaque terrien a droit sur notre planète, à une surface de 2,7hectares …

Travailler à la vigne du Seigneur.

Le mois dernier, j’ai oublié de vous parler de Grand Central, film de Rebecca Zlotowski, histoire d’amours qui se passe dans la centrale nucléaire du Tricastin, en vallée du Rhône. J’y ai repensé en écoutant l’édifiant reportage sur France Inter le dimanche matin dans le magazine Interception consacré à l’EPR de Flamanville, vous savez le joujou d’EDF à qui l’on a rajouté 2 milliards d’euros il y a quelques mois, histoire de tripler le budget initial….

Mettre la cheville au pertuis.

Il est probable que ce film sorti début septembre ne soit plus à l’affiche. Consolez vous avec « Mon âme par Toi guérie » de François Dupeyron d’après son propre roman avec le fantastique Grégory Gatebois qui a triomphé cet été à Avignon dans « Des Fleurs pour Algernon ». Pas vu ce spectacle mais ce livre de Daniel Keyes lu il a quelques décennies est un chef d’œuvre, si, si !!!

Allez voir « Miele » aussi, de Valeria Golino qui avait joué dans « Respiro » en 2002. Un film fin et subtil sur la fin de vie. Il est des actrices qui sont trop rares au cinéma : c’est le cas de Maryline Canto qui joue avec Olivier Gourmet dans « La Tendresse » de la belge Marion Hänsel. Un film tout en douceur qui fait du bien au cœur.

Défriser le petit buisson

Les coups de cœur des bibliothécaires de ma médiathèque dionysienne (dira-t-on un jour médiathécaires ?) ont du bon puisqu’ils m’ont permis de lire « La Tendresse des Loups » de Stef Penney, roman à plusieurs voix qui se déroule dans le grand nord canadien. Évasion garantie.

Faire voir la feuille à l’envers.

Si vous n’avez pas encore croisé l’univers et la belle langue de Sylvie Germain, commencez par son premier roman « Le Livre des Nuits ». Puis « Nuit d’Ambre » ou encore « Magnus ». Je viens de lire « Le Livre de Tobie ». Puis j’ai poursuivi par « Petites Scènes Capitales », son dernier roman, en lice pour le Goncourt. (J’espère que ce n’est pas le dernier, puisque la langue française n’a pas de mot pour signifier « le dernier paru »). J’y ai découvert le mot « infimité », par elle inventé.

Entre infimité et intimité, il y a place pour une infinité de regard.

À votre tour d’y voir.

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Les expressions écrites en gras sont tirées de « Les doigts de pieds en bouquets de violettes », dictionnaire coquin de la linguiste Sylvie Brunet aux éditions de l’Opportun.

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9 septembre 2013 DES NOUV’AILES DU NEUF n°45

9 septembre 2013 § 0 commentaire § permalink

Un été de rêves et de mots, petits cailloux de temps glanés entre les deux.

« Le meurtrier de l’assassin l’attendait derrière la porte. Celle-ci s’ouvrit lentement de 180°, masquant son envers à son visiteur. Entrant dans la pièce il se retourna et d’une sueur glacée, sombra dans l’effroi la nuque la première. Quelque chose de puissant flottait dans l’air : la table était recouverte de larges assiettes en forme de coupes circulaires remplies de grappes de raisins verts… »

Saviez-vous que le mot « illusion » vient de « illudere, jouer librement » ? C’est Jean Claude Ameisen, par ailleurs président du Comité consultatif national d’éthique qui le dit de sa belle voix dans son émission « Sur les épaules de Darwin », le samedi matin de 11 à 12H sur France Inter.

« Une maison avec une grande baie vitrée qu’un fin store métallique baigne d’une lumière irisée bleue. Au sol, un carrelage aborigène fait de galets ocres est traversé par des lignes rouges qui convergent en un flot unique au travers d’un soleil blanc… »

