Des soldats ont ouvert le feu sur des civils. Mais quand vont-ils le refermer ?
Est-il nécessaire d’en écrire davantage pour ne pas alourdir le couvercle plombant de l’actualité ?
Mieux vaut regarder les timides flocons qui virevoltent au fil de ces lignes derrière la verrière de l’atelier qui continue à son rythme tranquillement hivernal à peindre ses ardoises, à chercher le centre du regard (image 1), à poursuivre la quête de fenêtres à ouvrir (image 2), à dessiner Les Pages de Marguerite (image 3) pour un projet d’installation de miroirs aux abords de la maison d’enfance de Dame Yourcenar dans la région d’Hazebrouck. Projet qui ne verra pas le jour (ni la nuit) en cette année à venir. Il y eut 120 réponses à cet appel et 10 heureux. Bonne chance à eux.
Je me souviens qu’enfant, à l’époque où le téléphone était un produit de luxe, je rêvais du jour où il serait possible non seulement d’entendre la voix de son interlocuteur lointain mais en plus de le voir. Ce rêve est devenu réalité et bien souvent cauchemar dans un espace public où les interférences crachottantes des portables deviennent l’insupportable bande sonore des transports en commun. Qu’y faire ?
Peut on avoir un fou rire en fourrure ?
« Sous le pont Mirabeau coule la Seine » écrivit Apollinaire. Par quels méandres de l’histoire sont passés ses courants qui devraient nous faire chanter « Sous le pont Mirabeau coule… l’Yonne » puisqu’à leur confluent, à Montereau, c’est cette dernière qui a un débit supérieur à celui de la Seine, qui, si l’on suit cette norme de géographe devrait être considérée comme un affluent de l’Aube… Ainsi je vous écrirais depuis le département d’Yonne-Saint-Denis, tandis que Le Havre serait sous-préfecture de … L’Yonne Maritime !
Certaines marionnettes ont des fils. Que se passe-t-il si elles ont des filles ?
J’avais bien aimé il y a une douzaine d’année La Théorie des Nuages de Stéphane Audeguy ainsi que Fils Unique, biographie imaginaire du frère (disparu?) de Jean Jacques Rousseau. J’ai retrouvé avec plaisir cet auteur avec L’Histoire du lion Personne, les aventures d’un lionceau entre Sénégal et Jardin des Plantes parisien à la fin du XVIIIème siècle.
Haruki Murakami a une passion pour les tee-shirts dont il possède une faramineuse panoplie qu’il nous raconte dans un bref ouvrage intitulé T. Entre catalogue et collection, deux manches partout !
Aviez-vous vu le beau film de José Luis Lopez Linares inspiré par Jean Claude Carrière et intitulé L’ombre de Goya, paru en 2022. J’ai retrouvé trace du célèbre peintre espagnol, ou plutôt celle de son crâne, quête d’une médecin-légiste dans le roman de Sarah Chiche Les alchimies.
J’ai retrouvé Peter May, le plus périgourdin des auteurs écossais avec un roman paru il y a trente ans et récemment réédité. C’est Un chemin sans pardon, dans la jungle cambodgienne au moment de la chute de Khmers rouges.
Retrouvé aussi l’islandais Indridason, non pas sur son versant policier mais plutôt sur l’historique avec Le Roi et l’Horloger, étrange rencontre au XVIIIème siècle, entre un horloger islandais et Christian VII, roi du Danemark considéré comme fou et écarté du pouvoir.
Je viens de commencer avec enthousiasme, Cosme, un livre de Guillaume Meurisse qui tourne autour du poème Voyelles d’Arthur Rimbaud.
Mais on est toujours sans nouvelles de Charlotte Aufrèze !
Dans les films du mois, j’ai bien aimé Soudain Seuls, inspiré du livre éponyme d’Isabelle Autissier. Past Lives de Cécile Gong, touchante histoire d’amour/amitié entre Corée et New York. Touchante l’est aussi celle contée par le singapourien Anthony Chen dans Un Hiver à Yanji.
Sublime beauté en noir et blanc du Voyage au Pôle Sud de Luc Jacquet. Non loin de là, en Patagonie, l’implacable réquisitoire contre le massacre des indiens que porte Les Colons, intense et puissant film de Felipe Galvez Haberle.
J’avais bien aimé Perdrix d’Erwan Le Duc en 2019. Même régalade drôle et décalée avec La fille de son père.
Et pour finir ces agapes cinéphilliques de passage d’An Neuf, je suis allé déguster quatre heures de Menus Plaisirs, le film que le documentariste nonagénaire mais toujours alerte Frederick Wiseman a tourné dans les restaurants de l’étoilée tribu Troisgros à Roanne. Luxe et délices !
La nuit est tombée, les trop rares flocons ont cessé, j’écoute l’enregistrement des Sonates de Bach par l’immense Rostropovitch dans la basilique de Vézelay en mars 1991.
« Il suffit d’écouter le vent pour savoir si l’on est heureux » a dit le philosophe Adorno cité par Charles Pépin dans son émission Sous le Soleil de Platon du 3 janvier.
Là j’aime celui qui souffle dans les ouïes du violoncelle du grand Slava.
Je voulais terminer ma précédente nouv’aile en vous disant « Chouette, demain je vais voir l’expo Rothko à la Fondation Vuitton ». Et puis j’ai oublié de l’écrire… mais pas d’y aller. Et ce fut un moment de grâce et de lumière, d’intimité et de recueillement. Je l’avais découvert de visu en 1999 lors d’une exposition au MAM de Paris et ce fut déjà un éblouissement, aujourd’hui renouvelé dans cette grande et majestueuse exposition. Avant de sortir du surréalisme et de plonger dans l’abstraction et la couleur pure, Rothko, né Markuss Rotkovics en 1903 en Lettonie, écrivit au tournant des années 40, un long texte intitulé La Réalité de l’Artiste qui ne fut découvert par son fils et sa fille que 18 ans après sa mort en 1970 et publié en France en 2004. Dans un des premiers chapitres, il écrit «la répétition constante du faux est plus convaincante que la démonstration du vrai». Les réseaux de notre époque illustrent bien cette sentence visionnaire…
Je participe cette semaine à l’exposition les MINIS du Génie avec deux récents petits formats (dans l’image n°1 de cette chronique). Pour info, je serai présent à la Galerie le Mercredi 13 décembre de 14 à 17h. N’hésitez pas à y porter votre regard, qui est aussi un soutien. La Galerie du Génie de la Bastille, sise depuis 2014 au 126 rue de Charonne à Paris, est comme bon nombre d’associations culturelles en grandes difficultés. Help !!!
