AU 9 RUE DES NOUV’AILES #48

10 avril 2020 § 0 commentaire

Le virus et le squelette.

J’ai travaillé il y a une vingtaine d’années comme illustrateur pour, entre autres les éditions Dangles. En 1998, je reçus commande d’un dessin pour la couverture d’un livre intitulé Prévisions astrologiques pour le nouveau millénaire d’André Barbault, auteur que j’avais lu à la fin des années 70 quand je commençais à m’intéresser à cet univers et qui est décédé à l’âge vénérable de 98 ans en octobre dernier. Une fois cet ouvrage édité, je le feuilletai brièvement puis le rangeai dans ma bibliothèque, n’étant pas très porté sur le prédictif et préférant cheminer avec les astres comme une manière poétique de se relier par l’esprit au système solaire dans lequel nous vivons et m’en servant surtout comme horloge chronologique permettant d’observer ou d’anticiper les différentes phases et rendez-vous importants de mon chemin de vie. Mais confiné strictement dans mon grand atelier dionysien – à ce jour trois sorties courses et deux sorties boulangerie, merci le congélo – pour un temps éminemment et forcément créatif, je suis allé voir la table des matières de l’ouvrage ci-dessus mentionné.

Et là, surprise, sous le titre du chapitre XV intitulé « Les trois caps du premier tiers du siècle » je lus :

1-La fracture de 2010

2-La chute de 2020

3-L’envolée de 2026.

J’avais mentionné dans les Nouv’ailes de février dernier la conjonction des planètes Pluton, Saturne et Jupiter dans le signe du Capricorne traditionnellement associé dans le corps aux genoux et à l’ossature . Il semblerait que l’on puisse résumer cette période inédite dans l’histoire de l’humanité comme l’attaque par un virus microscopique du squelette macrocospique de notre planète.

Le mal a dit la maladie. Il nous faut maintenant gai rire.

Est-ce une bonne nouvelle que l’envolée soit prévue pour 2026 ? Oui parce que c’est une envolée, non parce que cela veut dire qu’il va falloir être patient… Mais comme bon nombre d’entre nous disait que l’on allait droit dans le décor, nous voilà bel et bien stoppé au pied du mur et cela est plutôt de bonne augure. Depuis que l’humain a joué avec le feu nucléaire et a la possibilité de s’autodétruire, voyons s’il est capable d’enfin écouter et de réparer le vivant comme l’a si bien titrer Maylis de Kerangal.

Dont j’ai beaucoup aimé le livre Un monde à portée de main. Une histoire de peinture et de regard. Pas beaucoup d’autres conseils de lectures ce mois-ci, n’ayant pu aller m’abreuver à temps le samedi 14 dans l’après-midi à la médiathèque de mon quartier qui a fermé ce jour-là… à midi. Alors j’ai fini de lire l’excellent Par les Routes de Sylvain Prudhomme, prix Femina 2019, puisé dans quelques ressources non encore lues de ma bibliothèque et plongé dans la correspondance d’Albert Camus et Maria Casarès publiée dans la collection Blanche de Gallimard en 2017. Gros pavé de 1300 pages qui retrace leurs échanges épistolaires entre 1944 et 1959. À lire par petites touches passionnées et passionnantes.

Ce livre m’avait été offert par mon amie Suzanne qui s’en est allée au matin du 5 avril après deux mois de soins palliatifs. J’avais pu la visiter et la serrer dans mes bras dans sa clinique le vendredi 13 mars. Nos derniers échanges furent téléphoniques avec une visite de mon atelier par Whatsapp grâce une gentille infirmière qui rendit cela possible. Ce n’est pas son départ qui est triste. Elle était totalement lucide, apaisée et désormais libérée de ses insuffisances respiratoires que le covid a accentué dans les derniers jours. Ce qui m’est douloureux, c’est de ne pas avoir pu lui tenir la main, lui baiser le front après le dernier souffle, partager avec ses amis les nécessaires rituels funéraires qui ouvrent le deuil et servent un verre à boire pour dire que la vie continue. Alors je poste chaque jour jusqu’à sa crémation sur un petit groupe Whatsapp une photo d’elle et de son mari Maurice, tendres et chers amis à qui j’avais dédié la Roue du Temps.

Un allemand a promené 99 téléphones connectés à Google Maps. Google a indiqué qu’il y avait là un embouteillage.

Je me suis mis en mode « ermite créatif » et occupe mes journées à peindre, à dessiner, et à graver de nouvelles plaques après avoir pris le temps d’apprivoiser ma presse, tel un Sisyphe obstiné à vouloir encore œuvrer à la tentative de la beauté du monde. En cuisinant, en écoutant la radio, quelques concerts et films sur arte.tv, en relisant quelques albums d’Astérix au son de Manu Dibango et en faisant suivre avec modération les nombreuses blagues reçues sur mon téléphone. Quelques skypes transatlantiques ou vietnamiens, quelques flèches tirées à la makiwara (c’est une botte de paille qui permet l’entraînement au Kyudo), quelques brèves sorties dans la partie close du square qui jouxte mon atelier… L’État est en urgence et curieusement, il n’y en a plus dans le fil du quotidien. Le temps est suspendu comme dans les jardins intérieurs d’une Babylone post moderne. Je me souviens d’une retraite de méditation Vipassana faite en 1993 et me reconnecte à la mémoire de ce temps.

Courage est un mot qui vient de cœur.

Courage est un mot qui vient du cœur.

Il reste à attraper le fil de l’horizon pour en découdre l’adversité. Avec vous. Avec Liberté, Égalité, Fraternité.

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