Émerveillé par le roman de Philippe Forest « Le Chat de Schrôdinger » (Nouv’ n°43), j’ai poursuivi la découverte de cet auteur par son roman « Sarinagara « , mot japonais que l’on peut traduire par « cependant ». À travers le motif récurrent de la perte d’un enfant, il parle de trois grandes figures japonaises : Kobayashi Issa passé maître dans la composition du haïku, Natsume Sôseki considéré comme l’inventeur du roman japonais moderne et Yamahata Yosuke premier photographe dépêché à Nagasaki juste après l’explosion nucléaire d’août 45. Paroles autour de la mort, mais « cependant… »
Lu en juin, j’avais noté de ces pages ce court extrait « Il sent juste souffler autour de lui le grand vent calme de la vérité, celui qui, à un moment ou à un autre de chaque vie, finit par se lever, laissant chacun seul dans le vide.
À quoi tient ceci ? Que la représentation de la vie soit toujours plus poignante que la vie elle-même, que l’on pleure sur un portrait et jamais sur un visage (…) Pourquoi faut-il en passer par les images afin que nous soit rendue la vérité des choses aimées parmi lesquelles nous passons ? (…) Pourquoi ? À cette question, la philosophie donne toutes sortes de réponses. Elle dit que l’image étant le signe de la chose, elle en rappelle à la fois la présence et l’absence. Qu’elle ne nous rend l’objet aimé qu’afin de nous signifier que nous en sommes privés. Qu’elle nous désigne sa disparition mais pour nous restituer aussitôt cela qui nous manque à jamais selon le simulacre éblouissant de son don. Et il faut le regard second qu’appelle l’image pour que nous parvienne ainsi la vérité de notre vie, offerte et dérobée à la fois « .

Il fait maintenant septembre et je relis ce fragment à la lueur triste de la disparition d’O. qu’un crabe pulmonaire et fulgurant a emportée comme une avalanche de silence atterré. Elle avait participé à la préparation de la traversée Mare a Mare corse qu’elle devait faire avec la bande de joyeux rando-lurons et luronnes du Sud dont j’ai bonheur d’être depuis une quinzaine d’années. J’ai mis sa mémoire dans mon sac avec quelques cailloux de carpe diem par-dessus et nous avons marché dans la Beauté de l’Île. C’est elle qui avait proposé de faire en plus un petit fragment du GR20, et ce matin-là, les rochers de la crête sculptaient pour elle le bleu du soleil.

« Dans un festival de cinéma, des arbres artificiels sont enrubannés de filets d’arc-en-ciel. Lorsqu’un film se termine, les spectateurs font cercle et un homme en short noir fait un nœud au filet suspendu de l’arbre pour le ranger dans l’anneau de la mémoire des images. »

« La couleur est le lieu où notre cerveau et l’univers se rencontrent » a dit Cézanne cité dans le film niché au cœur de l’exposition Simon Hantai qui vient de se terminer au Centre Pompidou. Figure pas assez connue de l’art du XXème siècle, c’est un monument de peinture qu’il faut se « plier » avec joie de visiter. Comme aussi, le musée Rebeyrolle à Eymoutiers en Haute-Vienne. Autre « monstre » de peinture à la matière folle et exubérante, charnelle et matérielle…
Dans les petits cailloux picturaux de l’été, il y avait eu auparavant la troublante exposition Ron Mueck à la Fondation Cartier de Paris, les sculptures du Centre d’Art de l’Ile de Vassivière, les découvertes mystérieuses et insolites du land art dans les vastes paysages du Sancy et comme apothéose estivale, une journée sous le béton résillé du bâtiment du MuCEM marseillais (Musée des Civilisations Européennes et Méditerranéennes). Une époustouflance titanesque comme le fut la brillance des écailles du Guggenheim de Bilbao.

« Je suis à New York, en même temps que FG que je vais peut-être croiser, pour faire une conférence sur l’art. Les conditions d’accès à la salle et au public sont mystérieuses et acrobatiques : il faut passer par une porte-fenêtre qui donne sur le vide…. »

Mercredi prochain, 11 septembre. Je me souviendrai de 1973. De Salvador Allende et de mon émotion en passant au pied de sa statue à Santiago il y a quelques années auprès du palais de la Moneda. Et je relirai l’article sur le livre « Les Empires coloniaux » paru au Seuil sous la direction de Pierre Singaravélou… Pour continuer à décoloniser notre vision du monde, décentrer nos regards de nos rivages impérialistes et faire émerger la conscience multipolaire de notre unique planète… À fréquenter assidûment le musée Dapper et celui du quai Branly, je mesure comment, en deux décennies, notre regard sur l’art et le monde a pu se transformer aux contacts renouvelés avec les arts dits primitifs. Les barbares seraient-ils en voie de disparition ? Certains résistent sauvagement, sur les chemins de Damas…