Je continue tranquillement à œuvrer dans l’atelier sans d’autre objectif précis que me nourrir de l’acte de créer et d’ainsi soigner et tenir à distance la dure morosité de l’époque… tout en continuant à répondre à quelques appels à projets. Mais qu’est lourde et douloureuse l’humeur de cette fin d’année ! Je mobilise toute mon énergie pour rester humblement debout et j’écris ces nouv’ailes pour continuer à tisser les liens des mots et l’écho des regards…
La poésie sera-t-elle sauvée par les vers de taire ?
Reçu à la radio une minute d’espoir dans la bouche de Cécile Duflot qui intervenant à propos de la COP 28 déclara que s’il y avait tant de lobbystes à ce grand raout écologiste au pays du pétrole, c’est parce qu’ils se sentent menacés. Vision optimiste ? Mais non dénuée de fondement, chacun sentant bien que cette assemblée n’a rien d’une baguette magique mais que c’est endurance et ténacité qui vont œuvrer au changement… Qui sera forcément trop lent, au vu de toutes les accélérations vertigineuses des prévisions climatiques… Le temps n’est plus à chercher à savoir scientifiquement s’il y a lien entre dérèglement et accumulations de catastrophes. L’évidence nous bouche les yeux: la colère de Gaïa est là.
Entendu aussi à la radio que la mort du dramaturge Eschyle serait due à la chute sur sa tête d’une carapace de tortue (lancée dit la légende par un rapace qui aurait prit son crâne pour un rocher). Étonnante collision, lien subtil entre les pensées grecque et chinoise quand on sait que la naissance de l’écriture de l’Empire du Milieu et corollairement du Yi Jing, se fit à travers des pratiques divinatoires par brûlage de carapaces de tortue…
Dans les nouv’ailes d’octobre 2015, à l’annonce du décès d’Henning Mankell, j’écrivis : «Il faut lire et relire ce grand humaniste, pour ses polars bien sûr, qui sont bien plus que des policiers mais aussi ses romans et ses ouvrages pour la jeunesse que ce gendre de Bergman avait tissés au fil de sa vie partagée entre Suède et Mozambique.» Récemment une amie m’a conseillé de lire son dernier livre intitulé Sable Mouvant : en janvier 2014, Mankell né en 1948, apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon. Il tient alors un journal, pas vraiment de sa maladie, mais plutôt un regard sur ses « Fragments de ma vie » comme est sous-titré ce livre. Il parle de son métier d’homme de théâtre – écrivain et metteur en scène – et nous livre ses réflexions sur le monde et ses histoires. Je le découvre férocement antinucléaire quand il évoque les cent mille années que nous léguons à nos descendants pour l’enfouissement et la surveillance des déchets radioactifs… Nous qui nous émerveillons des chefs d’œuvres de Lascaux ou autres splendeurs de Cosquer, imaginez ce qu’il en serait si au lieu de ces premières traces de peintures, on avait trouvé des futs d’acier corrodés transpirant la mortelle radioactivité… Pour suivre, je lis le livre Mankell (par) Mankell, qu’une journaliste danoise, Kirsten Jacobsen, lui a consacré après de longues et nombreuses séances d’interviews pour peaufiner le portraits multi-facettes de cet écrivain suédois qui a vendu plus de 40 millions de livre dans le monde. Toutes ces réjouissantes lectures m’ont donné envie de remettre mes yeux dans les pas du commissaire Wallander…
Après d’avoir rejoint récemment ceux du commissaire Jean-Baptiste Adamberg dans le roman Sur La Dalle de Fred Vargas paru en mai dernier. J’avais été moyennement emballé par son précédent livre La Recluse, mais cette fois, j’ai embarqué sur cette dalle bretonne rondement menée. Embarqué aussi dans Le Bal des Folles de Victoria Mas, chronique des femmes recluses à La Salpêtrière sous les expérimentations du Docteur Charcot.
Dans les étoiles invoquées pour tenir face à ce monde de dingues, il y a celles qui brillent dans les salles obscures où je l’avoue, moi qui n’ai ni télé ni réseaux sociaux numériques, je me réfugie en surfant sur ma carte d’abonnement de 22€ mensuels qui depuis plus de 20 ans me donne accès à la très grande majorité des cinémas parisiens.
Au menu de ces semaines, le québecois Simple comme Sylvain, Le « guédiguian » Et la Fête Continue, Le gastronomique Dodin Bouffant, l’africain et belge Augure, le tokyoïte Perfect Days de Wim Wenders, l’espagnol Les Filles vont bien, le dispositif remarquable de Little Girl Blue. Et le frugal mais foisonnant Ricardo et la Peinture de Barbet Schroeder, ami depuis plus de 40 ans de Ricardo Cavallo, peintre argentin entre Neuilly et Bretagne, magnifique portrait d’une belle et tenace trajectoire artistique qui rime avec authentique.
Et pour finir cette chronique sur la légèreté d’un sourire, une question importante :
Y aura-t-il une manifestation de nudistes près de la Porte Maillot ?
Souriez, l’année est presque terminée, une nouvelle est bientôt âme née.