« Écrire de la fiction, c’est se souvenir de quelque chose qui n’a pas existé » a dit dans le poste Siri Hustvedt, écrivaine new-yorkaise qui est aussi l’épouse de Paul Auster.
N’est-ce point aussi cela, ce qui s’écrit dans la toile de l’atelier ? Redescendu des montagnes aux goûts corsés et aux gorgées de Pietra, je retrouve les gestations d’argile et de couleurs posées en juillet au pied du chevalet. Sas de reconnexion avec les rythmes de la capitale avant la reprise des cours mi-septembre à Tours et début octobre à Rueil. Et bien sûr continuer à tricoter les fils du futur avec les aiguilles des projets et les mailles de la poésie. Oser poser une infime goutte de peinture au cœur de l’intime pour toucher l’infini océan de l’universel.
Pour aider à la réintégration de la grande ville après les pérégrinations aoûtiennes, j’ai vu « Une place sur la Terre », « Jeune et jolie », « Gare du Nord » et le singapourien « Ilo ilo ». Mais le top de cette semaine cinématographique, ce fut le déjanté, baroque et réjouissant « La danza de la realidad » du franco-chilien Jodorowsky. Au creux de l’été des Cévennes du XVIème siècle, il y eu aussi le très beau « Michael Kohlhaas ».

« Dans une alternative, entre deux choix, c’est toujours le troisième qui gagne ». Creuset yin/yang où dans le vide de l’entre-deux se glisse la pensée non pas magique mais créative, inventive, mouvante.
Le désir est-il triangulaire ? Et pour cela faut-il mettre son ego dans le cendrier ?

« Un groupe de gens se baladent dominicalement. Il y a un feu dans un trou, mais c’est peut-être une tour. Dans une grotte, des branches entrelacées font du plafond très haut une merveille de beauté. Il est possible de monter par un tronc d’arbre dans la paroi de la grotte. Je m’allonge par terre pour faire une photo. La grotte débouche par une galerie transversale sur un quai de gare tout au bord de la mer… »

Entre le vide et la vie il n’y a qu’un dé de différence.

Je vous souhaite des matins de bon thé.

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DES NOUV’AILES DU NEUF n°44

9 juin 2013 § 0 commentaire § permalink

9 juin 2013

Les dix jours du Neuf.

Entre Touraine et Beauce, les pérégrinations de quelques coquilles et d’une paire de tongs rouges. En lisant « Fantôme » polar fameux de Jo Nesbo, en réécoutant les chansons du métèque Moustaki qui nous a laissé « Le Temps de Vivre » et « La Carte du Tendre ».
Avant de préparer les portes ouvertes de l’atelier, le week-end prochain (Vendredi 14 juin de 17 à 20h, Samedi 15 et Dimanche 16 de 15 à 18h, infos suivent).

31 mai : après un bref passage angevin pour visiter maman et emprunter la Twingo maternelle, je repasse par l’atelier dionysien pour chercher plumes, œufs et outils. Départ pour Veigné, près de Tours vers l’Arboretum de la Martinière sur une invitation de Michel et Agnès Davo, dans le cadre des « Rendez vous aux jardins ».
Je redécouvre le lieu après mon rapide passage à l’automne passé. Trois grandes perches de bambous donneront « Les Yeux des Nénuphars Volants » avec les ronds de plumes utilisés au Génie des Jardins en septembre dernier. Un tronc d’arbre mort fendu d’un chas à son sommet fait naître la tentation d’un Arc de Totem.
Samedi 1er juin Les Nénuphars Volants sont triangulés sur le radeau de bambous et mis à l’eau. Le fil de fer recuit se détend, les fleurs de plumes sont moins élevées que prévues, mais jouent bien avec leurs reflets liquides.
Avec bambou et échelle, Je glisse un fil de métal dans le chas du tronc, il casse. Je recommence. Un trépied de bambous me sert de servante pour enfiler les œufs bleus et dorés sur une tige de fer à béton fixé sur le côté du tronc.
Je réitère l’opération de l’autre côté avec cette fois obligation de chevaucher l’échelle pour accrocher le fil au bout de la tige en béton, le tout à 5m de haut et sans trop de casse ! Ouf, ça passe ! La délicatesse nécessaire à la mise en œuvre vient féconder la tension poétique entre la matière brute du tronc et la légèreté fragile de la ligne d’œufs. C’est Arc de Totem. Le tronc est devenu la flèche céleste d’un arc bandé de coquilles or et bleu.
Dimanche 2 juin
Il reste encore des stocks d’œufs bleus (2001) ou dorés (2012). La spirale créative est en marche, tourbillonne d’idée et s’accélère à la découverte de gros fil de fer en rouleau de 60 cm de diamètre qui ne demande qu’à dérouler le fil des œufs.
Une branche d’arbre basse et horizontale me donne envie de passer la bague à ce doigt d’écorce. Ce sera l’Anneau d’Arbre
Une passerelle vétuste me suggère entre eau et planches un sismographe poétique qui vibre au passage de pieds sur le tablier. C’est Passer’aile. Je scotche deux fils de fer ensemble mais ils n’auront pas la linéarité d’une tige de fer à béton et l’effet balancier sous le pont ne sera pas totalement satisfaisant. Le land art est avant tout laboratoire et expérimental…
Un fil est suspendu au bout de l’étang. J’y accroche deux cercles d’œufs mais l’un se tord quand je le lâche et voilà que le Soleil a rendez-vous avec la Lune. Il reste encore quelques œufs et le dimanche touche à sa faim créative : une longue ligne d’hélice monte de la surface vers la cime de l’arbre.
Il est temps de rejoindre la vallée de la Conie pour le symposium Sacval.
Lundi 3 juin
Premiers contacts entre organisateurs et artistes invités.
Mais déjà il faut aller récolter les branches de frêne avec une scie qui ne coupe pas assez bien, les piqûres de moustiques et les courbatures dans les mains. Puis c’est l’atelier meuleuse pour écorcer une partie des perches et les mettre à mesure. Au retour chez l’habitant qui me loge, je croise deux lièvres et un coucher de soleil sur un champ d’orge qui est en fait du blé barbu destiné à la fabrication des semoules et autres pâtes.
Mardi 4juin
Manque de tige filetée de 10 et de ficelle. Passage chez le Bricomarché de Châteaudun. C’est maintenant l’assemblage de la planche de plumes. Découpe des tiges filetées et perçage des trous dans les perches.
« Poétique et original » me dit une des membres du jury de sélection à l’annonce que c’est pour le « PlAngeoir ».
Mercredi 5 juin
Brève sortie de la bulle du symposium pour aller donner mes cours à la MJC de Ballan, près de Tours.
La fatigue réveille le lumbago qui sommeille aux creux des reins depuis une quinzaine. Attention et vigilance au plus près du corps, il y a encore quelques barreaux d’échelle à grimper pour faire voler les œufs des anges…
Jeudi 6 juin
Fixer la planche de plumes sur la potence de frêne, vérifier les écrous avant d’installer le tout sur la camionnette d’un artiste du coin qui aide à la logistique. Déplacer l’horizon du PlAngeoir vers son lieu d’implantation, près du pont de Molitard au bord de la Conie, rivière alimentée par la nappe phréatique avant qu’elle se jette dans le Loir. Nous sommes ici aux confins de la Beauce, au bord du Perche. L’horizon est rectiligne entre champs et ciel, qui forcément, paraît alors immense. Creuser avec la tarière deux trous aux bords de la rive, enfiler les œufs roux et blancs sur deux ressorts en fils de cuivre qui s’avèreront trop peu raides puis avec l’aide quelques bras d’artistes ou de photographes de passage, dresser cet échassier bizarre sur ces grandes pattes de bois. La tronçonneuse de Xavier viendra raccourcir les traverses obliques que j’avais prévues trop longues, la corde de Philippe fera hauban provisoire. Ne reste plus qu’à jouer de la perceuse sans fil et de la mèche de 10mm pour venir boulonner sérieusement l’ensemble. Mais le ciel se couvre d’orage et je finirai demain matin.
Vendredi 7 juin
Penser à recharger la batterie de la visseuse. Finir de fixer les différents étais de bois pour donner plus d’élan et d’envol au PlAngeoir. À l’aide d’un bâton et d’un crochet de fil de fer, remettre le tapis de plumes en ordre. Essayer en vain de redonner de la hauteur aux tongs, mais c’est impossible. Ranger le chantier et faire quelques photos en attendant la lumière du couchant. Aider quelques collègues artistes à finir leur œuvre. Ramer sur la Conie pour couper une branche gênante. Faire passer une bulle d’osier par-dessus une passerelle ou ramer à contre courant pour aider à l’envol de grenouilles de résine. Déplacer à une dizaine une auréole de saule et vite, ne pas rater la fugace lumière dorée du couchant qui reflète l’or du PlAngeoir dans le fil de l’eau du soir. Dîner de tartes aux légumes et d’une bonne portion de rires conviviaux. Passer du PlAngeoir à la plonge pour une vaisselle de toute bonne humeur…
Samedi 8 juin
Il ne reste plus qu’à couper le ruban (de bois) qui déclare le sentier ouvert et parcourir les huit kilomètres de la boucle en huit du sentier. http://sacvalunblog.fr

Bel été à vous au fil de vos ailes ! Et rendez vous au neuf du neuf…

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