« C’est l’histoire d’un juif qui rencontre un autre arabe… »
J’avais évoqué la plus courte blague du monde dans les Nouv’ailes de septembre 2014. Je l’avais entendue dans la bouche d’André Markowicz, fameux traducteur d’auteurs russes, interrogé à propos du conflit israélo-palestinien… Depuis un mois elle fait le siège de ma mémoire pour juguler le plomb terroriste et les tapis de bombes, le sang des enfants et la vengeance aveugle, l’inadmissible colonisation et la détresse des populations civiles…
J’avais (déjà) évoqué ces sinistres expressions dans une chronique de 2009, pointant l’ironie des hasards des mots qui associe de troublantes et fumeuses mémoires le mot « Gaza » à l’histoire d’Israël. Difficile, moi qui souhaite faire de ce petit billet mensuel une parenthèse de légèreté et de poésie, de ne pas évoquer brièvement la noirceur de cet octobre d’horreur qui tapisse l’endroit et l’envers de l’actualité et de l’à-venir. Et pendant cet étouffant temps-là, Poutine se frotte les mains (sales) en Ukraine et on n’entend moins les cris des femmes iraniennes.
« Et imagine que ca t’arrive sous acide ? » a déclaré une femme israélienne, DJ qui participait le 7 octobre à la rave « Festival pour la Paix » à quelques mètres de la frontière avec Gaza. Cette phrase m’a donné un vertige sans fin, aux bords du gouffre abyssal qui sépare ces deux univers.
Un foui tra uno pèiro din un pous mai fau proun sage pèr l’avura (Un fou jette une pierre dans un puits mais il faut bien des sages pour l’en retirer).
Alors je m’accroche vaille que vaille aux pinceaux du silence (mais peut être devrais-je écrire « faille que faille » ?). Je me tiens debout au bord du chevalet, imaginant des parapluies géants qui sauveraient leurs baleines avec de gigantesques aiguilles d’acupuncture électrisant les méridiens de la planète (image n°1). Cherchant à résoudre dans les plis d’un labyrinthe la quadrature du cercle (image n°2). Et dans le labyrinthe des mots le sourire et la paix de l’Œuf et de la Poule (image n°3).
Per escoundu que fugue lou fus, toujours lou fum pareis (Si bien caché que soit le feu, il faut toujours que fumée sorte).
En période de prix littéraires, je n’aime pas lire les ouvrages en courses. Mais comme il était en première place sur les étagères de la médiathèque de mon quartier, je l’ai emprunté et lu avant qu’il reçoive le prix Fémina. C’est Triste Tigre de Neige Sino, récit non fictionnel d’un inceste qui entre autre acuité, interroge la notion même de récit d’un tel événement.
La enguo n’a ges d’os mai n’en fa roumpre (La langue n’a pas d’os, mais elle peut en briser).
Les phrases que vous lisez en brun sont extraites d’un réjouissant livre historico-provençal en forme de conte poétiquement réaliste paru chez Le Tripode et intitulé Le Dit du Mistral. L’auteur s’appelle Olivier Mak-Bouchard.
Dans les films du mois, n’essayez pas de tout comprendre mais laissez-vous emporter par la féérie fantastique des dessins et des couleurs du (dernier?) film de Miyazaki « Le Garçon et le Héron ». Moi, qui ai une affinité particulière pour ce volatile, a été émerveillé comme un petit garçon qui grandit encore entre les ailes d’un film.
Pas très emballé par La Fiancé du Poète ni par Une année difficile, j’ai bien aimé L’Air de la Mer rend Libre, The Killers of the Flowers Moon. Détesté Second Tour d’Albert Dupontel. Adoré le Ravissement. Subjugué par la puissance de L’Enlèvement de Marco Bellochio inspiré de l’Affaire Mortara (l’enlèvement d’un enfant juif par les soldats du Pape et l’Inquisition italienne au milieu du XIXème siècle). Séduit par Le Théorème de Marguerite, brillante élève mathématicienne faisant une thèse sur la conjecture de Goldbach. Et je termine cette liste cinéphile par Good Bye Julia dans un Soudan déchiré entre Nord et Sud, entre musulmans et chrétiens. Cain et Abel, foutez l’camp de cette planète et foutez nous la paix !!!
J’ai commencé cette chronique d’automne par un traducteur de russe, je la clos par un proverbe indien entendu dans la bouche de Michel Jonasz :
Nous n’y sommes plus, mais c’est pourtant ce mot qui a imprégné pour moi ces semaines printanières. Non pas en référence pandémiaire, mais en mémoire calendaire d’une quarantaine d’années. En écoutant les balbutiements médiatiques du tournoi de tennis de Roland Garros, je ne me souvenais plus de la joute victorieuse de Yannick Noah sur la terre battue de la petite balle jaune ! Était-elle tombée dans un trou de neurone vieillissant ? Que nenni ! Je ne m’en souvenais plus parce qu’à cette époque, en juin 1983, j’étais au pays dont la devise est « Je me souviens »…
Arrivé à Montréal le 27 octobre 1982 avec comme seules envies Danser et Dessiner, j’étais en ce juin-là au bout de mes réserves financières. J’avais claqué mes dernières piastres pour verser les arrhes d’un retour en Stefan Batory, paquebot polonais qui m’embarquera pour la France le 28 octobre 83. J’allais même jusqu’à songer faire gogo boy pour gagner quelques thunes, quand un matin, parti avec 5 dollars en poche voir des amis pour leur montrer mes premiers dessins encadrés, je rentrais le soir avec 500 dollars et deux peintures en moins. Je m’autorisais ce jour-là à y voir un heureux présage !
Ce fut une période ébouriffante, pleine de rencontres, d’inspirations, de projets… Cet instant québecois fut une bascule, une charnière de vie qui me fit décider d’entrer en peinture.
Alors comme la production de l’atelier va piano piano, je vous joins quelques images de gouache et d’aquarelle de ce temps-là, peintures qui furent exposées quelques mois plus tard, juste avant le retour transtalantique, au coin de Saint Laurent et Prince Arthur dans un bar si bien nommé L’Eau à la Bouche.
Je n’avais jamais réalisé que le verlan de « verrou » est « ouvert ». Ce fut fait pendant un savoureux concert que donna le souffleur de sons Didier Malherbe au Triton des Lilas avec Alexandre Cellier autre virtuose facétieux… Reste à savoir « vers où » va ce verrou ouvert ?
J’écris ces lignes dans un atelier où la chaleur pas encore estivale s’immisce doucement sous la verrière… Il semble bien que le réchauffement du climat va « plus vite, plus fort, plus chaud » que les plus alarmistes prévisions… En Arctique, le premier été sans glace de mer – en clair la disparition de la banquise d’été de l’océan du Nord – pourrait advenir dès 2030. Alors Un degré ? Deux degrés ? Quatre degrés ? Faites vos jeux … d’eaux à moins que ce soit des jeux… d’os ! On ne peut même pas dire « après nous le déluge » puisqu’il n’y aura peut-être plus d’eau … À moins qu’un volcan…
« Qu’est-ce que le désir ? La goutte de néant qui manque à la mer » écrivit Stéphane Mallarmé. Désirer, c’est constater l’absence, dit l’étymologie.
J’aime beaucoup les livres qui mêlent peinture et intrigue. Je me souviens encore avec émotion de la lecture du Tableau du Maître Flamand d’Arturo Perez-Reverte, lu au milieu des années 90. Alors quand j’ai entendu à la radio Adrien Goetz parler de son livre La Dormeuse de Naples où en trois nouvelles il conte la genèse et la disparition de ce pendant de La Grande Odalisque de Ingres, je l’ai aussitôt réservé dans ma médiathèque préférée. Et j’ai aimé. Dans la foulée, j’ai emprunté deux volumes de sa série « Intrigue à… ». Je me suis régalé dans celui consacré à la Normandie et à la tapisserie de Bayeux et bien ennuyé dans la dernière parue, tissée au Fort de Brégançon, où une accumulation d’érudition alourdit une pseudo énigme présidentielle, confuse et sans véritables ressorts.
J’avais il y a trois ans essayé sur les conseils d’une amie de lire Sandrine Collette et n’avais pas réussi à entrer dans la dureté noire de son univers. L’amie a récidivé en m’offrant son récent roman On était des loups. Et là j’ai embarqué à fond et à cheval dans cette intense relation père-fils au cœur d’un monde sauvage. Ce livre m’a remis en mémoire La Route, chef d’œuvre de Cormac McCarthy qu’il faut lire et relire et ne jamais voir le film qui en a été inspiré.
Quand je serai grand (dans) Le Cours de la Vie (j’irai voir) L’ile rouge
(pour faire) L’Amour dans les Forêts (et dans) L’Odeur du Vent …
Tel est mon mantra cinématographie de ce mois de Mai… auquel on peut aussi ajouter 99 moons…
Un jour de coupure de courant générale à l’atelier, je me suis fait un petit marathon d’expositions : Matisse à l’Orangerie (je continue à lui préférer Bonnard), le velouté du Pastel à Orsay voisinant avec le couple Manet/Degas. Puis je refis un saut dans les Song Lines aborigènes au Quai Branly, pour terminer en pure beauté dans les lumières magnifiques de la norvégienne Anna-Eva Bergman au MAM de Paris. Juste avant cette illumination j’ai cédé à la curiosité d’aller en face, au Palais de Tokyo, voir les peintures de Myriam Cahn dont une a été vandalisée le 7 mai dernier. Ce qui est parfaitement scandaleux. Et éminemment publicitaire pour la pauvreté plastique de cette exposition. Heureusement qu’il y eut juste après les somptuosités métalliques de celle qui fut compagne de cœur et de peinture d’Hartung.
Comme chaque été, cette nouv’aile se met en vacance et vous donne rendez-vous au jour Neuf du neuvième mois.
Si le printemps fut plutôt silencieux dans les pinceaux de l’atelier, l’automne qui se prend pour l’été fait entendre de nouveau ses bruissements colorés. Quelques rangements sous la verrière ont fait un (petit) peu de place pour accueillir ardoises, papiers de soie collés, branches peintes en jaune lumière et autres aiguilles d’acupuncture piquant la toile de mon monde de peinture… C’est à suivre… et à laisser venir doucement. Il s’agit toujours de Peindre Le Ciel, même si au cours de l’été ce tableau-programme-d’une-vie a quitté l’atelier et trouver refuge ami pas loin des bords de l’Atlantique. Et d’autres sont en quête d’éventuels acquéreurs sur le site de vente en ligne Artsper, celui-là même qui avait permis l’heureux voyage en Belgique de La Roue du Temps.
J’ai eu récemment l’honneur et le plaisir d’être juré dans le festival de documentaires Écrans de Chine. Belle immersion le temps d’un long week-end dans les regards multiples et croisés sur ce pays. Dans les membres du jury, il y avait un journaliste français d’origine chinoise auteur d’un livre paru cette année aux éditions de l’Aube : La société de surveillance made in China. Vertige ! Au palmarès: Ayi, et deux mentions spéciales à H6 et Chine, une histoire intime. https://www.ecransdesmondes.org/ecrans-de-chine/
Vous souvenez-vous de l’éruption du volcan Hunga Tunga survenue le 15 janvier 2022 dans le sud-ouest du Pacifique, la plus puissante jamais enregistrée depuis que l’humain mesure l’activité volcanique de la planète. Non ?
Cessons de parler de climato-sceptiques ! Ce sont tout bonnement des climato-j’m’en-foutistes. J’ai encore en mémoire le bruit de la chute d’un bout de montagne lors de la randonnée tarentaise. Vous pouvez l’entendre dans la quatrième image de cette chronique.
Je vous avais laissé en septembre au seuil de la lecture de La Plus Secrète Mémoire des hommes, roman de Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021. Cette lecture parfois difficile mais néanmoins d’une profonde et dense richesse m’a embarqué dans ses multiples méandres et abîmes. Plus aisée fut celle de De purs hommes, du même auteur qui aborde le motif de l’homosexualité au Sénégal. Dans le foisonnement abyssal de La plus secrète mémoire… j’ai bien aimé ce passage : « Alors tu sais aussi que dans notre tradition sérère, aucun nom n’est donné par hasard ( …) Il n’est pas seulement un symbole, mais un signe pour l’existence. Il dit quelque chose de l’être qui le porte… il le guide, il montre le chemin… »
Ce soir je pourrai m’appeler « D’eau, de l’eau naît ». Une soif de création sans faim et sans fin.
Parce que La Roue du Temps tourne toujours dans un coin de ma tête (et hélas aussi dans mes lombaires ou mes genoux), je suis toujours intéressé par ce que la science dit du Temps, de sa perception et de son écoulement. J’ai prêté l’oreille à une émission avec Carlo Rovelli, éminent physicien et philosophe des sciences qui vient de publier un livre intitulé Trous Blancs. Je me souviens avoir écrit dans les lignes de ces Nouv’ailes, il y a quelques années, une phrase en forme de blague qui disait « les trous noirs, c’est troublant ». La réalité a rattrapé l’humour de la fiction. Mais avant de plonger dans ce trou blanc, je vais ouvrir les pages d’un de ses ouvrages précédents : L’Ordre du Temps. Tout un programme… Au fil de cette émission, j’ai eu écho d’une proposition que ce scientifique italien vivant à Marseille avait fait avec d’autres confrères : « Si l’on réduisait simultanément de 2% chaque année sur 5 ans, les budgets militaires de tous les pays, on aurait de quoi financer les remèdes à la problématique climatique de notre époque ». Mais cette utopique proposition émise juste avant la guerre d’Ukraine a fait long feu. Ou plutôt non, tant cette expression qui signifiait à l’origine « durer longtemps » peu aussi se traduire par « ne pas durer longtemps ». Bel exemple d’énantiosémie, soit deux sens opposés pour une même expression.
Vibré à la lecture de Dans la lumière des peintres d’Adrien Maeght qui conte la belle aventure de cette galerie et de sa fondation à Saint Paul de Vence. Plaisir d’y croiser le quotidien et l’amitié des quelques grands peintres comme Braque ou Miro, avec une tendre préférence pour l’homme et l’artiste majeur qu’est pour moi Pierre Bonnard.
Découvert la belle écriture d’une jeune autrice, Laurine Roux, professeur de lettres dans les Hautes Alpes à travers son premier roman Une immense sensation de calme, belle et intense histoire de mort et d’amour dans ce qui pourrait être une Sibérie lointaine où une guerre n’aura laissé debout que des parias et des Invisibles. Son plus récent, L’autre moitié du monde nous entraine dans les années 20, dans le delta de l’Ebre, entre révolte et servage. Et séduit par cette langue sensible, imagée, réaliste et poétique : « …Elle est saisie de panique, se met à courir veste serrée contre elle, comme si le tissu pouvait retenir les caresses et la nuit (…) Le sang tombe dans les jambes de Toya. »
Le silence et la colère. C’est le deuxième tome de la tétralogie de Pierre Lemaître consacrée aux Trente Glorieuses. Dans les années 50, l’histoire d’un village inondé pour cause de barrage hydroélectrique s’entremêle avec la chasse aux femmes qui pratiquaient clandestinement des avortements et à celles qui les subissaient. Cette actualité qui n’en est plus une en France, mais hélas l’est encore dans bien des pays du monde, est venue percuter les émotions intenses ressenties à la vision de l’exposition de Nicolas de Staël qui se tient au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris jusqu’au 21 janvier prochain. Jeannine, la première femme de ce peintre d’origine russe, est décédée en 1946 des suites d’un avortement. Et il est probable que l’avortement d’une de ses dernières compagnes, Jeanne, l’ait poussé à sauter du rempart de la vieille cité d’Antibes un matin de mars 1955. Heureusement il nous reste sa peinture à laquelle cette ample exposition rend merveilleusement grâce.
Côté cinéma, beaucoup de films vus ce mois-ci mais il en est un, reçu dans les yeux et le cœur hier soir, qui plane haut dans le ciel de mes écrans. Je n’en dirai rien de plus, pas trouvé de mots à la hauteur, si ce n’est cette formule impérative : allez le voir ! C’est Le Règne Animal de Thomas Cailley.
Si vous redescendez du Règne Animal, vous pouvez y ajoutez Nos Corps de Claire Simon, Toni en Famille de Nathan Ambrosioni et Le Procès Goldman de Cédric Kahn.
J’espère que ces quelques lignes vous auront été Bonnes Nouv’ailes.
Pour cette rentrée, le Neuf prend un peu d’avance pour cause de randonnée savoyarde. Mais peut-on raisonnablement se plaindre que le Neuf prenne un peu d’avance en ces temps qui semblent en recul et ont rimé cet été avec canicule. Quinze millions d’hectares sont partis en fumée dans le ciel canadien. Mais comme en Australie, on redécouvre les techniques ancestrales des amérindiens et des aborigènes pour combattre le feu … par le feu !
Mais je vais cesser là le tour d’horizon enfumé des brûlantes actualités, pour ne pas trop consumer votre attention. Après un printemps aride en projets artistiques, la pluie bienfaitrice vint en juin sous la forme d’un appel de la MJC de Torcy me proposant dans le cadre des Olympiades Culturelles une intervention avec des jeunes ados d’Île-de-France. Ainsi naquit en six après-midis partagés LE PAGAYER sur les bords de la Marne, pas loin de la base nautique de Vaires-Torcy où auront lieu l’année prochaine les épreuves olympiques d’aviron.
On voir sur beaucoup de bus ou camions l’avertissement « prenez garde aux angles morts ! » Verra-t-on un jour sur de doux véhicules le conseil « Merci de porter attention aux angles vivants »
Je n’ai pas lu le roman de Philippe Labro intitulé « Tomber sept fois, se relever huit », mais ai songé à le faire lors de l’obtention de mon 3ème dan de Kyudo après sept tentatives et quatorze ans d’attente persévérante. La huitième fut la bonne et m’a ensoleillé la mi-août.
L’été fut randonneur, baigneur, un peu naturiste, beaucoup lecteur… Après avoir aimé La Religion de Tim Willocks qui contait le siège de Malte (à ce propos, savez-vous situer cette île sur une carte ? Comme beaucoup, je l’imaginais entre Grèce et Italie, alors qu’elle est plutôt entre Sicile et Tunisie… Et pourquoi beaucoup de migrants se dirigent vers l’île italienne de Lampedusa et bien peu vers les rivages maltais, pourtant eux aussi européens ? ) j’ai poursuivi cette lecture par Les Douze Enfants de Paris qui raconte la journée du 24 août 1572 plus connue sous l’intitulé Massacre de la Saint Barthélémy… Sang pour sang guerres de religion et guère de religio…
Peut on marier un matelot las avec un lot de matelas ?
Puis je suis parti avec Pete Fromm passer sept mois dans les Rocheuses. C’est Indian Creek, formidable récit d’un camp sauvage, solitaire et hivernal entre Montana et Idaho.
Pour changer de registre, j’ai suivi 555 d’Hélène Gestern sur les traces enquêtrices de la (peut-être) 556ème sonate de Scarlatti… Belle intrigue entre baroque et lutherie qui me donna envie de poursuivre sur les énigmes dans le monde de l’art et m’y fit découvrir un diamant, une perle, un trésor. Je l’avais depuis, longtemps noté dans mes carnets et son temps est venu cet été : c’est L’Affaire Arnolfini de Jean-Philippe Postel aux éditions Actes Sud, véritable et abyssale plongée dans le tableau de Jan Van Eyck, peint en 1434 et exposé depuis 1842 à la National Gallery de Londres. Presque 600 ans de mystères qui ont fait coulé beaucoup d’encres et de salives dans l’huile de ce panneau de bois de 82,2x 60cm. Une merveille !
Il ne faut pas saboter sa beauté.
En continuant de flâner en terre flamande et hélas toujours en guerres de religion, ce fut La couleur bleue de Jörg Kastner autour des derniers jours de Rembrandt.
Puis La Tempête du trop bavard et suranné Juan Manuel de Prada me ramena entre faussaire et restauratrice à Venise devant le tableau éponyme de Giorgione.
Mais la rentrée approchait et je repris le RER en compagnie du premier roman de de Jean Paul DidierLaurent, hélas décédé en 2019 intitulé Le liseur du 6H27. Un conte moderne, drôle sur la vie de la lecture et la mort des livres.
Pour glisser vers septembre je me tissais dans les pages de Mes intimes, de Jérôme Garçin, témoignage touchant sur les décès de sa mère et de son frère autiste, croisés furtivement lors de l’achat de la presse à graver de ces artistes.
Et aujourd’hui, j’entre doucement dans La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021. Et dans son labyrinthe de l’inhumain…
Au milieu de toutes ces pages il y eut quelques toiles : Oppenheimer (où j’appris que la ville de Kyoto qui faisait partie en 1945 des onze cibles atomiquement possibles fut écartée de la liste parce que le président américain Truman y avait effectué son voyage de noces…), Il Boemo, Love Life, Une Nuit, Les Filles d’Olfa, Les Algues Vertes, Les Herbes Sèches, Rendez Vous à Tokyo, Yannick… Et pour clore cette moisson estivale, évidemment la palme cannoise de Justine Triet, Anatomie d’une chute et plus discrètement, Fermez les Yeux, étrange titre du film du trop rare espagnol Victor Erice, joyeux octogénaire dont je garde le souvenir ébloui de son film précédent Le Songe de la Lumière sorti en …1992.
Au moment de clore cette chronique et cette floraison de livres et de films, je reçois sur mon écran la Une de Libé qui titre « Peur sur le Livre » en référence à la main mise de l’ogre réac Bolloré sur l’édition française.
« Ainsi il fallut que vous me piratâtes !» aurais-je pu dire à l’anonyme qui m’envoya un mail signalant un message audio sur mon téléphone fixe, mail sur lequel j’eus le malheur de cliquer et la naïveté troublée de ne pas me rendre compte à temps que c’était un fake… Alors sincèrement je souhaiterais que vous m’excusassiez pour la gêne occasionnée, comme on dit désormais pour un ascenseur en panne ou un train retardé…
Je sors doucement des questionnements et inquiétudes hivernales dans le bateau de l’atelier qui plonge pour se ressourcer dans le temps des tiroirs et des œuvres passées. L’activité prend doucement son temps et reprend forme. Les réponses négatives aux appels à projet ont continué la loi des séries, notamment pour La Forêt Monumentale (voir image 1 de cette chronique) pour lequel je m’étais pour la première fois associé à un ami sculpteur. Il n’y aura pas non plus d’Arbre-en-Ciel dans la vallée de l’Arzon, ni d’installation Entre-Miroirs à la Biennale de Sélestat. Durer, endurer, perdurer… Et juste s’alléger à vous partager les aléas encourageants des «Allez ! Ha !!!».
16 avril : Ahmad Jamal est mort. Tous les pianos du monde et de la nuit sont en tristesse.
J’écris cette lettre après avoir écouté une émission sur la pollution plastique, plus précisément la pollution du plastique qui flingue nos chaînes alimentaires, le lait des nourrissons et le fond des océans… Aujourd’hui 480 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde et les prévisions frôlent le milliard à l’horizon 2050… Depuis le premier janvier 2022, il devrait y avoir 30000 points d’eau dans l’espace public pour remplir nos gourdes et abandonner les bouteilles plastiques… On est loin du compte… Mais ceux des lobbys plafonnent…
Vu le film Les Âmes Sœurs d’André Téchiné. Avec Benjamin Voisin et l’impeccable Noémie Merlant. Pourquoi ne dit-on jamais les Âmes-Frères ? Devrait-on demander à la Terre Mère ? Vu aussi About Kim Sohee, Sur l’Adamant, A Quiet Girl, Burning Days et Hokusai.
Mais au top de ces étoiles de toiles, vu deux fois l’époustouflant Dancing Pina, où des élèves de la chorégraphe de Wuppertal remontent avec de jeunes danseuses et danseurs deux de ses pièces, Iphigénie en Tauride et le Sacre du Printemps à Stuttgart et dans le théâtre de l’École des Sables au Sénégal. Génial !
Et aussi L’Amitié, du nonagénaire Alain Cavalier qui filme l’intérieur des dialogues et le passage du temps au fil de l’amitié avec trois de ses compagnons de route.
Et aussi, baignez les yeux dans Le Bleu du Caftan de la réalisatrice Maryam Touzani avec la sensible Lubna Azabal.
Au bord de la mer, j’ai vu des sables émouvants…
Shibumi : une tentative maladroite pour décrire une qualité ineffable (…) Shibumi implique l’idée du raffinement le plus subtil sous les apparences les plus banales… On ne l’atteint pas, on le découvre… on doit dépasser la connaissance pour atteindre la simplicité… Ces quelques lignes se trouvent à la page 83 de cet épais roman de Trévarian, un des auteurs les plus mystérieux de ces dernières années. Américain, il a probablement vécu dans le pays basque et serait mort en 2005. Publié aux USA en 1979, édité en France en 1981, réédité en 2008, ce roman d’espionnage mais aussi critique acerbe de l’Amérique vous entraîne du Japon des années 30 au pays basque, du jeu de go aux gouffres de la spéléo, entre terrorisme et surveillance de la CIA. Vivement recommandé !!!
Pour changer d’univers, je suis parti à Malte en 1565 où le conflit entre islam et chrétienté bat son plein. C’est dans le livre La Religion, sous la plume de Tim Willocks, découvert récemment dans La Mort selon Turner.
Savez vous quel est le mot le plus employé dans les chansons de Brassens ? C’est «Dieu» ! Étonnant, non ? J’ai entendu cette information dans la voix de Maxime Le Forestier qui a eu sous les yeux le document word et les statistiques de l’intégrale du chanteur.
Une bonne amie me demandait à combien de personnes j’envoie cette chronique mensuelle qui a vu le jour, et la nuit, en octobre 2001. À ce jour, mes groupes d’envoi de ce modeste et minime réseau social affichent 1468 adresses.
Merci à vous qui lisez ces quelques lignes et zyeutez les images qui les accompagnent, les survolez, les parcourez, les zappez, les oubliez, et peut-être parfois les faites suivre. C’est un bien précieux qui m’est cher, c’est un lien précieux qui m’est chair.
Madame Wikipédia dit de ce néologisme venu du latin solacium (réconfort, consolation) et -stalgia (douleur morale) inventé en 2003 par le philosophe australien de l’environnement Glen Albrecht, que c’est une « forme de souffrance et de détresse psychique ou existentielle causée par les changements environnementaux passés, actuels ou attendus en particulier concernant la destruction des écosystèmes et de la biodiversité ».
Si, comme disait la grande Simone S. la nostalgie n’est plus ce qu’elle était, il semble que la solastalgie va pouvoir se conjuguer au présent pas simple et au futur compliqué !
Je digère doucement la brochette de réponses négatives à (presque) tous les appels à projets, dont celle (la quatorzième!) à Horizons Sancy. Je crois que je vais en rester là pour cette manifestation. Quelques-unes sont encore à venir, d’autres appels pour l’été et l’automne viennent de paraître…. Mais l’élan créatif est freiné et s’interroge sur les rebonds de la dynamique pérenne lancée par la Roue du Temps… Et pourtant elle tourne, comme aurait dit un célèbre astronome… Alors faire le do rond et un pas de côté, repasser par la case dessin, cesser d’être à côté de la plaque à graver, refaire tourner la roue de la presse avec des monotypes à spirales ou des fragments de corps de lumière jaune… Bref, ne pas trop se laisser à la gamberge, retrouver le goût du faire et le silence concentré de l’agir. Avec un peu de méditation et de qi gong au saut du lit tatami…
Réduire une sensation à l’un des sens, c’est de l’indécence !
« On a longtemps défini le capitalisme comme l’exploitation de l’homme par l’homme. Mais le capitalisme, c’est avant tout une guerre totale à la Nature » a dit le philosophe Frédéric Gros parlant de son récent livre Pourquoi la guerre et citant Bruno Latour, récemment disparu.
Vous avez de difficultés pour écrire l’ordre de voyelles dans le mot « accueillir » ? Pour s’en souvenir, pensez à Un Enfant Intelligent. Merci à N. qui m’a glissé ce joli clin d’orthographe.
Attrapé au détour d’une interview radiophonique, la question d’une journaliste à son invitée : « êtes vous croyante ? ». Cela m’a rappelé quelques aberrantes références religieuses de mon enfance où d’aucun se qualifiait de croyant mais non pratiquant… Étonnant, non ? Je n’en finirai pas d’interroger ce mot « croire » et ses imprégnations séculaires dans nos cerveaux judéo-chrétiens… Faut-il croire à l’écran sur lequel je vous écris ? Je me souviens d’un projet couvé mais non réalisé qui s’intitulait « Je crois qu’une croix croît ». Faut-il continuer de croire en lui ?
J’ai bien ri au flm Mon crime de François Ozon avec l’inénarrable et tonitruante entrée en scène d’Isabelle Huppert. Mais mon préféré ce mois-ci, c’est Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry, flm très documenté sur la justice restaurative qui met en paroles des faces à faces entre des victimes et des auteurs d’infractions. Instauré par Christiane Taubira en 2014 ce dispositif vise à recréer du lien, à soigner, voire à réparer. Film à la parole forte, fort bien joué par une pléiade d’excellents acteurs et actrices, avec mention spéciale à Adèle Exarchopoulos jouant avec finesse la victime d’un inceste « fraternel ».
Vu aussi le flm de Laura Poitras, Toute la beauté et le sang versé, Lion d’Or à Venise en 2022, sur la photographe Nan Golden et son combat contre la famille Sackler, mécène de beaucoup de musées dans le monde mais surtout promoteur de l’Oxycontin, opioïde responsable de la mort de centaines de milliers de personnes aux Etats-Unis.
Dans les lecture du mois : Et la lumière fut. Très beau livre de Jacques Lusseyran, devenu aveugle accidentellement à 8 ans, résistant, déporté puis professeur d’université aux États-Unis. La cécité vue de l’intérieur, ou la formidable puissance de la vue (et de la vie) intérieure.
« J’aurais bien voulu t’écrire une chanson d’amour » chantaient Higelin et Areski dans les années 70. Je les aurais plagiés avec plaisir pour vous écrire une nouv’aile de joie, « mais par les temps qui courent, ce n’est pas chose commode » comme le dit la suite de son refrain.
Au soir d’une longue route de retour du Sud qui vient déposer dans vos pixels quelques œufs en noir & blancs, j’espère néanmoins que vous aurez trouvé dans les jardins de vos cœurs quelques coquilles de joie et de chocolat en forme de Neuf de Pâques.
La syndicaliste, c’est un film de Jean Paul Salomé inspiré du livre-enquête de Caroline Michel-Aguirre sur l’affaire Maureen Kearney, syndicaliste d’Areva violemment agressée en décembre 2012, puis accusée d’avoir organisé elle-même cette agression, et finalement relaxée en 2018 par la Cour d’Appel de Versailles sans pour autant avoir été reconnue victime et sans que les auteurs de cette agression aient été identifiés. Remugles vertigineux des coulisses de l’empire nucléaire et de ses lobbys qui font froid dans le dos au moment où le gouvernement s’apprête à mettre en œuvre « le projet de démantèlement de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire [qui] constitue une dérive technocratique dangereuse » comme l’a titré le journal Le Monde. Alors que l’on vient de trouver d’importantes fissures dans le circuit d’injection de sécurité du réacteur nucléaire de Penly en Seine Maritime. Site qui devrait recevoir un des 6 EPR que le Méprisant de la République – comme l’ont bien nommé quelques pancartes syndicales des manifs contre la réforme des retraites – a décidé sans le moindre débat démocratique. Vous qui me lisez peut-être depuis longtemps, connaissez mes obsessions anti-nucléaires nées au cœur des années 70, indissociables de l’effroi, non pas du nucléaire en lui-même – il est hélas là- mais de son éternité radioactive léguée à nos descendants.
Et quel lien avec le Fenua dans tout cela ?
Aucun (ou presque). Fenua, c’est le titre d’un roman de Patrick Deville, emprunté par hasard à la médiathèque de mon quartier, mais Fenua c’est surtout le nom du territoire fait de toutes les îles, atolls et autre archipels de la Polynésie, qui rassemblés ne feraient même pas la surface de la Corse. L’auteur nous emporte dans le temps et dans l’espace de ce monde, autrement dit dans son histoire et sa géographie. Entre La Pérouse et de Bougainville, Cook et Darwin, Jack London et Robert Louis Stevenson, Melville et Julien Viaud, plus connu sous le nom de Pierre Loti. On y apprend que Gauguin s’embarquant pour Tahiti aurait pu croiser dans le port de Marseille Rimbaud revenant d’Abyssinie. On y rencontre aussi Victor Segalen et Georges Simenon, Elsa Triolet et Alain Gerbault, Moitessier et Romain Gary et c’est un formidable voyage que tracent les pages de ce beau roman.
Et le lien avec la syndicaliste ? À chercher du côté de Moruroa et Fangataufa, lieux de sinistres essais pas très pacifiques …
8 mars. Journée internationale des Femmes, des Droits des Femmes, de la Femme? Comment nommer cette journée en attendant idéalement que tous les jours de l’année le soient ? Alors juste citer Beaumarchais dans l’acte III du Mariage de Figaro : « Nous sommes traitées en mineures pour nos biens et punies en majeures pour nos fautes ».
« Je ne repartirai pas », de Nat King Cole. C’est le swing en français de la musique entendue autour du cercueil d’Agnès Lasalle, professeur d’espagnol tuée par un de ses élèves le 22 février dernier dans un lycée privé de Saint Jean de Luz. Au milieu d’une foule attristée assistant aux obsèques sur le parvis de cathédrale de Biarritz, un homme, seul, danse en portant dans le vide de ses bras l’absence de silhouette de celle qui était sa compagne. La vidéo n’est pas très bien captée, mais l’émotion de l’indicible deuil est là, dans ces quelques secondes de grâce. Prenez temps de les voir.
Je continue tant bien que mal à répondre aux appels à projets malgré l’avalanche d’échos tous négatifs à ce jour. Alors comment continuer ? Chercher encore des réponses…
Et puis filer dans quelques salles obscures pour éclairer l’humeur légèrement dépressive de cette fin d’hiver.
Outre La Syndicaliste, le formidable La Montagne de et avec Thomas Salvador. Comme un énergétique et poétique baptême de pierre en altitude. Vu aussi La Famille Asada, les délicieuses pâtes à modeler de « Interdit au Chiens et aux Italiens « , Le Retour des Hirondelles ( c’est de saison!), Empire of Light, The Son et El Agua.
Puis reprendre une lampée de pages de Jón Kalman Stefánsson avec À la Mesure de l’Univers, suite poétiquement savoureuse de « D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds ».
Mais les vers des poèmes, si ! Puissiez-vous en glisser quelques uns dans les marches de votre équinoxe.